(Québec ) Malgré la défaite du camp du oui lors du référendum sur l’indépendance du Québec en 1995, Lucien Bouchard est toujours « convaincu que c’est la solution ». Dans la joute politique qui mène le gouvernement Legault à réclamer de nouveaux pouvoirs au fédéral en matière d’immigration, l’ancien premier ministre prévient qu’il « ne faut jamais compter sur Ottawa pour concéder des pouvoirs au Québec ».

M. Bouchard, qui a été premier ministre du Québec de 1996 à 2001, était présent mercredi dans les jardins de l’hôtel du Parlement pour l’inauguration d’une statue honorant la mémoire de son prédécesseur, l’ancien premier ministre péquiste Jacques Parizeau. Cette statue, une imposante œuvre de bronze réalisée par les sculpteurs montréalais Jules Lasalle et Annick Bourgeau, a été dévoilée en présence de la veuve de l’ancien chef du Parti québécois (PQ), Lisette Lapointe, et du premier ministre François Legault (voir plus bas).

Dans une longue mêlée de presse, M. Bouchard a accepté de répondre aux nombreuses questions concernant le nationalisme québécois, qui est « ouvert, démocratique, qui est accueillant [et] qui veut ouvrir la société à tout le monde, sans clivage et sans rejet », a-t-il dit.

Alors que le gouvernement de la Coalition avenir Québec (CAQ) souhaite obtenir un « mandat fort » lors de l’élection du 3 octobre pour établir un rapport de force face au fédéral et réclamer tous les pouvoirs en immigration, Lucien Bouchard a dit ceci : « Ça ne se fera pas avec l’agrément d’Ottawa, c’est sûr ».

PHOTO JACQUES BOISSINOT, LA PRESSE CANADIENNE

Une statue du premier ministre péquiste Jacques Parizeau a été inaugurée mercredi derrière l’Assemblée nationale.

« Il ne faut jamais compter sur Ottawa pour concéder des pouvoirs au Québec, les pouvoirs qu’il souhaite et qui lui sont nécessaires. Il faut que ça vienne d’une pression politique, que ça vienne d’un mouvement politique de base, collectif, comme ça a été longtemps, mais ce l’est moins maintenant. Il faut le constater », a-t-il ajouté.

Selon l’ancien premier ministre, le défi des dirigeants aujourd’hui est de concevoir un projet politique qui rallie une masse critique de citoyens et qui est assis sur des bases démocratiques. « Ce n’est pas facile aujourd’hui. C’est un vrai défi. C’est un des défis de M. Legault », a-t-il dit.

« Je pense qu’on soit nationaliste ou pas, l’immigration au Québec, c’est d’une importance cruciale. C’est très important. Et on a fait des gains considérables. C’est quand même un domaine où le Québec a réussi à obtenir un partage des pouvoirs en tout cas, qui n’est pas parfait, mais qui était un pas très important. Donc ça veut dire qu’il faut continuer », a ajouté M. Bouchard.

La souveraineté toujours d’actualité

Après la défaite du camp du oui lors du référendum de 1995, M. Bouchard ne considérait pas possible de tenir rapidement un nouveau vote. Plus de vingt ans après, « je pense que c’est encore moins possible », a-t-il dit mercredi, alors que son ancienne formation politique, le Parti québécois, propose de faire un référendum dans un premier mandat.

Ceci dit, le projet souverainiste, « c’est d’actualité parce que c’est dans le cœur de beaucoup de monde encore, dans le cœur d’un grand nombre de Québécois encore [et] dans le mien aussi », a ajouté l’ancien premier ministre.

« Je suis convaincu que c’est la solution. Je regrette beaucoup qu’on ne l’ait pas adopté à l’époque. Je respecte la décision populaire, mais c’est la solution. […] Tout devient un problème dans la gestion de l’État québécois à cause de ses relations extrêmement difficiles, probablement impossibles, avec le gouvernement fédéral tel qu’il est conçu », a poursuivi M. Bouchard.

« N’ayez pas peur de vos rêves »

La cérémonie pour dévoiler la statue de l’ancien premier ministre Jacques Parizeau, mercredi, a eu lieu sept ans jour pour jour après sa mort, le 1er juin 2015. Plusieurs personnalités politiques ont salué la mémoire de ce leader indépendantiste, dont le premier ministre François Legault, ainsi que la veuve de l’ancien chef péquiste, Lisette Lapointe.

« N’ayez pas peur de vos rêves, disait-il, a rappelé Mme Lapointe dans son discours. Le sien était immense, le plus grand des rêves, faire du Québec un pays, et il a bien failli le réaliser. Jusqu’à la fin de sa vie, il n’a jamais renoncé à son rêve. »

M. Legault, qui l’a eu comme professeur à HEC, a dit que le Québec a eu « quelques grands hommes d’État », et que M. Parizeau était « parmi les plus importants », en soulignant ses réalisations, mais en effleurant son engagement indépendantiste.

Sur l’imposante œuvre de bronze, très ressemblante, « Monsieur » — comme on le surnommait en raison de sa prestance et ses allures de grand seigneur — est représenté vêtu de son traditionnel complet trois-pièces, la main gauche ouverte vers son interlocuteur. Une campagne de financement a permis de recueillir les 120 000 $ nécessaires à la création du monument. La statue fait face à la rue Jacques-Parizeau.

M. Parizeau a été premier ministre durant un mandat court, mais mouvementé, de septembre 1994 à octobre 1995, qui a culminé avec le deuxième référendum sur la souveraineté, le 30 octobre 1995. Pendant toute sa carrière politique, Jacques Parizeau a tenté de convaincre les Québécois de la nécessité de l’indépendance. Il en a fait le combat de sa vie.