(Ottawa) Le commissaire aux langues officielles absout le gouvernement pour son accroc au bilinguisme. En raison de la pandémie, il était « justifié » que Santé Canada autorise la vente de produits portant un étiquetage en anglais seulement – mais ce geste « est grave et doit être évité à l’avenir », nuance-t-il.

Le gardien de la Loi sur les langues officielles, Raymond Théberge, y est allé de ce constat dans un rapport préliminaire d’enquête produit en réponse à des plaintes déposées au printemps dernier, et que La Presse a pu consulter.

Si, d’une part, les décisions étaient « justifiées compte tenu du caractère sérieux et temporaire de la situation », on ne peut faire autrement que constater le fait que « ces mesures mettent en danger les francophones et les communautés linguistiques minoritaires vulnérables », lit-on dans le rapport qui tient sur 13 pages.

« Lorsque l’absence d’exigences en matière d’étiquetage bilingue ou d’application de la loi à cet égard entraîne l’importation ou la vente de produits portant des étiquettes unilingues anglaises, ce sont les francophones qui subissent les conséquences de ce risque accru », relève le commissaire Théberge.

Il y a environ un an, alors que la pandémie de COVID-19 éclatait au pays, Santé Canada avait adopté une mesure provisoire qui permettait l’importation et la vente de certains désinfectants pour surfaces dures et désinfectants pour les mains étiquetés dans une langue officielle seulement, soit celle de Shakespeare.

Pour certains, la politique provisoire constituait une violation des obligations linguistiques du gouvernement, et elle mettait en danger la santé et la sécurité des francophones, que l’on traitait ainsi comme des « citoyens de deuxième classe », ont reproché les plaignants qui se sont adressés au Commissariat.

Mais si des décisions de cette nature « sont sans aucun doute troublantes pour de nombreux Canadiens », et qu’elles doivent à tout prix « être évité[es] à l’avenir », cela ne signifie pas pour autant que le fédéral a mal agi, d’après le chien de garde linguistique.

Car l’article 26 de la Loi sur les langues officielles, qui faisait spécifiquement l’objet de cet examen, permet aux institutions fédérales « d’exercer un certain pouvoir discrétionnaire pour déterminer les circonstances dans lesquelles les exigences en matière de bilinguisme devraient être respectées », souligne-t-il.

L’article stipule qu’en matière de santé et de sécurité publiques, les institutions à Ottawa ont le devoir de veiller, « si les circonstances le justifient » à ce que les communications se fassent dans les deux langues officielles.

Et selon Santé Canada, la pandémie justifiait l’accroc, puisque la priorité était de s’assurer que les Canadiens, surtout les travailleurs de première ligne, aient accès aux désinfectants pour les mains et aux désinfectants pour surfaces dures « étant donné la pénurie de ces produits pendant une pandémie », lit-on dans le rapport.

Le commissaire conclut son examen en exhortant Santé Canada et les autres ministères à entreprendre « un processus d’examen intense pour tirer des leçons des difficultés mises en évidence par cette crise, et ce, en vue d’éviter des problèmes similaires lorsque, et non pas si, la prochaine crise se présentera ».