(Montréal) Le gouvernement fédéral a demandé au Bureau de la concurrence de surveiller le marché du carburant afin de s’assurer qu’il n’y ait pas de collusion dans la détermination du prix de l’essence tandis que la guerre en Ukraine fait bondir le prix du pétrole.

Le gouvernement s’attendait à une hausse des prix du carburant dans la foulée de l’invasion russe en Ukraine, qui a commencé le 24 février, a dit le ministre de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie, François-Philippe Champagne, lundi.

« J’ai saisi le Bureau de la concurrence pour leur demander de mettre des équipes en place pour s’assurer qu’il n’y ait pas de collusion, qu’il n’y ait pas de pratiques déloyales », a-t-il dit lors d’une conférence de presse pour faire l’annonce de la construction d’une usine de GM qui fabriquera des composantes de batteries de véhicules électriques, à Bécancour.

PHOTO CATHERINE LEFEBVRE, COLLABORATION SPÉCIALE

François-Philippe Champagne

Ces commentaires surviennent tandis que le prix de l’essence a subi une augmentation brusque à travers le pays dans la foulée de l’invasion en Ukraine. Le prix à la pompe a franchi le seuil psychologique des 2 $ dans certaines stations-service de Montréal ce week-end.

À Montréal, le prix moyen à la pompe atteint 1,94 $ le litre, selon des données de CAA-Québec. L’organisme estime que le prix à la pompe devrait être de 1,85 $, selon les conditions du marché. À Québec, le prix moyen est de 1,84 $ le litre, ce qui équivaut au prix « réaliste » dans les conditions de marché, toujours selon CAA-Québec.

Pour le chef adjoint du Nouveau Parti démocratique, Alexandre Boulerice, la déclaration du ministre Champagne est de la poudre aux yeux. « Les libéraux font semblant d’être préoccupés par l’augmentation du prix des logements, du panier de l’épicerie et de l’essence, mais ce gouvernement n’en fait pas assez pour aider les gens. Le NPD réclame depuis 2012 la création d’un poste d’ombudsman des prix de l’essence afin de créer un vrai rapport de force à la population, car, actuellement, la population en arrache. »

L’industrie se défend

Les employés du Bureau de la concurrence ne trouveront pas de preuves de collusion, car il n’y en a pas dans l’industrie, assure Carol Montreuil, vice-président de l’Association canadienne des carburants, Est du Canada, qui souligne que la flambée des prix est liée à une crise internationale qui est hors du contrôle des membres de l’industrie, qui comprend les stations-service, les raffineurs et les distributeurs.

« On est habitué à ce genre d’analyses, d’enquêtes qui ont démontré plus d’une fois à quel point notre secteur, il est concurrentiel, que les joueurs se livrent une féroce compétition sur chaque coin de rue, entre chaque raffinerie. On n’est pas inquiet. S’il y avait des demandes du Bureau de la concurrence. Ça nous fera un plaisir d’y répondre. »

Le gouvernement devrait plutôt s’attaquer aux diverses taxes sur le carburant s’il veut réduire les prix à la pompe, juge M. Montreuil. Les mesures de tarification du carbone pour lutter contre les changements climatiques représentent une taxe « cachée », tandis que les importateurs et les raffineurs doivent refiler la facture aux consommateurs. « On le sait, il y a une partie importante des prix à la pompe qui sont des taxes. »

La flambée des prix du carburant s’inscrit dans un contexte plus large de l’offre et de la demande de pétrole dans les marchés mondiaux, ajoute Jonatan Julien, ministre de l’Énergie et des Ressources naturelles du Québec, qui était, lui aussi, à la conférence de presse. « Clairement, ce qui se passe en Ukraine fait en sorte que l’offre est un peu mise à mal et ça a un impact sur les prix. »

En fin d’après-midi, le prix du baril de pétrole était en hausse de 3,72 $ US, ou 3,22 %, à 119,40 $ US, selon l’indice West Texas Intermediate à New York. Il s’agit d’une augmentation de 60 % par rapport au prix de 74,45 $ US au 31 décembre 2021.

Les Québécois n’ont pas à craindre quant à l’approvisionnement du pétrole puisque la totalité de l’énergie fossile consommée au Québec provient du Canada et des États-Unis depuis 2019, assure le ministre Julien. « Il n’y a pas d’enjeux sur l’approvisionnement. »