(Québec) La Coalition avenir Québec (CAQ) va revoir sa politique linguistique et réduire la place faite à l’anglais sur son site web, selon ce qu’a appris La Presse Canadienne.

Actuellement, le français y est optionnel.

Ainsi, toute personne intéressée par le parti dirigé par le premier ministre François Legault peut fort bien devenir membre de la CAQ en anglais, faire un don au parti en anglais, consulter certains documents en anglais et demander qu’on corresponde avec elle dans la langue de Shakespeare. Il suffit de cliquer sur l’onglet « English », remplir le formulaire et cocher « English » plutôt que « French » à la case « Preferred Language ».

Question de cohérence, il peut sembler étonnant de voir les deux langues placées sur un pied d’égalité dans un parti qui forme le gouvernement ayant déposé en mai le projet de loi 96, qui clame la primauté du français et entend faire de la langue française la langue commune au Québec.

Mais il n’y a rien d’illégal dans cette pratique, car ni la loi 101 ni la future loi 96 n’imposent aux partis politiques de se doter d’une politique linguistique favorisant la primauté ou l’exclusivité du français.

En matière de langue, les quatre grands partis (la CAQ, le Parti libéral du Québec, Québec solidaire et le Parti québécois) ont chacun leur approche et leur vision des choses.

La version anglophone du site web de la CAQ a été créée en 2016, un projet parrainé par le président d’alors du parti, Stéphane Le Bouyonnec, recruté récemment par le premier ministre Legault avec le mandat d’étendre l’accès à internet partout au Québec, et Nathalie Roy, actuelle ministre de la Culture et en début de mandat ministre responsable de la Charte de la langue française.

Le communiqué publié à l’époque ne fait pas du tout mention du fait que la langue française est la seule langue officielle du Québec, ni qu’elle doit devenir sa langue commune.

Parti de francophones, la CAQ voulait alors se rapprocher de la communauté anglophone. « Nous avons un plan économique qui implique également la communauté anglophone du Québec. Cette nouvelle plateforme leur permettra d’être à jour avec les nouvelles de la CAQ, et ils auront accès au programme du parti », écrivait M. Le Bouyonnec.

Aujourd’hui, la version anglaise du site de la CAQ ne fait pas mention du dépôt du projet de loi 96, contrairement à la version française.

Les efforts de la CAQ pour diversifier son effectif n’ont cependant rien donné. Le parti de François Legault demeure une formation politique qui n’attire aucunement les « Anglos » : 99 % de ses membres sont francophones. Et la communauté anglophone boude son parti aux élections.

La version anglaise du site semble quand même susciter un certain intérêt : au cours du dernier mois, elle a généré 822 visites.

« Il faut changer ça »

Aujourd’hui, à la suite du dépôt du projet de loi 96, un geste visant à affirmer l’identité francophone du Québec, la CAQ admet un certain malaise quant au bilinguisme affiché sur son site, la porte d’entrée du parti et sa signature.

« Il faut changer ça », a convenu la directrice générale du parti, Brigitte Legault, en entrevue téléphonique cette semaine.

« On va refaire l’évaluation » du site web, dans les prochains mois, a-t-elle ajouté. La place accordée à l’anglais sera « révisée » à la baisse, tout comme les ressources consacrées à cette langue, tant dans la production de matériel qu’en traduction de documents.

On se contentera désormais d’offrir des informations de base aux visiteurs anglophones.

De là à dire que la CAQ renonce à l’électorat anglophone, il n’y a qu’un pas.

PLQ : bilinguisme intégral

La CAQ n’est pas le seul parti politique à flirter avec le bilinguisme institutionnel pour séduire la partie anglophone de l’électorat.

Rappelons que le nom officiel du parti formant l’opposition officielle à l’Assemblée nationale s’appelle le Parti libéral du Québec/Quebec Liberal Party.

Sur son site web, vitrine du parti, la formation dirigée par Dominique Anglade pratique le bilinguisme intégral. En le consultant, difficile par exemple pour un immigrant de fraîche date de déterminer si ce parti a un penchant pour une des deux langues officielles du Canada et si oui laquelle.

Toutes les interactions numériques entre un visiteur et le PLQ peuvent être faites uniquement en anglais (devenir membre, faire un don, avoir accès à tous les documents, obtenir la correspondance).

À première vue, les deux langues ont le même statut, occupent le même espace. On choisit celle qu’on veut.

Mais au PLQ, on ne partage pas cette lecture. Des sources à l’interne soutiennent que le parti a fait beaucoup d’efforts ces dernières années pour mettre l’accent sur le français et faire en sorte que l’usage de cette langue soit « prédominant » dans ses communications avec les membres et les visiteurs du site.

On fait valoir que désormais le site web s’ouvre en français et que le visiteur souhaitant interagir en anglais doit cliquer sur l’onglet « English ».

Le PLQ, dont l’effectif comporte une forte proportion d’anglophones, n’a pas l’intention de modifier sa politique linguistique interne.

En parallèle, le PLQ tente de se rapprocher de l’électorat francophone et nationaliste, qui l’a boudé massivement lors du scrutin de 2018. En avril, le parti mettait de l’avant 27 propositions visant à faire du français la langue commune au Québec, « le véhicule de notre vivre-ensemble ».

Un des cinq principes affirmés dans le plan d’action libéral visait à garantir les droits et les services fournis aux anglophones.

QS : unilinguisme par défaut

Le site web de Québec solidaire (QS) est unilingue français. Mais ce n’est pas tant un principe qu’un accident de parcours. Si QS ne traduit pas son site internet, « c’est surtout une question de ressources. On fait de la traduction en période électorale, mais nous n’avons pas les moyens de traduire notre site web et l’ensemble de nos communications en anglais », a précisé la porte-parole du parti, Camila Rodriguez-Cea.

Elle a ajouté que si le parti de gauche était plus riche, il réévaluerait sa position sur l’usage des langues.

PQ : unilinguisme intégral

Le Parti québécois (PQ), qui a fait voter la loi 101 en 1977 et qui vient de présenter son « Plan d’urgence pour la langue française », pratique quant à lui l’unilinguisme français intégral par choix.

Pas un mot d’anglais sur son site web. Les méchantes langues diraient que c’est parce qu’il a renoncé depuis longtemps à séduire l’électorat anglophone.

« Comme formation politique, il nous apparaît évident et nécessaire d’émettre nos communications dans cette langue, y compris sur notre site web », a commenté le directeur des communications du parti, Lucas Medernach.