(Québec) Pour la deuxième journée d’affilée, François Legault a défendu sa prédiction selon laquelle la situation au Québec serait comparable à celle de la Louisiane si son gouvernement n’obtenait pas d’Ottawa tous les pouvoirs en immigration. Il a aussi réitéré que les députés issus de l’immigration qui parlent français au parlement sont des « exemples » qui ne représentent pas le portrait global dans la société.

« Tout le monde, de façon raisonnable, va comprendre que s’il y a un déclin du côté de la langue la plus parlée à la maison et qu’il y a un déclin du côté de la langue la plus parlée au travail, de façon générale, il y a un déclin », a soutenu mercredi le premier ministre, qui demande désormais à l’Office québécois de la langue française (OQLF) de mesurer la langue parlée dans l’espace public.

« On souhaiterait que le français soit la langue commune. La langue commune, il faut regarder quelle est la langue à la maison, quelle est la langue au travail, quelle est la langue au secteur public. C’est un ensemble. S’il n’y a plus personne au Québec qui parle français à la maison, ça veut dire que le français va éventuellement disparaître », a-t-il ajouté.

Un problème avec le regroupement familial

Même si le gouvernement fédéral a déjà dit non, François Legault entend tout de même faire campagne en revendiquant un « mandat fort » pour rapatrier d’Ottawa tous les pouvoirs en immigration. À l’heure actuelle, le Québec sélectionne ses immigrants économiques en vertu de l’entente Québec-Canada de 1991. Cette catégorie représentait 53 % de l’immigration dans la province en 2021, et 84 % de ces nouveaux arrivants parlaient français à leur arrivée.

Québec voudrait à l’avenir sélectionner les immigrants appartenant à la catégorie du regroupement familial. En 2021, selon le premier ministre, cette catégorie représentait 28 % des immigrants reçus au Québec, et 51 % d’entre eux parlaient français à leur arrivée. François Legault veut augmenter la proportion de ces nouveaux arrivants qui apprennent le français avant de rejoindre leur famille dans la province.

« Il y a une question de jugement. Si c’est un jeune enfant, on ne peut pas exiger qu’il parle français. Si c’est une personne de 95 ans, il faut rester raisonnable. Est-ce que c’est trop demander, quand on fait venir son conjoint, son père, sa mère, ses enfants adultes, de leur demander, avant de venir au Québec, d’apprendre le français ? Je trouve que c’est raisonnable », a-t-il dit.

Les effets de la loi 96

PHOTO JACQUES BOISSINOT, LA PRESSE CANADIENNE

Simon Jolin-Barrette

La loi 96 ayant été sanctionnée, Simon Jolin-Barrette a prêté serment mercredi comme titulaire du nouveau ministère de la Langue française. Il conserve également ses fonctions de ministre de la Justice et de leader du gouvernement.

Selon lui, « la situation pourrait se diriger vers la situation de la Louisiane » si rien n’est fait, a-t-il dit. Il a ensuite vanté les nouveaux pouvoirs attribués par sa réforme de la loi 101, alors que le gouvernement achète cette semaine des pages de publicité à ce sujet dans les grands journaux québécois et canadiens. M. Jolin-Barrette s’est fixé comme objectif que le taux de substitution linguistique chez les allophones qui passent à une autre langue que leur langue maternelle atteigne 90 % en faveur du français, contre 55 % à l’heure actuelle.

Selon le chef du Parti québécois, Paul St-Pierre Plamondon, le gouvernement n’en fait pas assez pour renverser le déclin du français.

« Je pense qu’à la lumière des données qu’on a, on doit considérer un recul, de baisser les seuils d’immigration en fonction de la capacité d’accueil en français du Québec. […] On excède en ce moment notre capacité d’accueil en français », a-t-il dit.

Le chef parlementaire de Québec solidaire, Gabriel Nadeau-Dubois, estime pour sa part que Québec tente de faire diversion pour éviter de parler de son bilan. « Il n’a pas de projet de société, donc il raconte des histoires de peur. Il fait croire aux Québécois que les 14 000 personnes qui arrivent au Québec chaque année par le programme de regroupement familial, ça va menacer la survie même de la nation québécoise. Il fait ça pour cacher ses échecs », a-t-il dit.

« M. Legault, s’il était sincère dans sa démarche, il tendrait la main aux oppositions, parce que le Québec n’est jamais aussi fort que quand il est uni. M. Legault divise les Québécois. C’est lui qui est en train d’affaiblir le rapport de force du Québec », a plus tard affirmé le chef du Parti conservateur du Québec, Éric Duhaime.

La question de l’« anecdote »

Le député libéral Saul Polo, Québécois d’origine colombienne, a pour sa part affirmé avoir été blessé mardi par les propos du premier ministre, qui a qualifié son intégration au Québec francophone d’« anecdote ».

« De me faire étiqueter par le premier ministre comme une anecdote, ça me blesse profondément, moi et beaucoup d’autres Québécois qui faisons tous les efforts nécessaires pour bien nous intégrer et être des citoyens à part entière », a-t-il dit.

« Je comprends, là, que M. Saul Paul, Polo, fait le tour de certains regroupements de journalistes pour dire qu’il est blessé. Écoutez, là. Ce que j’ai voulu dire hier, c’est qu’on peut bien prendre des exemples comme le sien pour dire [qu’]il a appris le français, mais ce sont des exemples. Il faut regarder le portrait global. Et le portrait global, c’est que le français est en déclin au Québec », a répondu M. Legault.

Avec Gabriel Béland, La Presse