(Ottawa) L’échéancier du gouvernement Trudeau concernant la construction de la voie de contournement à Lac-Mégantic au printemps 2022, pour une mise en service au plus tard à la fin de 2023, est « irréalisable », avertit le président et chef de la direction du Canadien Pacifique (CP), Keith Creel.

Dans une récente lettre qu’il a fait parvenir au ministre fédéral des Transports, Omar Alghabra, le PDG de la société ferroviaire soutient que cet « objectif politique » serait en partie possible seulement si le gouvernement Trudeau procède rapidement à l’acquisition des terrains et supprime l’application du long processus d’approbation réglementaire habituel.

Il faudrait aussi qu’Ottawa accepte tous les risques financiers liés au déroulement simultané des phases d’ingénierie et de construction. En somme, « les principales contraintes sur le calendrier sont des facteurs que seul le gouvernement peut résoudre », peut-on lire dans la lettre datée du 12 avril.

Et il faudrait que toutes ces conditions soient relevées sous peu afin que la construction puisse commencer dès cet automne si l’on veut que la voie de contournement soit mise en service à la fin de 2023.

« Si la construction doit commencer au printemps 2022, la date d’achèvement visée par le gouvernement, à savoir 2023, est irréalisable. La seule solution réaliste pour une conclusion (en grande partie seulement) d’ici la fin 2023 serait que la construction débute cet automne », écrit M. Creel dans sa lettre au ministre.

La Presse a obtenu la lettre de quatre pages du PDG du Canadien Pacifique.

Au bureau du ministre Alghabra, se montre toutefois rassurant. « Ce projet a toujours été une priorité pour notre gouvernement. Notre mise à jour de la semaine dernière réaffirme notre engagement ferme à compléter la voie de contournement d’ici 2023, comme prévu initialement. Nous continuerons de travailler de près avec le CP, Lac-Mégantic, les municipalités avoisinantes et les autres parties prenantes au cours de ce processus. Les gens de Lac-Mégantic peuvent compter sur notre engagement indéfectible de mener ce dossier à bon port dans les délais prévus », a-t-on indiqué dans un courriel à La Presse mardi soir.

En coulisses, on affirme aussi que des négociations sont en cours afin de conclure une entente satisfaisante entre Ottawa et le CP.

CP s’est porté acquéreur de la partie canadienne de la Central Main and Quebec Railway (CMQR) à la fin de 2019.

Cette lettre soulève l’inquiétude chez les élus municipaux de Lac-Mégantic. Le conseil municipal a été saisi de la teneur de cette lettre durant sa réunion de mardi soir. Il devait adopter une résolution exigeant qu’Ottawa donne l’heure juste sur les échéanciers de ce projet important pour la région.

En juillet 2013, 47 personnes ont péri à Lac-Mégantic après qu’un train transportant du pétrole eut déraillé en plein centre-ville, provoquant une explosion qui a détruit une partie de la municipalité.

Aux Communes, la semaine dernière, les libéraux de Justin Trudeau ont réaffirmé à deux reprises que l’échéancier de 2023 était maintenu.

Joint mardi, le député conservateur de Mégantic-L’Érable, Luc Berthold, a affirmé que le ministre des Transports doit rassurer les citoyens de la région de Lac-Mégantic.

« La population de Lac-Mégantic mérite des réponses. Huit ans après la tragédie, les plans et devis de la voie de contournement, annoncée à Lac-Mégantic il y a trois ans par le premier ministre Justin Trudeau lui-même, ne sont toujours pas commencés », a souligné M. Berthold.

« La lettre du CP soulève beaucoup de questions sur la capacité du gouvernement libéral de tenir sa parole donnée aux citoyens et citoyennes des municipalités de Lac-Mégantic, Nantes et Frontenac. Il est inconcevable que ce projet, qui a reçu à plusieurs reprises le soutien de tous les parlementaires de la Chambre, ne soit pas déjà en construction. »

« Les craintes soulevées par le président du CP quant au réalisme de cette échéance sont inquiétantes et méritent une réponse rapide de la part du gouvernement libéral. Il y a quelqu’un quelque part qui ne fait pas son travail, et la population de Lac-Mégantic mérite mieux, après avoir subi la pire tragédie ferroviaire de l’histoire du Canada. »