(Montréal) « C’est dangereux que ce soit aussi facile de retirer un milieu de vie ainsi à des personnes âgées », a commenté vendredi la coporte-parole de Québec solidaire (QS), Manon Massé, appelant le gouvernement à légiférer pour que plus aucune résidence privée pour aînés (RPA) ne subisse le sort de la résidence Mont-Carmel.

Le 31 janvier dernier, les locataires de la RPA montréalaise ont appris que leur foyer avait été vendu à un promoteur immobilier, qui compte en faire des logements standards.

Si un propriétaire décide de vendre, « il faut obliger le maintien de la vocation de RPA de ces logements », a soutenu le porte-parole solidaire en matière d’aînés, Sol Zanetti, en conférence de presse à Montréal. Les députés étaient accompagnés de trois résidantes de Mont-Carmel.

« On ne peut pas laisser les propriétaires des RPA augmenter le loyer à leur guise », a-t-il ajouté, plaidant pour une réforme de la certification de ces établissements.

Les habitants de Mont-Carmel qui souhaiteraient rester chez eux devront payer un loyer 3 % plus élevé, et ce, sans avoir les services offerts par une résidence, comme une infirmière présente 24 heures sur 24 et des sonnettes d’urgence, qui permettaient à plusieurs de demeurer autonomes.

Il a aussi critiqué le fait qu’en ce moment, les RPA reçoivent des deniers publics sans qu’on sache si elles ont réellement besoin d’aide ou comment l’argent est utilisé : « Pour recevoir des subventions publiques […] il va falloir que les RPA ouvrent leurs livres au gouvernement. »

« Il faut arrêter de subventionner quand il y a de la mauvaise gestion », a-t-il dit.

Le modèle coopératif

M. Zanetti a aussi demandé que les RPA menacées de fermeture puissent être converties en coopératives ou en organismes à but non lucratif et « que 70 % des nouvelles certifications soient accordées à des RPA coopératives ou à but non lucratif » (OBNL), qui pourront mettre le bien-être des aînés au premier plan.

Il a proposé la mise sur pied d’un programme de subventions à cet effet.

Interrogé sur ce que cela coûterait au gouvernement de financer des résidences coopératives ou à but non lucratif, M. Zanetti a répondu qu’« une OBNL a toutes les raisons de bien se gérer », comme elle « n’a pas besoin de satisfaire des actionnaires » ni de faire du profit.

Il a aussi fait valoir que les résidences privées « donnent souvent des conditions de travail qui sont déplorables à leurs employés », une pratique qui crée selon lui beaucoup de roulement, ce « qui nuit à la qualité des services ».

« Ce n’est pas une façon de sauver de l’argent, de ne pas s’occuper des aînés », a-t-il ajouté.

Le cabinet de la ministre responsable des Aînés, Marguerite Blais, a indiqué par courriel que « nous prenons bonne note des propositions de QS, cependant la très grande partie des solutions proposées sont déjà réalisées par notre gouvernement ».

« Nous avons rehaussé de beaucoup les sommes aux petites RPA et aux OSBL afin de maintenir les aînés dans leur communauté », a-t-il fait valoir, ajoutant que « la situation est beaucoup plus complexe que les solutions proposées par QS et nous travaillons actuellement à de nouvelles pistes de solutions ».

Dans le budget 2021-2022, Québec avait annoncé un investissement de 387,8 millions sur cinq ans « pour assurer la pérennité des services de soutien à domicile des aînés dans les RPA », dont 52 millions pour permettre aux plus petites résidences de moderniser leurs installations.

Le sort de Mont-Carmel

« On s’attend à ce que le gouvernement légifère. C’est du n’importe quoi, c’est de l’anarchie au service de promoteurs immobiliers voraces, sans scrupules, pour qui les droits des personnes aînées dans notre société ne pèsent pas lourd dans la balance », a affirmé Suzanne Loiselle, locataire de Mont-Carmel.

En ce fatidique matin du 31 janvier, quand un huissier est venu frapper à la porte de chaque résidant, ce qu’elle a ressenti, c’est « la couverture qui te glisse sous les pieds ».

Dans un moment comme celui-là, « tu perds tes repères », a-t-elle dit, se rappelant que plusieurs « ne comprenaient pas, tant le choc était grand » et que « certains pleuraient dans leur chambre, dans l’ascenseur ».

Ce sont 221 personnes qui habitent Mont-Carmel et qui devront plier bagage avant le 31 juillet, ou bien accepter de ne plus vivre en RPA. Parmi eux, elle estime que « les trois quarts ont plus de 75 ans ».

« On va en retrouver dans la rue », a prévenu Marie-Paule Lebel, une autre résidante présente à la conférence de presse.

Elle a aussi rappelé que les RPA, « c’est un système de maintien à domicile » qui permet aux gens de « ne pas aller occuper les hôpitaux ou les CHSLD, qui sont déjà débordés ».

Mais même pour ceux qui réussiront à y rester ou à trouver un autre logement, le coup sera dur. « Sur mon étage, tout le monde se connaît, tout le monde se parle », a-t-elle dit, citant les diverses activités organisées bénévolement par et pour les résidants. La conversion de l’immeuble « provoquera un isolement total des gens qui resteront encore dans cette résidence ».

Cet article a été produit avec le soutien financier des Bourses Facebook et La Presse Canadienne pour les nouvelles.