(Québec) Au lendemain du déclenchement d’une enquête sur les circonstances qui ont permis à Rénald Grondin d’être élu président de la FTQ-Construction, alors qu’il avait harcelé et agressé sexuellement une personne pendant deux ans, les libéraux demandent au gouvernement Legault de resserrer la loi et d’interdire à « toute personne reconnue coupable ou responsable […] d’infractions, de crimes ou d’inconduites à caractère sexuel ou en matière de harcèlement » de diriger ou d’être élue à la tête d’un syndicat.

La critique de l’opposition officielle en matière de condition féminine, Isabelle Melançon, a présenté une motion en ce sens, jeudi, conjointement avec Québec solidaire. Elle n’a toutefois pas obtenu le consentement requis du gouvernement pour en débattre. Selon la députée libérale, Québec peut agir rapidement d’ici la fin de la session parlementaire en modifiant la Loi sur les relations du travail, la formation professionnelle et la gestion de la main-d’œuvre dans l’industrie de la construction, communément appelée la loi R-20.

Selon l’ex-ministre libérale du Travail Lise Thériault, « quand tu as fait notamment ce que M. Grondin a fait, ce n’est pas logique qu’il ait été capable de monter chacun des échelons, particulièrement au niveau des syndicats, qui sont supposés défendre les intérêts des travailleurs ». L’enquête déclenchée mercredi par la FTQ et la FTQ-Construction doit déterminer qui était au courant des agressions que Rénald Grondin a fait subir à sa secrétaire, entre 2008 et 2010, alors qu’il était directeur général de l’Association des manœuvres interprovinciaux.

À l’heure actuelle, la loi R-20 empêche des personnes déclarées coupable, au Canada ou ailleurs, de certains crimes, d’occuper des fonctions électives dans un syndicat. En ajoutant la notion d’une personne « responsable » de crimes ou d’inconduites à caractère sexuel ou en matière de harcèlement, la motion libérale propose d’aller plus loin que ce que la loi prévoit.

Québec d’accord avec le principe

PHOTO JACQUES BOISSINOT, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Jean Boulet, ministre du Travail, de l’Emploi et de la Solidarité sociale du Québec

Le ministre du Travail, de l’Emploi et de la Solidarité sociale, Jean Boulet, s’est dit d’accord « sur le principe » avec la députée libérale, mais n’entend pas apporter des amendements à la loi sans avoir en main les conclusions et les recommandations, s’il y en a, de l’enquête externe menée sur l’affaire Grondin. Mercredi, la FTQ et la FTQ-Construction ont cédé à la pression politique et annoncé le déclenchement d’une enquête pour faire la lumière sur les évènements ayant mené à l’élection de Rénald Grondin à la présidence de la FTQ-Construction, malgré l’existence d’une décision de la Commission des lésions professionnelles, révélée par La Presse, qui documentait les faits reprochés.

« Quant à des amendements potentiels à la loi sur les relations de travail dans l’industrie de la construction, je ne suis pas fermé. Il y a des réflexions à faire, mais il va y avoir une enquête. Alors, souhaitons qu’elle soit la plus approfondie possible et qu’elle va nous permettre de compléter notre réflexion », a assuré le ministre, jeudi.

« S’il y a des amendements à faire, on va s’assurer de les faire », a-t-il ajouté. Il est évident que l’enquête externe ne sera pas terminée d’ici la fin des travaux parlementaires, le 10 juin. « Les amendements pourraient venir rapidement au début d’un prochain mandat, le cas échéant », a précisé M. Boulet. Il s’attend par ailleurs à ce que le mandat soit donné « le plus rapidement possible » pour que le rapport d’enquête soit livré « dans un délai raisonnable ».

Quoi faire avec les élus du Parlement ?

En point de presse, jeudi, Lise Thériault a également affirmé que les nouvelles restrictions qu’elle souhaitait imposer aux syndicats en matière d’éligibilité aux postes électifs devraient s’appliquer aux élus de l’Assemblée nationale. « Elle peut s’étendre aux députés, elle peut s’étendre aux élus municipaux, elle peut s’étendre à n’importe qui qui est représentatif de sa population dans un poste électif », a-t-elle dit. Cette question bien précise visant les élus du Parlement n’est pas inscrite dans la motion présentée au Salon bleu.

« Je considère que c’est un privilège d’être président du syndicat, comme, nous, nous avons le privilège d’être élus. C’est à nous de montrer patte blanche », a poursuivi Mme Thériault.

« Une personne reconnue coupable de harcèlement sexuel, pour moi, ne devrait pas pouvoir être président d’un syndicat. Les personnes qui se présentent en politique, elles sont choisies par la population. Il y a une première sélection faite par le parti et, une fois que la population a choisi une personne et lui a pardonné son acte, bien, c’est le choix de la population », a par la suite affirmé le premier ministre, François Legault.

« On ne peut pas commencer à légiférer et à dire que, pour un certain nombre d’actes criminels passés, on est empêché de participer [à la vie] en société. Il y a un système de justice qui s’occupe de ça », a également ajouté le chef péquiste, Paul St-Pierre Plamondon.

Avec la collaboration d’Émilie Bilodeau, La Presse