(Ottawa) Jean Charest a obtenu un nouveau « temps d’antenne », mercredi, mais cette nouvelle exposition nationale se traduira-t-elle en votes ?

L’ex-premier ministre du Québec a obtenu la tenue d’un ultime débat des candidats à la chefferie des conservateurs fédéraux — même si son principal opposant, Pierre Poilievre, a boudé l’évènement, tout comme Leslyn Lewis.

M. Charest a comparé mercredi ces absents à « des poissons qui ne veulent pas nager dans l’océan ». Mais avec encore six semaines avant l’annonce d’un gagnant, l’évènement de mercredi a été en grande partie l’occasion pour l’ex-premier ministre libéral du Québec d’aller grappiller des votes auprès de candidats moins populaires.

« C’est la seule carte qui reste », soutient la stratège conservatrice expérimentée Mélanie Paradis.

C’est M. Charest qui avait pressé le parti de tenir un troisième et dernier débat ; il avait aussi applaudi la décision des instances de tenir un débat bilingue. Il est donc apparu mercredi soir aux côtés du député fédéral de l’Ontario rurale Scott Aitchison et de l’ancien député provincial ontarien Roman Baber, qui ne brillent guère en français.

On pense que la route de M. Charest vers la victoire le 10 septembre est au mieux étroite — et elle passe par le Québec, l’Ontario et les provinces de l’Atlantique.

Sa campagne a pris un ton plus modéré récemment ; il propose une série de politiques sur la violence conjugale et les soins de santé, la sécurité et le changement climatique.

Expérience de leader

Tout au long de la course, comme lors du débat de mercredi, M. Charest a martelé que le Parti conservateur du Canada avait besoin de son expérience de leader politique. Il a déjà été chef de l’ancien Parti progressiste-conservateur fédéral, dans les années 1990, et ministre dans le gouvernement de Brian Mulroney.

Mais sa tentative de briguer la chefferie conservatrice fédérale constitue une sorte de « retour politique » au Canada, puisqu’il a passé 20 ans hors de la Colline du Parlement — et la dernière décennie hors de la politique active.

Son principal rival, Pierre Poilievre, est député fédéral depuis 2004 et se targue d’avoir vendu près de 312 000 cartes de membres pendant la course — un chiffre que les instances du parti n’ont pas voulu confirmer publiquement.

Au total, le parti affirme que la liste électorale compte maintenant près de 679 000 noms, dont 400 000 seraient de nouveaux membres. En date de mercredi, seulement 150 000 bulletins de vote avaient été retournés au siège du parti : M. Charest pouvait donc s’adresser aux centaines de milliers d’autres qui n’avaient pas encore rempli leur bulletin.

À ce stade-ci, Mme Paradis estime que le seul jeu de M. Charest est d’essayer de convaincre les partisans d’autres candidats moins favoris à le choisir comme premier choix.

Rallier Aitchison et Baber

Au cours du débat, M. Charest a d’ailleurs fait l’éloge de Scott Aitchison et de Roman Baber, assis devant lui. Il se disait d’accord avec les appels de M. Aitchison à assurer l’unité du parti. Et il a déclaré que M. Baber avait agi de façon admirable lorsqu’il a défendu ses positions de principe contre les confinements sanitaires, ce qui lui a valu d’être expulsé du caucus progressiste-conservateur du premier ministre ontarien Doug Ford.

À un moment du débat, en s’adressant directement aux deux hommes, M. Charest leur a dit : « Vous avez tous une place à la table, je veux que vous le sachiez ».

Rudy Husny, analyste politique et ancien candidat à la direction des conservateurs, affirme que le vote du Québec est crucial pour que M. Charest remporte la course. Or, il rappelle les chiffres de la collecte de fonds qui montrent que M. Poilievre a obtenu des contributions de plus de donateurs québécois que M. Charest.

Les documents déposés auprès d’Élections Canada montrent par ailleurs que M. Poilievre a récolté au Canada plus de 4 millions, contre 1,3 million pour M. Charest.

Les chiffres publiés par le parti montrent aussi que le nombre de membres conservateurs au Québec a fait un bond énorme pendant la course, passant de 7648 à la fin de 2021 à plus de 58 000 récemment.

Dans cette course à la chefferie, chaque circonscription « vaut » pour 100 points au scrutin national — que cette circonscription compte 200 membres ou 2000.