(Ottawa) Après l’envoi d’équipement militaire non létal, le gouvernement canadien fournira des armes antichars et des munitions à l’Ukraine. Il interdit également les importations de pétrole russe et demande au CRTC de revoir la licence de la chaîne d’information russe RT. Lors d’un débat d’urgence lundi soir à la Chambre des communes, les partis de l’opposition ont réclamé que le gouvernement fédéral fasse d’autres gestes pour dissuader la Russie et aider les Ukrainiens.

« Notre message est clair : cette guerre inutile doit cesser immédiatement », a déclaré le premier ministre Justin Trudeau en conférence de presse lundi après-midi. « Son coût va s’accentuer, et les responsables devront répondre de leurs actes. »

Il a salué le courage des Ukrainiens qui ont choisi de défendre leur pays, entouré par la vice-première ministre, Chrystia Freeland, la ministre de la Défense nationale, Anita Anand, et le ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté, Sean Fraser. Le premier ministre, tout comme les ministres Freeland et Anand, a terminé son allocution par « Slava Ukraini », qui se traduit par « Gloire à l’Ukraine ».

Le monde entier est inspiré par la force et l’intensité de leur résistance.

Justin Trudeau

Ces nouvelles mesures s’ajoutent à celles annoncées plus tôt dans la journée pour paralyser les avoirs de réserve du gouvernement russe. À l’instar de ses alliés, le Canada a interdit à toutes les institutions financières d’effectuer quelque transaction que ce soit avec la banque centrale de la Russie. Il a également imposé un gel des avoirs et une interdiction de transaction pour les fonds d’investissement souverains russes.

La veille, le gouvernement avait annoncé l’envoi de casques, de gilets pare-balles, de masques à gaz et de matériel de vision nocturne pour aider la population ukrainienne à se battre. Un premier avion Hercules s’est envolé pour l’Europe lundi afin de livrer le matériel. Un deuxième doit partir plus tard cette semaine.

La prochaine livraison d’armes létales comprend 100 fusils antichars Carl Gustaf et 2000 roquettes qui proviennent de la réserve des Forces armées canadiennes. Il s’agit de la quatrième cargaison de matériel militaire envoyée par le Canada à destination de l’Ukraine.

« Nous allons les livrer aussi rapidement que possible au cours des prochains jours », a indiqué la ministre de la Défense nationale, Anita Anand. Elle a toutefois refusé de donner davantage d’informations pour éviter de mettre le personnel des Forces armées canadiennes en danger.

Les cargaisons sont acheminées jusqu’à la frontière ukrainienne par l’entremise de la Pologne grâce à un accord négocié avec le gouvernement de ce pays. La ministre des Affaires étrangères, Mélanie Joly, doit d’ailleurs s’y rendre mardi pour rencontrer des membres du gouvernement polonais. « Mon rôle est de m’assurer que cette aide se rende aux soldats ukrainiens qui se battent pour leur vie et pour leur patrie », a-t-elle indiqué lors d’un point de presse en marge de la 49séance régulière du Conseil des droits de l’homme des Nations unies à Genève, en Suisse.

Outre la livraison d’armes, il sera également question de l’aide canadienne qui sera apportée aux réfugiés ukrainiens qui affluent par milliers en Pologne. Le Parti conservateur, le Bloc québécois et le Nouveau Parti démocratique sont unanimes et demandent la levée du visa requis pour l’entrée des Ukrainiens au Canada.

Les chefs de chacun des trois partis l’ont répété lors d’un débat d’urgence à la Chambre des communes lundi soir. Le chef du Bloc québécois, Yves-François Blanchet, a fait remarquer que les demandeurs d’asile qui entraient par le chemin Roxham au Québec n’avaient pas de visa. « Est-ce qu’il n’y a pas lieu de faire preuve de ce genre de mansuétude à l’endroit de gens qui veulent rejoindre leur famille ou venir se réfugier au Canada ? »

« Le gouvernement doit reconnaître que les Ukrainiens en quête de sécurité n’ont pas des mois à perdre », a rappelé le chef du Nouveau Parti démocratique, Jagmeet Singh. « Il est urgent d’agir. »

« L’exigence de visa n’est pas à l’étude présentement », avait indiqué un fonctionnaire d’Immigration et Citoyenneté Canada en comité parlementaire plus tôt dans la journée. « Nous devons nous assurer de bien examiner et vérifier les candidatures », avait-il ajouté.

Près de 4000 demandes ont été approuvées par le Ministère à ce jour par l’entremise du processus d’approbation rapide mis sur pied en prévision de la crise, a révélé le ministre de l’Immigration, Sean Fraser. Toute demande faite en ligne avec le mot-clé Ukraine2022 est traitée en priorité. Les frais pour les demandes sont levés.

Importation de pétrole interdite

Le gouvernement fédéral a interdit lundi toute importation de pétrole brut de la Russie dans l’espoir d’atteindre les oligarques qui profitent de cette industrie pour s’enrichir. Le secteur pétrolier représente plus du tiers des recettes du budget fédéral russe. « Même si le Canada n’en a importé que des quantités très limitées ces dernières années, cette mesure envoie un message puissant », a déclaré M. Trudeau.

Les conservateurs estiment que le Canada devrait profiter de la crise pour aider l’Europe à réduire sa dépendance au gaz et au pétrole russes. Ils demandent au gouvernement de réformer son processus d’approbation pour permettre la construction de nouveaux oléoducs et gazoducs.

« Le pétrole et le gaz canadiens sont essentiels pour la sécurité et la souveraineté du Canada et de l’Europe », a affirmé la cheffe intérimaire du Parti conservateur, Candice Bergen, en chambre. « Il est évident que lorsque les libéraux stoppent, retardent et paralysent l’extraction et la vente des énergies fossiles canadiennes ici et ailleurs, le gagnant est Poutine. Pourquoi voudrions-nous financer son trésor de guerre ? »