(Québec) À cinq mois des élections, le débat sur l’immigration est relancé : le Parti québécois (PQ) s’oppose à la demande des regroupements d’employeurs, pour passer à l’accueil actuel de 50 000 immigrants par an à 80 000 plutôt, voire 90 000.

La formation indépendantiste réclame d’abord une discussion « sereine », fondée sur des données « factuelles et scientifiques ».

Le chef péquiste Paul St-Pierre Plamondon réagit ainsi à la sortie concertée de plusieurs associations de gens d’affaires, dont le Conseil du patronat et Manufacturiers et exportateurs du Québec, qui réclament l’augmentation considérable du seuil d’immigration annuel afin de combler la rareté de main-d’œuvre.

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Le chef péquiste Paul St-Pierre Plamondon

Dans une entrevue avec La Presse Canadienne publiée dimanche, le leader du PQ soutient que malgré les hausses constantes du nombre d’immigrants admis au Québec durant les 30 dernières années, la demande en travailleurs ne s’est pourtant pas résorbée. La prétendue solution n’a donc pas réglé le problème, selon lui.

Qui plus est, l’augmentation considérable réclamée ne ferait qu’accroître la demande de services, que ce soit des médecins de famille, des places en Centres de la petite enfance (CPE), ou encore des logements, a soulevé l’avocat spécialisé en immigration Stéphane Handfield, qui est candidat péquiste dans Masson aux élections d’octobre.

« Est-ce qu’on rend service aux nouveaux immigrants si on ne tient pas compte de ces enjeux dans notre capacité d’accueil et d’intégration ? » a-t-il demandé.

La science plutôt que l’idéologie

« On veut un débat fondé sur la science et non sur l’idéologie ou de fausses prémisses », a dit M. St-Pierre Plamondon.

Il appelle ainsi à la prudence pour éviter tout dérapage dans ce débat qui a connu de malheureux précédents.

Le simple fait de poser des questions sur la hausse du seuil d’immigration amène des sous-entendus sur l’intolérance de ceux qui posent les questions, cela crée un climat qui n’est pas serein.

Paul St-Pierre Plamondon, chef péquiste

« Historiquement, on a beaucoup versé dans l’idéologie et la stigmatisation » sur l’enjeu de l’immigration et cela finit par nuire au « droit du Québec de pouvoir prendre ses propres orientations », estime le leader indépendantiste.

Dès que le Québec ne s’aligne pas sur le modèle fédéral canadien visant à admettre toujours davantage de nouveaux arrivants, il est taxé de raciste alors que l’immigration relève en partie de sa compétence, déplore-t-il.

Des questions

Le chef du Parti québécois pose de nombreuses questions. Entre autres, est-ce qu’accueillir davantage d’immigrants crée davantage de richesse, hausse véritablement le produit intérieur brut par habitant ?

« On veut étudier la macro-économie de façon objective », exige-t-il en réclamant d’autres réponses.

Quel est l’impact d’une hausse de l’immigration sur la dynamique linguistique ? Quel est l’impact sur la crise du logement ? Est-ce que cela abaisse la moyenne d’âge de la main-d’œuvre ?

« Je n’ai jamais vu d’étude qui dit voici pourquoi on a besoin de 30 000 ou 40 000 immigrants, ou voici comment on arrive à justifier ce chiffre », a soulevé pour sa part Stéphane Handfield.

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L’avocat spécialisé en immigration et candidat péquiste Stéphane Handfield

« Combien coûte l’intégration de chaque immigrant ? » demande-t-il.

Or « on nous sort toujours la même rengaine : 80 000 immigrants par an et tous les problèmes vont être réglés ».

Actuellement, il y aurait pas moins de 240 000 postes vacants à combler au Québec, selon les données de l’Institut du Québec.

Les associations patronales réclament un rattrapage en immigration pour combler la rareté de la main-d’œuvre et le retard pris en raison de la fermeture des frontières durant la pandémie.

Leur consensus s’établit à 80 000 par an, mais la présidente des Manufacturiers et exportateurs, Véronique Proulx, serait prête à aller jusqu’à 90 000. C’est presque le double du seuil actuel de 50 000 par an.

Le gouvernement Legault n’a pas donné sa réponse officielle. Mais le PQ fixe sa barre où ?

Paul St-Pierre Plamondon réitère qu’il s’est engagé à fixer le seuil acceptable pour sa formation d’ici à la campagne électorale.

Durant la campagne électorale de 2018, la Coalition avenir Québec niait la pénurie de main-d’œuvre et s’était engagée à réduire le seuil d’immigration, avec le slogan « en prendre moins, mais en prendre soin ». Le seuil d’immigration avait d’abord été réduit, puis avait ensuite de nouveau été ajusté à la hausse.