(Ottawa) Les sanctions sans précédent déjà imposées à la Russie par le Canada et ses alliés n’ont pas permis d’arrêter l’invasion de l’Ukraine. Or, il reste d’autres leviers à actionner, a assuré la ministre des Finances Chrystia Freeland mardi, tout en reconnaissant que de telles sanctions pourraient faire mal à l’économie canadienne. Entre-temps, le gouvernement fédéral a répondu à l’appel des Nations unies et versera 100 millions pour l’aide humanitaire.

« Nous comprenons tous vraiment que nous ne pouvons pas échouer », a affirmé Mme Freeland en faisant allusion à l’ensemble des démocraties du G7. Le ministre des Finances de l’Ukraine, Marchenko Serhii, a participé à une rencontre tenue par ses homologues plus tôt dans la journée et leur a fait part de ses idées pour atteindre le régime de Vladimir Poutine.

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Chrystia Freeland, ministre des Finances

La ministre Freeland n’a pas voulu s’étendre sur les nouvelles sanctions que les pays du G7 comptent imposer bientôt, mais elle a indiqué que le gouvernement révisait les avoirs détenus par des oligarques et des entreprises russes au Canada. « Tout est sur la table », a-t-elle dit.

« Je dois être honnête avec les Canadiens : il pourrait y avoir des dommages collatéraux au Canada », a admis la vice-première ministre et ministre des Finances, en précisant que cela faisait l’objet de discussions.

Pour que les sanctions soient efficaces et aient un impact, nous allons devoir être préparés à subir les conséquences dans nos propres économies.

Chrystia Freeland, ministre des Finances

Le Nouveau Parti démocratique demande que de nouvelles sanctions soient imposées à la Biélorussie. Le Parti conservateur estime que le Canada devrait carrément expulser l’ambassadeur de Russie à Ottawa et le Bloc québécois a demandé que le gouvernement s’engage à maintenir les sanctions jusqu’au départ du dernier soldat russe de l’Ukraine.

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Le premier ministre Justin Trudeau

« Nous allons garder les sanctions en place jusqu’à ce que la Russie reconnaisse avoir fait une erreur monumentale et retire ses militaires de l’entièreté du territoire ukrainien », a assuré le premier ministre Justin Trudeau lors de la période des questions.

Ce dernier a discuté de la guerre en Ukraine mardi avec le président de l’Afrique du Sud, Cyril Ramaphosa, dont le pays est membre du G20.

Les sanctions envers la Russie se sont multipliées de la part du Canada et de ses alliés depuis le début de l’invasion russe en Ukraine, le 24 février, mais elles n’ont pas permis d’arrêter l’offensive du président Vladimir Poutine.

100 millions d’aide humanitaire

Le Canada a répondu mardi à l’appel de l’ONU qui avaient demandé à ses membres de donner en tout 1,7 milliard de dollars américains pour fournir des vêtements, de la nourriture et des logements aux Ukrainiens. L’aide canadienne de 100 millions de dollars permettra également de leur donner un accès à des soins de santé, y compris des soins en traumatologie.

L’ONU estime qu’environ 12 millions de personnes à l’intérieur du pays et plus de 4 millions de réfugiés dans les pays voisins auront besoin d’aide humanitaire au cours des prochains mois.

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Harjit Sajjan, ministre du Développement international

« Nous voulons être flexibles et nous adapter à la situation sur le terrain et nous allons continuer de travailler avec les États-Unis et l’Union européenne pour coordonner toute aide supplémentaire », a indiqué Harjit Sajjan, ministre du Développement international, à sa sortie de la réunion du Conseil des ministres mardi.

La ministre de la Défense nationale, Anita Anand, a indiqué pour sa part que le Canada fournira 1600 nouveaux gilets pare-balles et près de 400 000 paquets de repas individuels aux Ukrainiens qui sont au combat. Cela s’ajoute à l’aide létale et non létale déjà annoncée.

Selon François Audet, directeur de l’Observatoire canadien sur les crises et l’action humanitaires de l’Université du Québec à Montréal, le Canada doit privilégier l’aide humanitaire, plutôt que l’aide militaire.

L’investissement humanitaire à travers les ONG, à travers les Nations unies, nous donne une valeur ajoutée importante, va nous éviter de tomber dans un piège pour lequel on a peu de capacité et va nous éviter aussi de provoquer quoi que ce soit à travers l’OTAN.

François Audet, directeur de l’Observatoire canadien sur les crises et l’action humanitaires de l’Université du Québec à Montréal

M. Audet souligne que la guerre risque de se terminer par une opération de reconstruction et de maintien de la paix, ce dans quoi le Canada a déjà une expertise. « Ce qui est en train de se dessiner, c’est une opération sur plusieurs années, a-t-il avancé. La Russie ne se retirera pas des territoires qu’elle aura gagnés, l’Ukraine devra faire des compromis – il y aura division du territoire, comme on l’a vu un peu dans le scénario Kosovo-Bosnie qui a pris des années avant de s’apaiser. »

Le Canada avait alors joué un rôle important dans le maintien de la paix avec les Casques bleus et dans la reconstruction des institutions démocratiques.

Le Canada ferme ses eaux aux navires russes

Le ministre des Transports, Omar Alghabra, a annoncé sur Twitter mardi que le Canada fermait ses eaux et ses ports aux navires « détenus par des intérêts russes ou immatriculés en Russie ». Il s’agit toutefois davantage d’une mesure symbolique puisque peu de ces navires accostent au pays. Le Canada tient à appliquer les mêmes sanctions que ses alliés pour tenter d’arrêter l’invasion en Ukraine. Le gouvernement britannique avait annoncé dès lundi l’interdiction des ports du Royaume-Uni aux navires sous pavillon russe. Reste que cette mesure pourrait être difficile à appliquer. Dimanche, le Canada avait fermé son espace aérien aux vols commerciaux de la Russie et, le même jour, un vol de la compagnie aérienne russe Aeroflot a enfreint l’interdiction. Une enquête administrative a été ouverte par le ministère des Transports, qui pourrait sévir.

Avec l’Agence France-Presse