(Ottawa) Vladimir Poutine n’a pas sa place au prochain rendez-vous du G20, croit le premier ministre du Canada. Il a d’ailleurs contacté le président indonésien, Joko Widodo, l’hôte du sommet à venir à Bali en novembre prochain, pour lui faire part de sa position. Les partis de l’opposition à Ottawa se rallient unanimement à la position libérale.

Ce qu’il faut savoir

  • Le premier ministre Justin Trudeau estime que la Russie ne devrait pas participer au prochain sommet du G20.
  • La semaine dernière, le président américain Joe Biden avait appelé à l’expulsion de la Russie.
  • Accueillir Moscou au sommet du G20, groupe de pays à vocation économique, n’a « aucun sens », car la Russie perturbe l’économie mondiale, dit Justin Trudeau.
  • Une expulsion pure et simple d’un État membre du G20 ne peut se faire sans l’unanimité des pays membres.
  • Tous les partis de l’opposition à Ottawa sont d’avis que la Russie doit être expulsée du groupe.

« Ça ne peut pas être comme d’habitude. Avec la Russie autour de la table, ça va être un grand enjeu pour beaucoup de pays, dont le Canada. Je ne pense pas qu’on peut s’asseoir avec la Russie autour de la table », a expliqué Justin Trudeau lors d’une mêlée de presse à l’entrée de la période des questions, jeudi.

Les pays membres du groupe devront avoir une conversation à ce sujet, a-t-il indiqué.

PHOTO PATRICK SEMANSKY, ASSOCIATED PRESS

Joe Biden, président des États-Unis

Déjà, il y a une semaine, le président des États-Unis, Joe Biden, avait exprimé le souhait que Moscou soit exclu du G20, et, si les pays membres du groupe ne parvenaient pas à s’entendre, « que l’Ukraine participe à la rencontre [à Bali] à titre d’observateur ».

Le premier ministre du Canada a convenu que l’unanimité requise serait difficile à obtenir.

Car le G20 regroupe des pays comme la Chine, l’Inde et l’Afrique du Sud, qui se sont tous les trois abstenus la semaine passée de se prononcer sur une résolution onusienne (finalement adoptée à la majorité) sommant le Kremlin de cesser les hostilités en Ukraine « immédiatement », « complètement » et « sans condition ».

L’expulsion pure et simple de la Russie représente ainsi une « conversation à avoir », mais ce qui s’impose d’abord et avant tout, c’est une décision sur le prochain sommet en Indonésie, estime Justin Trudeau.

« Je ne peux pas voir comment des leaders comme moi pourraient s’asseoir à la même table que Vladimir Poutine pour faire semblant que tout va bien […]. Il a démontré un manque de respect total pour la loi et l’ordre à l’international, la croissance économique, le bien-être et la souveraineté des autres pays », a-t-il dit.

« Aucun sens » de parler de croissance avec Moscou

Le premier ministre n’a par ailleurs pu s’empêcher de souligner l’ironie que le régime de Poutine, qui cause des ravages à l’économie mondiale, ait sa place au sein d’un groupe dont la mission est justement de trouver des moyens de favoriser la croissance économique.

Le G20 a toujours été un groupe de pays avec des approches différentes, mais c’est un groupe qui est axé sur la croissance économique mondiale. Or, ces jours-ci, on est en train de voir des déstabilisations à l’économie mondiale à cause des actions de la Russie, à cause des sanctions.

Justin Trudeau, premier ministre du Canada

« Ça n’a aucun sens d’avoir une discussion sur la croissance économique mondiale quand le pays responsable d’une bonne partie des bouleversements serait autour de la table », a enchaîné Justin Trudeau.

Les chances que la Russie se fasse carrément expulser du G20 sont « très, très minimes », a récemment affirmé à La Presse Hélène Emorine, chercheuse principale des groupes de recherche sur le G7 et le G20 de l’Université de Toronto.

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Vladimir Poutine, président de la Russie

« Le G20 marche par unanimité. Tous les pays doivent être d’accord avant de faire une action importante comme celle-ci. Je vois mal des pays comme la Chine ou l’Arabie saoudite être d’accord », avait-elle expliqué en entrevue il y a quelques jours.

Conservateurs et bloquistes d’accord

À Ottawa, les partis de l’opposition réclament aussi unanimement la mise au ban de la Russie.

« Le Canada doit demander l’expulsion de la Russie. Nous sommes heureux que nos alliés [les États-Unis] l’aient demandée », a signalé le porte-parole du Parti conservateur en matière d’affaires étrangères, Michael Chong, jeudi passé, en entrevue.

Son collègue bloquiste Stéphane Bergeron partage cette position, et il l’a réitérée jeudi – d’autant plus que les députés ukrainiens en visite à Ottawa ces jours-ci ont notamment demandé « de poursuivre l’isolement de la Russie sur la scène internationale, ce qui inclut entre autres l’exclusion du G20 », a-t-il argué.

La semaine dernière, la porte-parole du Nouveau Parti démocratique en matière d’affaires étrangères, Heather McPherson, avait affirmé que « bien que ce soit une option que nous devrions envisager, il y a aussi beaucoup d’autres voies que nous devons emprunter pour être solidaires de l’Ukraine et condamner la Russie ».

Jeudi, le chef adjoint de la formation, Alexandre Boulerice, est toutefois allé beaucoup plus loin.

« Il faut avoir une stratégie d’isoler la Russie, de faire mal au régime Poutine et aux oligarques. Ça fait partie de cette orientation-là, mais nous, au NPD, on pense qu’on devrait aussi aller plus loin, exclure la Russie de l’OSCE [Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe], du [Conseil] de l’Arctique également », a-t-il lancé en point de presse.

Au parti, on a affirmé que c’était « la même position ».