Le député conservateur de Mégantic-L’Érable, Luc Berthold, a dénoncé en chambre jeudi la tenue au Québec d’un procès criminel secret « digne de la Corée du Nord », dont le ministre fédéral de la Justice refuse toujours de parler malgré un jugement très sévère de la Cour d’appel.

« On sait que la transparence n’est pas une marque de commerce de ce gouvernement NPD-Libéral. Il y a eu une justice digne du moyen âge récemment au Canada. Un procès fantôme, dont on ne connaît ni le lieu, ni la date, ni le juge, ni l’accusé, ni les avocats et dont on n’a pas de transcription », a déploré M. Berthold lors de la période des questions.

« Il apparaît que des enquêteurs de la GRC et des procureurs fédéraux ont participé à ce simulacre de justice digne de la Corée du Nord. Quel rôle a joué le ministre libéral de la Justice dans ce procès, qui va à l’encontre de tous les principes de base de notre système judiciaire au Canada ? » a-t-il demandé au ministre de la Justice David Lemetti.

Le député conservateur réagissait aux révélations récentes de La Presse sur la façon dont la Cour d’appel du Québec a découvert un procès criminel secret dont toutes les traces avaient été effacées. Selon nos informations, la poursuite dans cette affaire était pilotée par le Service des poursuites pénales du Canada, la couronne fédérale.

L’accusé, un informateur de police, aurait été condamné pour un crime sans qu’un numéro de dossier soit inscrit au rôle des affaires traitées par la cour. Le jugement qui le condamnait ne portait pas de numéro de dossier et des témoins auraient été interrogés à l’extérieur de la cour, sans que les procédures soient archivées normalement au greffe d’un palais de justice.

« En somme, aucune trace de ce procès n’existe, sauf dans la mémoire des personnes impliquées », concluaient les trois juges du plus haut tribunal québécois chargés de réviser cette affaire.

La Cour d’appel a déterminé que cet exercice était « contraire aux principes fondamentaux de la justice » et « incompatible avec les valeurs d’une démocratie libérale », mais elle n’a pas rendu public le nom du juge qui y a participé ni le district où il siège.

Le ministre préoccupé

Le ministre David Lametti avait peu à dire en chambre après la question du député de Mégantic-L’Érable.

Photo Adrian Wyld, La Presse Canadienne

Le ministre fédéral de la Justice, David Lametti

« Le principe de la publicité des débats judiciaires est un principe fondamental dans notre système de justice », a-t-il déclaré.

« Je suis très préoccupé par les reportages médiatiques sur la procédure judiciaire au Québec. Je crois comprendre que la directrice du Service des poursuites pénales du Canada a émis un communiqué », a-t-il ajouté, en précisant ne pas pouvoir commenter davantage « en raison des ordonnances judiciaires en place dans cette affaire ».

Dans un communiqué émis la semaine dernière, le Service des poursuites pénales du Canada a en effet contredit les conclusions de la Cour d’appel, qui a évoqué dans son jugement un « procès secret », une « audition secrète » et un « jugement tenu secret ».

« Le SPPC n’intente pas de poursuites en secret et ne mène pas non plus de procès secrets, même dans les cas impliquant un informateur », a déclaré l’organisme, qui prétend ne pas pouvoir en dire plus en raison du caviardage imposé sur le jugement de la Cour d’appel.

Le ministre de la Justice du Québec Simon Jolin-Barrette, de son côté, a dit la semaine dernière s’être entretenu avec les directions des différentes cours de justice afin que ce genre de procédure hors-norme ne se reproduise plus. Il a aussi demandé à ses procureurs d’intenter des démarches pour que certaines informations qui avaient été cachées jusqu’ici dans ce dossier puissent être rendues publiques.