(Québec et Ottawa) Le gouvernement Legault s’oppose au prochain scénario de redécoupage de la carte électorale fédérale, qui ferait passer le nombre de sièges au Québec de 78 à 77, en 2024. La « spécificité » de la province doit primer sur le simple calcul du poids démographique, a fait valoir mardi la ministre Sonia LeBel.

Le Bloc québécois et le Nouveau Parti démocratique (NPD) ont fait savoir qu’ils s’opposaient tout aussi farouchement à l’idée que le Québec sorte perdant de la révision de la carte électorale.

« Je ne peux pas croire qu’un pays qui prétend avoir deux langues officielles, une qui est en recul et l’autre qui ne l’est pas, va regarder ses institutions et réduire le poids de la langue qui est la plus menacée au pays, donc le français, qui est en recul au Canada et au Québec », a dit le chef du Bloc québécois, Yves-François Blanchet, dans une entrevue accordée à La Presse mardi.

PHOTO ADRIAN WYLD, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Yves-François Blanchet, chef du Bloc québécois

« Je suis confiant que le gros bon sens va prévaloir aussi chez les autres formations politiques », a ajouté M. Blanchet, promettant de « chauffer royalement » le gouvernement Trudeau s’il appuie la proposition d’Élections Canada.

« Un redécoupage fédéral qui enlève à la nation québécoise une voix au Parlement, c’est complètement inacceptable », a pour sa part déclaré le député Alexandre Boulerice, chef adjoint du NPD.

« Le NPD s’engage à défendre le poids des Québécoises et Québécois au sein de notre démocratie. Nous méritons d’être pleinement représentés à Ottawa. Nous n’allons pas accepter une diminution de la représentativité du Québec au Parlement. Jagmeet [Singh] et moi allons nous battre bec et ongles dans les prochains mois pour faire valoir les préoccupations de la population québécoise », a-t-il ajouté.

« C’est très préoccupant »

Vendredi dernier, le directeur général des élections du Canada, Stéphane Perrault, a annoncé que le nombre de sièges à la Chambre des communes devrait passer de 338 à 342. Ce changement à la carte électorale fédérale devrait être officiellement terminé en octobre 2023, mais ne devrait pas entrer en vigueur avant 2024, a fait valoir Élections Canada. Le nombre de sièges est calculé tous les 10 ans en fonction des changements au sein de la population canadienne. Selon la nouvelle répartition des sièges, le Québec est la seule province qui perdrait au change en raison de sa croissance démographique moins importante.

« Bien que ça semble loin dans le temps, c’est très préoccupant », a affirmé mardi la présidente du Conseil du trésor et ministre responsable des Relations canadiennes et de la Francophonie canadienne, Sonia LeBel. « Pour nous, ce n’est pas une simple formule mathématique, c’est important de tenir compte du poids réel de la représentativité du Québec au sein de la Chambre des communes », a-t-elle ajouté.

Nous sommes la seule province francophone au [Canada]. On a un statut particulier, nous avons une nation à défendre et je pense qu’à l’instar des provinces maritimes et des territoires, notre spécificité québécoise doit faire en sorte qu’on ne doit pas perdre de siège à la Chambre des communes.

Sonia LeBel, ministre responsable des Relations canadiennes et de la Francophonie canadienne

Selon la nouvelle répartition des sièges, les provinces et les territoires seraient représentés à la Chambre des communes de la façon suivante :

  • Colombie-Britannique : 43
  • Alberta : 37
  • Saskatchewan : 14
  • Manitoba : 14
  • Ontario : 122
  • Québec : 77
  • Nouveau-Brunswick : 10
  • Nouvelle-Écosse : 11
  • Île-du-Prince-Édouard : 4
  • Terre-Neuve-et-Labrador : 7
  • Yukon : 1
  • Territoires du Nord-Ouest : 1
  • Nunavut : 1

Élections Canada rappelle que « la nouvelle répartition des sièges sert de point de départ à la révision des limites des circonscriptions fédérales dans chaque province », et que le processus devrait débuter en février 2022 lorsque les chiffres de la population du recensement de 2021 seront publiés par Statistique Canada. Les travaux seront menés par des commissions indépendantes et non partisanes dans chaque province.

Pour le gouvernement Legault, il était important de faire connaître ses couleurs dès le départ. « Le Québec va être présent à toutes les étapes pour faire valoir sa position », a prévenu Mme LeBel, qui a invité tous les députés fédéraux du Québec à souligner « le besoin » de la province à maintenir sa représentativité.

Anglade écrit à Trudeau

La cheffe du Parti libéral du Québec, Dominique Anglade, a pris la plume pour exprimer ses « vives inquiétudes » de voir le Québec perdre un siège à la Chambre des communes, dans une lettre envoyée au premier ministre Justin Trudeau.

« Le redécoupage actuel découle d’une loi adoptée en 2011 pour laquelle vous aviez voté contre. Je me permets de saluer, au passage, l’affirmation que vous avez formulée dans le cadre du débat d’adoption de cette loi à l’effet que, lorsqu’il est question de représentation électorale, “le Canada n’est pas un pays où l’on peut se contenter de purs calculs mathématiques”. Vous défendiez alors une position en faveur d’une meilleure représentation du Québec et j’espère qu’à nouveau, vous défendrez les intérêts du Québec dans le cadre de ce redécoupage électoral », a écrit Mme Anglade.

« À titre de cheffe de l’opposition officielle à l’Assemblée nationale, je me fais donc la porte-voix de la motion du 22 avril 2010 adoptée à l’unanimité par l’Assemblée nationale qui “réaffirme que le Québec, en tant que Nation, doit pouvoir bénéficier d’une protection spéciale du poids de sa représentation à la Chambre des communes”. À cet égard, je sollicite votre appui afin que nous puissions ensemble défendre les intérêts du Québec. Je présenterai également une motion en ce sens au cours des prochains jours. Conséquemment, je vous demande de tout mettre en œuvre pour protéger la représentation du Québec à la Chambre des communes », ajoute-t-elle.