(Québec) La levée de l’état d’urgence sanitaire sonnera aussi la fin des pouvoirs exceptionnels d’attribution de contrats sans appel d’offres. Québec a promis une reddition de comptes d’ici la fin de la session, en juin. La présidente du Conseil du trésor, Sonia LeBel, assure déjà qu’il n’y a pas eu de favoritisme comme le craint l’opposition.

« Je peux assurer aux Québécois qu’on a mis en place tous les mécanismes pour empêcher qu’il y ait du favoritisme », a plaidé Mme LeBel en mêlée de presse, mardi.

Le gouvernement Legault a accordé pour 4,1 milliards de contrats en vertu du décret d’urgence sanitaire en 2020-2021, selon le rapport Statistiques sur les contrats des organismes publics, publié mardi par le secrétariat du Conseil du trésor. Ces sommes valent pour l’exécution de 2688 contrats de plus de 25 000 $.

Les chiffres pour 2021-2022 ne sont pas encore comptabilisés, mais des contrats onéreux ont aussi été accordés de gré à gré. On n’a qu’à penser à l’achat massif de tests de dépistage rapide ou de masques N95 pendant la vague Omicron.

Tous ces contrats-là ont été attribués en vertu de la Loi [sur l’état d’urgence sanitaire] et, selon mes informations, ils étaient nécessaires.

Sonia LeBel, présidente du Conseil du trésor

Québec s’est aussi défendu de manquer de transparence, puisque tous les contrats sont publiés dans le système électronique d’appel d’offres du gouvernement. « L’Autorité des marchés publics a aussi la pleine autorité pour regarder ces contrats-là et faire son travail », a ajouté la présidente du Conseil du trésor.

Un rapport « avant juin »

Le gouvernement Legault a l’obligation de présenter dans les trois mois suivant la fin de l’état d’urgence sanitaire un « rapport d’évènements » dans lequel il doit détailler « les mesures d’intervention mises en œuvre et les pouvoirs exercés » en vertu de la Loi sur la santé publique, ce qui inclut l’attribution de contrats.

« Je me suis engagé à ce que ce soit déposé avant juin », a réitéré mardi le premier ministre François Legault.

L’opposition craignait que ce rapport ne puisse être présenté avant la fin de la session parlementaire et, par conséquent, pas avant les élections.

C’est que l’état d’urgence sanitaire ne sera levé qu’une fois le projet de loi de transition du ministre de la Santé, Christian Dubé, adopté à l’Assemblée nationale.

Le ministre Dubé doit présenter mercredi son texte législatif visant la fin de l’état d’urgence sanitaire au Québec, après deux ans de pandémie. En entrevue, samedi, M. Dubé a expliqué que son projet de loi devait instaurer des mécanismes « opérationnels » pour permettre au gouvernement de réagir rapidement en cas de nouvelle vague.

Le chef de cabinet de François Legault, Martin Koskinen, a aussi indiqué à La Presse que le gouvernement voulait garder à sa disposition un « minimum » de pouvoirs, « sans être obligé de déclarer l’urgence sanitaire » pour les exercer. Comme le versement de primes, l’imposition du port du masque dans les transports en commun ou maintenir des contrats de gré à gré « déjà signés ».

Des « risques de dérapage », selon l’opposition

Le fort volume de contrats accordés en vertu de l’urgence sanitaire fait craindre à l’opposition que certains groupes ou entreprises aient pu profiter de favoritisme. À leurs yeux et à ceux de plusieurs experts, le gouvernement Legault a par ailleurs maintenu en place trop longtemps l’état d’urgence sanitaire au Québec.

« Il y a des risques de dérapage énormes », a lancé la cheffe libérale, Dominique Anglade. « La raison pour laquelle on fait des appels d’offres, c’est pour qu’il n’y ait pas de favoritisme », a-t-elle ajouté. Selon elle, il y a « clairement apparence de problème avec la gestion de contrats » par le gouvernement.

Le chef du Parti québécois, Paul St-Pierre Plamondon, s’est dit « inquiété » par un « gouvernement qui s’accroche à ce point-là, depuis des mois, à la gouvernance par décrets pour donner des contrats sans appel d’offres ».

« On peut parler de Jean Charest très longtemps, puis de son époque sombre de gouvernance, mais il faudrait ouvrir les yeux sur ce qui se passe en ce moment, a-t-il lancé en mêlée de presse.

La logique de l’appel d’offres, c’est pour éviter le favoritisme, éviter ce qu’on a découvert à la commission Charbonneau.

Paul St-Pierre Plamondon, chef du Parti québécois

Le député de Québec solidaire Vincent Marissal a, pour sa part, directement interpellé Mme LeBel : « Je ne sais pas comment elle se sent de voir cette multiplication des contrats parce qu’elle était à la commission Charbonneau et elle a très bien vu qu’à partir du moment où on baisse la garde, […] c’est la porte ouverte », a-t-il lancé.

La principale intéressée n’a pas tardé à répliquer : « La procureure en cheffe de la commission Charbonneau vous dirait qu’on n’est absolument pas du tout dans la même situation. »

Excluant ceux accordés en vertu de l’état d’urgence sanitaire, le gouvernement Legault a donné 14 467 contrats de gré à gré pour une valeur de 3,07 milliards en 2020-2021, ce qui totalise environ 21 % de l’ensemble des contrats donnés au Québec. Il s’agit de la moyenne des dernières années, selon Mme LeBel.

Une légère hausse des hospitalisations

Le Québec recense mardi une deuxième légère hausse consécutive des hospitalisations liées à la COVID-19 et du nombre de patients aux soins intensifs, au moment où on signale également 20 nouveaux décès dus au virus. Ces nouveaux décès portent la moyenne quotidienne calculée sur sept jours à 12. La tendance est ainsi en baisse de 34 % sur une période d’une semaine. Dans le réseau de la santé, on recense une hausse de cinq hospitalisations liées à la maladie, qui résulte de 79 nouvelles entrées et 74 sorties. À ce jour, 1082 patients demeurent donc hospitalisés en lien avec la COVID-19, dont 66 se trouvent toujours aux soins intensifs, une hausse de cinq cas en 24 heures sur ce plan (huit entrées, trois sorties). Ainsi, le nombre de personnes hospitalisées augmente pour une deuxième journée consécutive. Cela dit, les 1082 patients représentent tout de même une baisse de 14 % sur une semaine. Les 66 personnes aux soins intensifs représentent une baisse de 14 % également. Les autorités signalent par ailleurs mardi 1023 nouveaux cas de COVID-19, ce qui porte la moyenne quotidienne à 1074.

Henri Ouellette-Vézina, La Presse

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« À peu près 20 % » des solutions passent par le privé, dit Legault

François Legault a affirmé mardi qu’environ « 20 % » des solutions qui seront mises de l’avant dans le plan de « refondation » du réseau de la santé « passent par le privé ». Le premier ministre a fait cette déclaration alors que l’opposition s’inquiète de la place qu’occupera le privé dans ses visées. « Au cours des prochaines semaines, mon collègue le ministre de la Santé va déposer un plan complet. Je dirais qu’à peu près 80 % des solutions pour améliorer le système de santé, ça passe par le public. Mais, il y a un 20 %, à peu près, qui passe par le privé », a lancé M. Legault au Salon bleu. Le premier ministre répondait au chef parlementaire du Parti québécois, Joël Arseneau, qui l’a accusé de se tourner vers le privé plutôt d’avoir « le courage de se tourner vers des solutions pour le public pour s’attaquer aux véritables problèmes » du réseau de la santé et des services sociaux. Le ministre Christian Dubé a déjà indiqué que le secteur privé sera mis à contribution pour effectuer notamment le rattrapage des chirurgies dans son plan de « refondation ». M. Legault n’a pas précisé quelles solutions impliquant le privé pourraient être mises de l’avant.

Fanny Lévesque, La Presse