Si tout indique que le début de l’année politique 2022 à Ottawa se déroulera sous le signe de la santé publique, d’autres enjeux devraient aussi accaparer les élus au Parlement – qu’ils siègent virtuellement ou en personne à leur retour au boulot, le 31 janvier prochain. Survol non exhaustif de thèmes susceptibles de s’imposer à eux.

(Ottawa) Afghanistan

Le ministère de l’Immigration estime qu’il faudra environ deux ans au total avant que les 40 000 réfugiés afghans que le gouvernement libéral s’est engagé à accueillir arrivent au pays. Depuis la chute de Kaboul aux mains des talibans, le 15 août dernier, à peine 6000 réfugiés sont arrivés sur le sol canadien, en date du 15 décembre. « Ça demeure un enjeu pour la réputation du Canada à l’international », juge Stéphanie Chouinard, professeure de science politique au Collège militaire royal de Kingston. Insatisfaits de la lenteur des progrès et soucieux de faire la lumière sur la préparation canadienne au retrait annoncé des troupes américaines, les partis de l’opposition ont forcé la création d’un comité spécial sur le dossier. Le gouvernement, lui, a promis d’injecter 1,3 milliard sur 6 ans pour le programme d’accueil et de réinstallation des réfugiés afghans.

Élections

PHOTO FRANÇOIS ROY, ARCHIVES LA PRESSE

En 2022, les citoyens des provinces de l’Ontario et du Québec seront appelés aux urnes.

Non, on n’en aura pas au fédéral. Mais les citoyens des provinces les plus populeuses du pays, le Québec et l’Ontario, eux, seront appelés aux urnes. « Je n’ai pas l’impression qu’au Québec, le fédéral va essayer de mettre des bâtons dans les roues de M. Legault, considérant l’ampleur de sa popularité. La wild card dans le rapport au fédéral, je pense, ça va être la contestation de la loi 21 », estime Mme Chouinard. Et en Ontario ? Là aussi, les libéraux fédéraux n’ont pas avantage à faire campagne contre Doug Ford – d’autant que le dirigeant de la succursale libérale ontarienne, Steven Del Duca, ne déchaîne pas les passions, croit la politologue : « On sait très bien, à Ottawa, que les chances que les progressistes-conservateurs soient renversés à Queen’s Park sont assez minces. »

GES

Le ministre de l’Environnement, Steven Guilbeault, présentera d’ici le 29 mars prochain, au plus tard, le plan de son gouvernement visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) d’ici 2030. Il s’est prévalu du délai de trois mois prévu par la Loi canadienne sur la responsabilité en matière de carboneutralité afin de consulter plus largement des provinces, des groupes autochtones et des groupes d’intérêt. Le Canada s’est engagé à réduire de 40 % à 45 % d’ici 2030 ses émissions de GES par rapport aux niveaux de 2005, une cible nettement plus ambitieuse que la précédente, qui était de 30 %. « Le débat sur la pertinence d’agir est définitivement clos. Il est maintenant temps de déterminer comment, ensemble, nous pouvons atteindre nos objectifs », a déclaré M. Guilbeault en annonçant le lancement du processus de consultation, le 3 décembre dernier.

Inflation

Ou « Justinflation », selon le lexique conservateur. La hausse du coût de la vie au Canada promet de continuer à alimenter les débats au parlement fédéral. Surtout que la mise à jour budgétaire présentée en décembre par la ministre des Finances, Chrystia Freeland, a été descendue en flammes par l’opposition conservatrice, qui n’y a vu aucune mesure susceptible de refroidir l’inflation. « Ceci n’est pas le plan directeur pour l’économie. Ce sera dans le budget », a justifié la grande argentière. Rendez-vous au printemps pour le deuxième budget Freeland.

Mutins

PHOTO BLAIR GABLE, ARCHIVES REUTERS

Erin O’Toole, chef du Parti conservateur du Canada

Erin O’Toole a manifesté son intention de s’accrocher à la barre du navire conservateur. Avec des parlementaires et des membres qui continuent de faire des vagues, il n’est pas au bout de ses peines, dit Thierry Giasson, directeur du département de science politique à l’Université Laval. « Il y a des tensions, c’est manifeste. C’est un très gros défi de tenir cette coalition vivante et fonctionnelle », note le politologue. Les récalcitrants à la vaccination pourraient continuer de le tourmenter, tout comme les conservateurs de la frange à droite qui digèrent mal le recentrage du parti. La sénatrice Denise Batters est de ceux-là. Elle a été éjectée par le chef O’Toole après avoir lancé une pétition afin de réclamer un vote de confiance hâtif sur la direction. Et le leader a été clair : le même sort attend ceux qui le défient.

Protectionnisme

Le gouvernement de Justin Trudeau montre à l’administration de Joe Biden de quel bois il se chauffe. Après avoir averti qu’il comptait publier une liste de produits qu’il pourrait frapper de tarifs punitifs en réaction à l’intention démocrate – en difficulté au Congrès américain – d’offrir un crédit d’impôt maximal de 12 500 $ pour les véhicules électriques assemblés aux États-Unis, il a lancé le 21 décembre dernier une contestation des tarifs imposés par Washington sur le bois d’œuvre en vertu du nouvel accord de libre-échange nord-américain (ACEUM). Ces droits compensatoires sont passés de 8,9 % à 17,9 % en moyenne en novembre dernier. La ministre du Commerce international, Mary Ng, a reçu l’instruction de s’attaquer aux « enjeux commerciaux bilatéraux et mesures protectionnistes avec les États-Unis », lit-on dans la lettre de mandat que Justin Trudeau a rédigée à son intention.

Verts

Le Parti vert doit élire en 2022 quelqu’un pour succéder à Annamie Paul, qui a laissé la formation en lambeaux après un règne marqué par des querelles intestines et une campagne électorale dont le résultat a été en deçà des attentes. « Ç’a été une hécatombe. C’est déjà arrivé dans d’autres partis que l’arrimage ne se fait pas entre un nouveau chef et les instances, mais pas de manière aussi publique… c’était surréaliste », expose Thierry Giasson, citant comme exemple de dysfonctionnement la bataille qui s’est jouée devant les tribunaux entre la cheffe et son propre parti, et le « difficile arrimage » entre Annamie Paul et l’aile québécoise verte. La campagne à la direction du parti doit être lancée au plus tard le 24 juin prochain. L’intérim est assuré par Amita Kuttner, un astrophysicien qui est devenu la première personne trans à la tête d’un parti national.