(Ottawa) Afin de répondre au besoin « urgent » de moderniser la défense continentale et de « protéger les Canadiens contre les menaces nouvelles et émergentes », le fédéral consacre à ce vaste chantier 4,9 milliards sur six ans – une annonce qui demeure floue à plusieurs égards.

La ministre de la Défense nationale, Anita Anand, s’est rendue à la base aérienne de Trenton, en Ontario, lundi, pour annoncer cette injection de fonds, en insistant sur la nécessité d’assurer la souveraineté du territoire avec cet appui au partenariat stratégique avec les États-Unis, « l’allié le plus proche du Canada ».

« C’est la mise à niveau la plus importante en près de quatre décennies pour le Canada », s’est-elle réjouie en précisant que cette première tranche s’inscrivait dans le cadre d’un plan d’investissement global de près de 40 milliards au cours des 20 prochaines années pour le poste budgétaire de la défense nationale.

Les capacités intégrées de nos adversaires potentiels, combinées aux effets des changements climatiques, signifient que le Canada ne peut pas compter uniquement sur sa géographie pour nous protéger.

Anita Anand, ministre de la Défense nationale

Il est « plus important que jamais de veiller à ce que les membres des Forces armées canadiennes disposent des outils dont ils ont besoin pour assurer notre sécurité », a-t-elle poursuivi au lutrin installé sur le tarmac de la base militaire.

La ministre a affirmé qu’il s’agissait d’argent frais venant s’ajouter aux quelque 8 milliards accordés au poste de la défense dans le dernier budget. Plus tard, dans un communiqué, le Ministère a corrigé le tir : 3 milliards sont au budget de 2022, et 1,9 milliard « en amortissement résiduel » s’y ajoutent, sur six ans, dès 2022-2023.

Système d’alerte du Nord

L’une des priorités du plan est la mise à niveau du Système d’alerte du Nord (SAN), un réseau de 50 sites radars dont 47 se trouvent au Canada, et dont les capacités sont de plus en plus mises à l’épreuve par l’arrivée d’armes de technologie moderne, y compris les missiles de croisière avancés et les armes hypersoniques.

Entre-temps, les installations vieilles de trois décennies demeureront en service, a indiqué la ministre Anand, qui était accompagnée du chef d’état-major de la Défense, Wayne Eyre, et du lieutenant-général Alain Pelletier, commandant adjoint du NORAD.

PHOTO LARS HAGBERG, LA PRESSE CANADIENNE

Wayne Eyre, chef d’état-major de la Défense, Anita Anand, ministre de la Défense nationale, et le lieutenant-général Alain Pelletier, commandant adjoint du NORAD

Aucun échéancier n’a été fourni par la ministre, pas plus que le montant total de ce volet spécifique. Hormis le communiqué envoyé par le ministère de la Défense nationale peu avant 22 h, lundi, soit 11 heures après cette annonce d’envergure, on n’avait aucun document d’information détaillé à se mettre sous la dent.

Non au bouclier antimissile américain

Si la ministre Anand avait laissé entendre en mai dernier que le gouvernement Trudeau n’écartait plus l’idée de participer au programme américain de défense antimissile balistique, elle a signalé lundi qu’elle n’était plus dans les cartons.

« La position de notre pays n’a pas changé [en ce qui a trait] au système balistique », a-t-elle déclaré au sujet de la participation du Canada à ce programme abandonné au 2005 sous l’ancien premier ministre libéral Paul Martin.

On optera plutôt pour un « système intégré » qui permettra au Canada de se prémunir contre « beaucoup de types de missiles », a exposé la ministre.

Cette stratégie fait sourciller Rob Huebert, professeur de science politique à l’Université de Calgary. « On annonce qu’on pourrait abattre des missiles hypersoniques comme en possède la Russie, mais pas des missiles balistiques ? Cela n’a aucun sens », a-t-il commenté.

« Trajectoire ascendante » de dépenses

Malgré tout, le Canada restera mauvais élève au sein de l’OTAN, dont la cible de financement est de 2 % du PIB. Dans un rapport publié récemment, le directeur parlementaire du budget estimait que le fédéral devrait augmenter ses dépenses militaires de 75,3 milliards sur cinq ans pour l’atteindre.

« Nous sommes sur une trajectoire ascendante depuis 2017, après que le gouvernement précédent a laissé les dépenses tomber à moins de 1 % », s’est défendue la ministre Anand.

Peut-être la trajectoire est-elle ascendante, mais il est « fallacieux » de prétendre qu’Ottawa y arrivera, estime le professeur Huebert. « On n’y est pas du tout », a-t-il martelé, reprochant au fédéral d’avoir occulté dans ce plan l’aspect de la détection des menaces sous-marines.

En savoir plus
  • 1958
    Année où l’accord de défense NORAD entre le Canada et les États-Unis a été établi. Il a été renouvelé à perpétuité en 2006.
    SOURCE : GOUVERNEMENT DU CANADA
  • 1,39 %
    Proportion du PIB du Canada consacré à la contribution à l’OTAN. Les États-Unis versent 3,5 % du leur et le Royaume-Uni, 2,3 %.
    Source : rapport de l’OTAN du 11 juin 2021