(Ottawa) Perceptrice, bassiste, gérante d’artistes, syndicaliste, ministre. Le parcours professionnel de Pascale St-Onge, seul nouveau visage québécois à apparaître au cabinet Trudeau, est pour le moins éclectique.

La première tentative aura été la bonne : dès sa première victoire électorale, remportée par une courte marge dans la circonscription de Brome–Missisquoi, elle accède au saint des saints.

PHOTO ADRIAN WYLD, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

La ministre Pascale St-Onge (au centre), accompagnée du premier ministre du Canada, Justin Trudeau, et de la gouverneure générale, Mary Simon, lors de sa prestation de serment le 26 octobre dernier

La voici donc ministre des Sports et ministre responsable de l’Agence de développement économique du Canada pour les régions du Québec – deux chapeaux qui ne sont pas si dépareillés qu’il n’y paraît, selon celle qui les porte.

« Tant le développement économique que le sport ont été extrêmement touchés par la pandémie. Là, ces deux secteurs-là commencent à ouvrir », expose-t-elle en entrevue avec La Presse quelques jours après sa nomination.

La reprise économique, elle la voit se faire sous le signe de la « relance verte, inclusive et féministe », avec un accent sur l’achat local, l’économie circulaire et la résilience de la chaîne d’approvisionnement.

Lorsqu’elle parle du souffle à redonner aux activités dans le domaine sportif, c’est entre autres sous l’angle de la santé publique qu’elle le fait. « Les citoyens, et particulièrement les enfants et les adolescents, ont été privés d’activité physique », insiste-t-elle.

« Le sport et l’activité physique ont un impact sur la santé mentale, et c’est un enjeu qui a été priorisé dans la composition même du Conseil des ministres », argue la femme de 44 ans en faisant référence à la création d’un ministère de la Santé mentale.

« Ça m’a brisé le cœur ben raide qu’elle parte »

Le fait que Pascale St-Onge soit la seule vraie novice à se retrouver à la table du cabinet a de quoi réjouir Mélanie Joly, qui l’a prise sous son aile pendant la campagne électorale qu’elle coprésidait.

C’est sûr que Mélanie a joué un rôle vraiment important dans ma décision, également mon collègue Steven Guilbeault, parce qu’on a un passé qui est relativement similaire, lui comme militant en environnement, moi comme leader syndicale.

Pascale St-Onge

« Je voulais entendre son expérience », s’il était « désillusionné ou pas », dit-elle en rigolant.

Au moment où a retenti le chant des sirènes politiques, elle assurait la présidence de la Fédération nationale des communications et de la culture (FNCC-CSN). Elle en tenait les rênes depuis 2015, après en avoir été la secrétaire générale entre 2012 et 2015.

Ces dernières années, elle a notamment participé à l’élaboration de programmes d’aide pour les médias, jouant un rôle de premier plan dans l’acquisition du Groupe Capitales Médias et dans sa transformation en coopérative, et pour l’industrie culturelle.

« Ça m’a brisé le cœur ben raide qu’elle parte ! On était un bon duo, elle et moi. C’est devenu une amie, Pascale », lance la comédienne Sophie Prégent, présidente de l’Union des artistes (UDA) depuis 2013, dans un entretien avec La Presse.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, ARCHIVES LA PRESSE

Sophie Prégent, présidente de l’Union des artistes

J’ai toujours eu une entière confiance en cette femme-là ; c’est quelqu’un qui bûche, qui a de l’écoute, et avec qui c’est le fun de travailler.

Sophie Prégent, présidente de l’UDA

Les deux femmes ont collaboré étroitement sur de nombreux dossiers, dont le projet de loi C-10 (réforme de la Loi sur la radiodiffusion), auquel les conservateurs se sont opposés bec et ongles, et qui est mort au feuilleton.

Il ne lui revient pas de ressusciter la mesure législative et de la faire adopter – le travail incombe à Pablo Rodriguez, qui a hérité du portefeuille du Patrimoine canadien. Mais la présence de Pascale St-Onge au cabinet sera bénéfique, croit Mme Prégent.

L’ancien député néo-démocrate Pierre Nantel abonde aussi dans ce sens.

« C’est toujours pertinent d’avoir quelqu’un au Conseil des ministres qui est bien au fait de la précarité des jobs dans ces milieux-là, et de l’importance que ça a », plaide celui qui a œuvré pendant des années au sein de l’industrie musicale québécoise.

Parce qu’« on est en 2021 »

Si la nouvelle élue de Brome–Missisquoi a décidé de faire le saut en politique, c’est un peu parce qu’elle avait fait le tour du jardin à la FNCC-CSN et qu’elle avait « mené les dossiers qui étaient sous [sa] responsabilité aussi loin [qu’elle le pouvait] ».

Et si elle a jeté son dévolu sur les libéraux de Justin Trudeau, c’est en grande partie parce que « c’est le gouvernement qui a été au pouvoir dans les dernières décennies à avoir adopté les politiques les plus progressistes sur les plans économique et social ».

Le premier ministre dont Pascale St-Onge vante le progressisme a nommé à son cabinet, le 26 octobre dernier, deux ministres ouvertement homosexuels (Seamus O’Regan et Randy Boissonnault) et la première ministre ouvertement lesbienne – elle-même.

À l’autre bout du fil, la principale intéressée semble réticente à l’idée de parler de cette « première ». Et comme l’avait fait Justin Trudeau en 2015 lorsqu’on lui avait demandé de parler de la parité hommes-femmes au sein du cabinet, elle mentionne l’année.

On est en 2021.

Bon, personnellement, je pense qu’en 2021… ce n’est pas une question qu’on pose en général aux hétérosexuels, s’ils sont hétérosexuels. Le fait que ce soit un sujet démontre qu’on a encore besoin d’en parler, de démystifier.

Pascale St-Onge

En revanche, « jamais je ne vais être gênée, jamais je ne vais me cacher, jamais je ne vais nier qui je suis », enchaîne-t-elle, arguant que ce « n’est pas le bon message à envoyer, notamment aux jeunes qui se posent parfois des questions ».

Car il est « important de montrer qu’on peut occuper des postes importants, occuper un espace public même si on est gai, trans, queer », et que « publiquement, ce ne soit plus un enjeu ».

« Mais je suis bien consciente qu’on n’y est pas encore », lâche Pascale St-Onge.

De rockeuse à députée

La nouvelle ministre est mariée à une des membres du groupe rock alternatif dont elle a fait partie pendant huit ans, entre 2007 et 2014, et dont elle assurait également la gérance : Mad June.

Parce que oui, avant de revêtir des habits de politicienne, elle était bassiste au sein de la formation composée uniquement de femmes gaies. Le style vestimentaire pour aller au bureau ne sera peut-être plus celui de cette brève épopée rock.

Ce qui ne change pas avec les années, par contre, c’est le discours que tient Pascale St-Onge sur les étiquettes.

« Souvent, les gens vont penser que le fait qu’on soit toutes des filles, c’est un concept, mais personne n’aurait cette réflexion pour un band de gars », soutenait-elle en 2015 dans une entrevue accordée à La Presse – où elle a travaillé pendant quelques années en perception de comptes publicitaires.

Lisez l’entrevue accordée à La Presse en 2015, dans l’article « Femmes de rock »

Éclectique comme parcours, disait-on.

Attentes de l’opposition

Un enjeu à surveiller sera celui des Jeux olympiques de Pékin. Dans l’opposition, seul le Bloc québécois exhorte clairement la ministre à ne pas assister à l’évènement en raison du génocide des Ouïghours.

Au Parti conservateur, le porte-parole en matière de sports, Richard Martel, n’a pas été en mesure de communiquer la position de sa formation. Mais au NPD, le chef adjoint Alexandre Boulerice ne réclame pas un tel boycottage. « Je comprends que c’est important de mettre de la pression sur la Chine […], mais mettons la pression aux bons endroits. Je ne pense pas que c’est à Mme St-Onge ou aux sportifs de se sacrifier », a-t-il exposé.

Au sujet du développement économique régional, tous ont parlé de l’importance de donner accès à internet haute vitesse. Le Bloc trouve néanmoins que le ministère n’a pas sa raison d’être. « Ça ajoute un joueur dans une arène où il y en a déjà beaucoup. Nous, ce qu’on propose, c’est que le fédéral remette l’argent directement aux régions », a plaidé la députée Nathalie Sinclair-Desgagné.

Les travaux parlementaires reprendront le 22 novembre à la Chambre des communes.