(Ottawa) Si les travaux parlementaires ont pris fin, la partisanerie, elle, ne prend pas de vacances à la veille d’un possible scrutin.

Jeudi, la ministre des Relations Couronne-Autochtones, Carolyn Bennett, s’est excusée pour avoir envoyé un message texte à la députée indépendante Jody Wilson-Raybould avec pour seul mot « pension ? ».

Mme Bennett faisait référence à un gazouillis de Mme Wilson-Raybould qui demandait au premier ministre Justin Trudeau de ne pas déclencher une élection « dont personne ne veut » dans la foulée des découvertes de sépultures sur les sites d’anciens pensionnats autochtones dont le plus récent se situe en Saskatchewan.

Mme Wilson-Raybould a partagé une capture d’écran du message texte de Mme Bennett sur le réseau social Twitter en le qualifiant de « raciste » et de « misogyne ».

« Reflète la notion que les peuples autochtones sont paresseux et ne veulent que de l’argent. Démontre un mépris, un dédain et un irrespect pour les peuples autochtones, tout comme notre histoire. Illustre qu’une femme autochtone forte est une mauvaise femme autochtone », s’est insurgée l’ancienne ministre de la Justice libérale.

La réponse de Mme Bennett est arrivée environ une heure plus tard sur le même réseau social.

« Plus tôt, j’ai offert mes excuses directement à la députée de Vancouver-Granville. J’ai laissé des dynamiques interpersonnelles avoir le dessus sur moi (sic) et j’ai envoyé un commentaire insensible et inapproprié, que je regrette profondément et que je n’aurais pas dû faire », a déclaré la ministre des Relations Couronne-Autochtones.

Les élus fédéraux ont droit à une pension après avoir cotisé au régime pendant au moins six ans. Si une élection devait avoir lieu avant le 19 octobre de cette année, nombreux sont les députés élus lors du scrutin de 2015 qui n’y auraient pas droit — dont Mme Wilson-Raybould. Mme Bennett, élue pour la première fois en 1997, a déjà pour sa part droit à un généreux fonds de retraite.

Des députés de l’opposition se sont portés à la défense de Mme Wilson-Raybould après la publication de son gazouillis. « @Puglaas (Jody Wilson-Raybould) a plus d’intégrité et est plus respectée que Justin Trudeau et son conseil des ministres combinés », a écrit le conservateur Mark Strahl. « Elle doit partir », a renchéri le néo-démocrate Charlie Angus au sujet de Mme Bennett.

L’Union des chefs indiens de la Colombie-Britannique a également appelé la ministre Bennett à démissionner, affirmant qu’elle était « profondément perturbée et dégoûtée par l’extrême insensibilité, la méchanceté et l’ignorance dont vous avez fait preuve à travers le message raciste que vous avez envoyé à la députée Jody Wilson-Raybould ».

« Il s’agissait d’une lâche tentative de faire taire une puissante voix autochtone appelant à la vérité, à l’action et à la justice », a déclaré l’Union des chefs dans une lettre à Carolyn Bennett.

« Avec un seul mot — “ pension ” — vous avez non seulement décidé de perpétuer un stéréotype racial préjudiciable, selon lequel les peuples autochtones sont paresseux et uniquement motivés financièrement — mais vous avez également rejeté le problème urgent et primordial des pensionnats, des enfants disparus et assassinés et des droits des Autochtones. »

Le bureau du premier ministre a refusé de commenter jeudi, renvoyant les journalistes à la déclaration de la ministre Bennett.

Dernier droit pour le Sénat

Les sénateurs, eux, ont décidé de mettre de côté la partisanerie pour quelques jours.

Ils ont convenu à l’unanimité de prolonger leurs travaux jusqu’au mardi 29 juin, afin d’adopter un maximum de projets de loi prioritaires du gouvernement. Quatre d’entre eux ont été adoptés aux Communes et envoyés au Sénat cette semaine seulement.

« Puisque le Sénat a reçu ces projets de loi si près de la fin de la session et à l’expiration de notre entente hybride, tout progrès législatif sur ces projets de loi exigera une collaboration considérable de tous les côtés de la Chambre », a déclaré le sénateur Marc Gold, représentant du gouvernement au Sénat, dans un récent communiqué de presse.

Tout indique que les projets de loi C-30, qui vient mettre en œuvre les mesures contenues dans le budget, et C-12, qui vise à atteindre la carboneutralité d’ici 2050, seront adoptés. Les projets de loi C-6, qui interdit les thérapies de conversion, et C-10, qui vient réformer la Loi sur la radiodiffusion, seront renvoyés en comité sénatorial d’ici mardi pour une étude plus approfondie à l’automne.

De passage à Montréal pour la fête nationale, jeudi, le chef néodémocrate Jagmeet Singh s’est désolé de voir que C-6 et C-10 pourraient mourir au feuilleton si des élections ont lieu plus tôt que prévu.

« Ce n’est pas un fait accompli qu’on doit avoir une élection cet automne. […] On a deux ans si le gouvernement veut vraiment faire ces choses. Sinon, tous ces actes étaient des actes symboliques, des gestes symboliques. C’était seulement pour le “ show ” », a fait valoir M. Singh avant d’entamer une tournée des parcs montréalais pour y rencontrer des électeurs.

En vertu de la Loi électorale du Canada, le prochain scrutin doit normalement avoir lieu en octobre 2023. La durée de vie moyenne d’un gouvernement minoritaire est d’environ 18 mois.