(Montréal) Les règles du Bloc québécois sont « appliquées intégralement, à la lettre », a répliqué dimanche le chef du Bloc québécois, Yves-François Blanchet, à l’attaque virulente menée contre ses méthodes par une trentaine de militants de son parti qui lui reprochent de se « débarrasser » d’un député et de suspendre les assemblées d’investiture.

De passage à Shawinigan, en Mauricie, où M. Blanchet tenait un caucus et s’adressait à la quarantaine de candidats investis à ce jour, le chef bloquiste a dit très bien comprendre « comme membre, comme militant » leur frustration.

« C’est un moment éminemment désagréable et c’est un moment avec lequel je ne suis pas à l’aise non plus, mais on n’a pas le choix de se préparer au possible déclenchement d’une élection », a-t-il déclaré en mêlée de presse.

Dans une lettre ouverte qui n’y va pas avec le dos de la cuillère, les signataires reprochent à « l’agent d’artiste Yves-François Blanchet » de « briser les principes démocratiques de René Lévesque » en refusant de tenir une assemblée d’investiture dans la circonscription de Terrebonne, représentée depuis 2015 par le député Michel Boudrias, afin de favoriser la candidature de l’économiste Nathalie Sinclair-Desgagné.

Le Bureau national du Bloc québécois a décidé, plus tôt cette semaine, de suspendre ses assemblées d’investiture jusqu’au 23 août et de désigner lui-même les candidatures qui représenteront le parti sans consulter les membres.

Dans le cas de M. Boudrias, le chef bloquiste explique que le député était « loin, loin » d’avoir rencontré les conditions nécessaires à une candidature. Le Bureau national du parti exige que chaque exécutif de circonscription ait amassé 19 000 $, qu’il ait remboursé ses dettes et qu’il compte au moins 350 membres en règle.

Les signataires de la lettre transmise aux médias estiment plutôt que « dans notre mouvement, pour ce qu’il en reste, le choix des candidats aux élections a toujours été l’affaire des membres et non du chef ». Ils vont jusqu’à appeler les membres à s’abstenir de voter aux prochaines élections fédérales.

D’autres candidats aux investitures ont également fait part publiquement de leur mécontentement. Claude André, candidat en 2015 et en 2019 dans Rosemont—La-Petite-Patrie et André Parizeau, candidat en 2019 dans Ahuntsic-Cartierville – ont déploré avoir été écartés d’un processus d’investiture en bonne et due forme après l’avoir réclamé depuis des mois.

« Après plusieurs tentatives, il est devenu très clair pour nous que le national souhaitait désigner quelqu’un, et cela en dépit des règles démocratiques du parti », a écrit M. André sur Facebook, précisant que tout l’exécutif, sauf une personne, a démissionné « en bloc » le 24 juin.

Y a-t-il des manigances ? « Non », a répondu dimanche Yves-François Blanchet, estimant que des paramètres pour la tenue d’assemblées d’investitures n’ont probablement pas été rencontrés, « tout simplement ».

« On se rappellera qu’il y avait eu [il y a deux ans] une situation déjà qui n’était pas simple dans Ahuntsic-Cartierville avec le candidat André Parizeau au moment où il avait été maintenu comme candidat malgré ses affiliations avec le Parti communiste », a-t-il déclaré.

Élections imminentes ?

Le Bloc québécois est dans la tourmente alors que les rumeurs de déclenchement d’élections au cours des prochains jours se font de plus en plus vives.

Les Québécois, les Canadiens, les bloquistes, les conservateurs et même possiblement un « sacré paquet de libéraux » ne veulent pas d’élections, a énuméré M. Blanchet devant ses troupes, réitérant sa demande au premier ministre de ne pas plonger le pays en élections.

L’augmentation inquiétante de cas de COVID-19 « commande une grande prudence », a justifié Yves-François Blanchet, ce qui s’avère « incompatible avec les ambitions personnelles de M. Trudeau ».

Le chef bloquiste a prévenu le premier ministre : « vous aurez cette fois-ci une organisation redoutable, bien financée par les Québécoises et les Québécois, avec un bilan. Je vous invite à ne pas vous y frotter ».

À ce chapitre, le Bloc se félicite notamment d’avoir amené Ottawa à reconnaître que le Québec est une nation française ainsi que l’adoption par le Parlement de l’application de la Charte la langue française aux entreprises sous juridiction fédérale.

À l’inverse, M. Blanchet a reproché aux libéraux leur « bilan estival » : avoir choisi de nommer au « sommet du sommet de la pyramide politique canadienne » une gouverneure générale qui ne parle pas français et l’augmentation des seuils de glyphosate qui avait été envisagée « à la demande des lobbys ».

Advenant que des élections soient déclenchées dans les prochains jours, le Bloc québécois aura « des organisations, des candidats et du financement et des pancartes partout sur le territoire », a assuré son chef.

Lors des précédentes élections fédérales, la formation avait triplé son nombre de députés le faisant passer à 32. Les libéraux avaient récolté 35 sièges au Québec, les conservateurs en avaient obtenu 10 et les néo-démocrates un seul.