(Québec) Le gouvernement Legault interviendra pour empêcher une hausse des tarifs d’électricité de 4 à 5 % l’an prochain, une situation causée par sa propre loi adoptée sous le bâillon, qui liait la facture d’Hydro-Québec à l’inflation.

« On n’a pas prévu qu’il pouvait y avoir une inflation jusqu’à 4-5 %. On va corriger la situation », a promis le premier ministre en mêlée de presse mardi.

Son gouvernement se retrouve sur le gril des partis de l’opposition en raison d’une montée de l’inflation. Le problème : Québec estimait en 2019 que l’inflation était un indicateur stable et prévisible sur lequel il pouvait arrimer les tarifs d’électricité sans craindre de choc tarifaire.

Mais la pandémie a changé la donne, a plaidé le premier ministre. « Le 1er avril 2023, il pourrait y avoir une augmentation de 4 à 5 %. Je veux rassurer : on va mettre en place un mécanisme, mais on ne laissera pas les tarifs augmenter de 4 ou 5 %. C’est le contraire, ce qu’on veut faire », a-t-il dit. Il veut « compenser les Québécois », a-t-il dit en chambre.

Les partis de l’opposition lui reprochent d’avoir créé cette situation en adoptant en décembre 2019 une loi qui met fin à un examen annuel de la Régie de l’énergie pour autoriser les hausses de tarifs d’Hydro-Québec, contre l’avis de groupes de protection des consommateurs, de représentants des industriels et des experts du domaine de l’énergie. « Quand tout le monde était contre le projet de loi, tout le monde, le premier ministre disait, et je cite : […] ‟On pense, nous, de notre côté, qu’on ne verra plus ça, des années d’inflation à 5 %” », a déploré la cheffe libérale Dominique Anglade.

Crise mondiale

M. Legault a rétorqué en ironisant que Mme Anglade était bien sûr « la seule » élue sur 125 députés qui avait « prévu » « une pandémie qui durerait deux ans » et « de l’inflation à 5 % ». Mal lui en prit, car Mme Anglade lui a rappelé qu’en 2019, le Parti libéral avait soumis l’hypothèse d’une « crise mondiale » provoquant une inflation à 7 %.

Québec solidaire a d’ailleurs diffusé un recueil de citations de François Legault de l’automne 2021 sur les réseaux sociaux :

« Nous, on pense qu’on ne verra plus ça des années d’inflation de 5, 6 %, comme le pense l’ancien ministre des Finances [Carlos Leitão]. »

« Je sais que l’ancien ministre des Finances pense que l’inflation pourrait monter à 5-6 %. Je ne sais pas sur quelle planète il vit. »

« L’objectif de la Banque du Canada, c’est à peu près à 2 %, ça veut dire que les tarifs n’augmenteront pas à plus que 2 %. »

Le ministre de l’Énergie, Jonatan Julien, affirmait également à ce moment qu’il n’avait pas besoin de « boule de cristal » et qu’il n’était « pas important » de connaître l’inflation dans les prochaines années. « Pas besoin de savoir ça va être quoi l’inflation, ça va être l’inflation », disait-il.

Le gars de la météo

La co-cheffe de Québec solidaire, Manon Massé, en a rajouté. « Il y a trois ans, le premier ministre a eu la brillante idée d’augmenter Hydro et de lier à la vitesse de l’augmentation du coût de la vie. À l’époque, il nous a dit clairement que l’inflation n’allait jamais dépasser 2 %, voyons donc, dans quel monde de licornes on vit », a-t-elle souligné. « On dirait que le premier ministre s’est pris un peu pour le gars de la météo qui nous a annoncé du bien beau soleil, puis que, dans le fond, bien, il n’est pas vraiment sûr de son coup parce que cette année, hein, on parle sous peu d’une inflation de 5 %. Le premier ministre s’est trompé », a-t-elle dit.

Les partis lui demandent de reculer et de ramener l’examen annuel de la Régie. La solution proposée par le premier ministre semble arbitraire, craint le député libéral Marc Tanguay. Il n’y a aucun article dans la loi qui dit que « le PM va peut-être intervenir en envoyant un chèque » pour dédommager les consommateurs, a-t-il ironisé.

De son côté, la Coalition avenir Québec (CAQ) réplique que la loi a permis de geler les tarifs d’électricité en 2020, et que la hausse de la facture était parfois plus élevée que l’inflation au cours des dernières années. « L’objectif qui était visé par notre gouvernement, c’est d’arrêter d’avoir des augmentations de tarifs plus élevées que l’inflation », a expliqué M. Legault. Il veut respecter la « marque de commerce de la CAQ ». « L’année prochaine, si l’inflation est à un niveau exceptionnel, on va remettre de l’argent dans le portefeuille comme on l’a fait depuis trois ans. C’est notre marque de commerce », a-t-il dit. Il a même laissé entendre que des baisses d’impôt pourraient se retrouver dans la plateforme électorale du parti.