(Ottawa) Eric Duncan, le premier député conservateur ouvertement homosexuel, découvre les deux côtés du Parlement.

D’un côté, le visage ouvert de la Chambre des communes, celui qui lui permet d’évoquer un problème comme le délai imposé aux hommes ayant des relations sexuelles avec un autre homme pour donner du sang.

De l’autre, la trop forte partisanerie politique, celle qui empêche toute collaboration et peut même empêcher ultimement l’adoption d’un projet de loi important comme celui visant à interdire les thérapies de conversion.

Élu pour la première fois en 2019, le député de Stormont—Dundas—South Glengarry a poussé le gouvernement libéral à tenter de respecter un engagement électoral visant à mettre fin à la période d’attente des hommes ayant des rapports sexuels avec d’autres hommes pour les dons sanguins.

Selon lui, le fait qu’il ait pu amener une lueur sur ce sujet démontre que le Parlement peut fonctionner.

« Cela montre à quel point le Parlement est toujours utile si un homme d’une petite ville de l’est de l’Ontario rural peut se lever et placer sous le radar national un tel problème », souligne M. Duncan.

L’interdiction aux homosexuels de faire un don de sang ou de plasma a été mise en œuvre en 1992, dans la foulée du scandale de sang contaminé au Canada où des milliers de Canadiens ont été infectés par le virus du sida (VIH) ou par l’hépatite C après une transfusion sanguine ou avoir reçu des produits sanguins.

Les normes ont été assouplies au fil des ans pour réduire la période d’abstinence requise aux donneurs de sang homosexuels.

M. Duncan n’est pas le premier élu à réclamer la levée de cette mesure, mais il l’a fait de manière très personnelle en novembre. Au cours d’une réunion de comité, il a demandé plusieurs fois à la ministre de la Santé Patty Hajdu si elle accepterait son sang.

PHOTO ADRIAN WYLD, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

La ministre de la Santé, Patty Hajdu

La ministre a convenu que cette politique était discriminatoire, mais s’en est lavé les mains, disant que cela dépendait de deux organismes indépendants, La Société canadienne du sang et Héma-Québec.

M. Duncan dit que quelques députés libéraux l’ont remercié d’avoir soulevé la question.

Pouvoir partager une histoire, partager son expérience et apporter du changement, c’est la raison pour laquelle nous sommes tous ici, mentionne le jeune député. Je suis plus qu’un homosexuel, mais c’est une partie importante de moi-même.

Eric Duncan

Il en donne le mérite à la porte-parole du parti en matière de santé, Michelle Rempel Garner.

« J’ai demandé à Eric s’il était prêt à pousser la ministre là-dessus. Je lui ai dit que je savais que le sujet le passionnait, raconte Mme Rempel Garner. Je lui ai suggéré de lui demander si elle accepterait son sang. Il a eu l’air tout étonné. »

Thérapies de conversion

Les choses ne se sont pas aussi bien passées au sujet du projet de loi C-6 visant à interdire les thérapies de conversion, qui a grandement divisé le caucus conservateur.

Celui-ci a finalement été adopté à la Chambre des communes, malgré l’opposition exprimée par 62 élus conservateurs. La plupart d’entre eux viennent de l’Ouest canadien, bastion du conservatisme social au pays.

Certains de ces opposants disent dénoncer les thérapies de conversion, mais la pratique était définie de façon trop large dans le projet de loi.

M. Duncan, lui, a appuyé le C-6. Il dit que certains collègues l’ont interrogé à ce sujet. Selon lui, « un travail de bon sens », notamment des amendements, aurait pu aider à combler le fossé.

« Il y avait une occasion pour le bon côté du Parlement de se manifester », regrette-t-il.

Toutefois, le C-6 pourrait mourir au feuilleton. Le Sénat, qui doit l’examiner à son tour, a été ajourné pour l’été, et le Parlement pourrait être dissous pour le déclenchement de nouvelles élections.

Si les libéraux blâment les conservateurs pour ce retard, le sénateur « bleu » Léo Housakos rétorque que le gouvernement de Justin Trudeau a eu six ans pour faire adopter une telle interdiction. Il dit qu’il faut bien prendre le temps d’examiner un projet de loi qui modifie le Code criminel.

Le représentant du gouvernement au Sénat, Marc Gold, a adressé une lettre adressée aux autres leaders de la Chambre haute pour proposer de se réunir cet été pour faire avancer le projet de loi.