(Ottawa) L’incertitude qui plane sur le financement de la construction de la station du Réseau express métropolitain (REM) à l’aéroport international Pierre-Elliott-Trudeau tire à sa fin. Québec change son fusil d’épaule et se dit maintenant prêt à contribuer au montage financier réclamé par Aéroports de Montréal (ADM) pour mener à bien ce projet évalué à 600 millions de dollars, a appris La Presse.

Le montage financier qui se profile à l’horizon verrait la Banque de l’infrastructure du Canada (BIC) avancer 400 millions de dollars, tandis que le gouvernement Trudeau et le gouvernement du Québec mettraient chacun 100 millions de dollars sur la table, selon nos informations.

Les pourparlers entre les deux capitales progressent depuis quelques jours au point où on pourrait annoncer sous peu une entente sur le financement de ce projet jugé crucial par la région de Montréal, les gens d’affaires, ADM et les libéraux de Justin Trudeau.

D’autant plus que le REM doit relier le centre-ville de la métropole à l’aéroport, permettant à Montréal d’avoir un réseau de transport collectif intermodal digne d’une grande ville nord-américaine, au même titre que Toronto ou Vancouver, entre autres.

« Le dossier avance bien. Nous sommes en conversation. Nous planchons sur des solutions », a affirmé à La Presse une source du gouvernement fédéral bien au courant du dossier, à l’origine de frictions entre Québec et Ottawa au cours des derniers mois.

Loin de reporter ce dossier aux calendes grecques, la nomination du nouveau ministre Omar Alghabra aux Transports, qui a pris la relève de Marc Garneau, muté aux Affaires étrangères dans un remaniement ministériel au début de l’année, a permis de remettre ce projet en tête de la liste du ministère.

En parallèle, des ministres du Québec du cabinet de Justin Trudeau — la ministre du Développement économique, Mélanie Joly, le ministre de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie, François-Philippe Champagne, et le lieutenant politique du premier ministre, Pablo Rodriguez, entre autres — ont multiplié les appels et les pourparlers avec leurs homologues du gouvernement Legault dans l’espoir de les ramener à la table des négociations.

Selon nos informations, la ministre Joly s’est entretenue à plusieurs reprises avec le ministre de l’Économie et de l’Innovation du Québec, Pierre Fitzgibbon, très favorable au projet et à une participation financière de Québec, alors que son collègue des Transports, François Bonnardel, affirmait que le projet devait être financé par Ottawa uniquement parce que l’aéroport est une infrastructure qui appartient au fédéral.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Le ministre des Transports du Québec, François Bonnardel

Le bureau de M. Bonnardel a refusé mercredi de commenter. « Je n’ai rien à confirmer dans ce dossier pour le moment », a indiqué l’attachée de presse de M. Bonnardel, Florence Plourde.

« Montréal, c’est chez nous »

Selon nos informations, un autre morceau du casse-tête qui aurait permis de contribuer au déblocage dans les pourparlers dans ce dossier est la récente arrivée de Michael Sabia au poste de sous-ministre des Finances à Ottawa.

Avant de devenir le bras droit de la ministre des Finances et vice-première ministre Chrystia Freeland, au début de décembre, M. Sabia a dirigé pendant près de 10 mois la Banque de l’infrastructure du Canada.

Et auparavant, il avait été président et chef de la direction pendant 11 ans de la Caisse de dépôt et placement du Québec, qui est le chef d’orchestre du projet de construction du REM.

Dans une entrevue avec La Presse, en avril dernier, M. Sabia avait affirmé qu’il serait là pour l’inauguration du REM, non pas comme président de la Caisse de dépôt, mais comme Montréalais. « Montréal, c’est chez nous », avait-il dit, signe de son attachement à la réalisation complète de ce projet, y compris la station du REM à l’aéroport.

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Michael Sabia, sous-ministre des Finances à Ottawa

Au départ, les coûts de construction de cette station devaient être assumés par ADM, mais l’organisme a vu ses revenus chuter de manière brutale à cause de l’effondrement du trafic aérien depuis le début de la pandémie.

ADM a plaidé auprès d’Ottawa et de Québec afin d’obtenir un prêt remboursable pour mener à bien les travaux. Le gouvernement Legault s’était dit prêt à participer au montage financier, mais il a mis fin aux pourparlers de manière inopinée l’automne dernier en soutenant que l’aéroport est une infrastructure fédérale et qu’il incombe à Ottawa de payer la facture.

Faute d’entente entre les deux ordres de gouvernement, ADM a fait savoir récemment qu’il pourrait devoir mettre sur la glace indéfiniment cette portion du projet, provoquant de vives inquiétudes à la mairie de Montréal, chez les gens d’affaires et les élus fédéraux.

ADM a indiqué vouloir attendre le résultat des discussions en cours avant de se prononcer. « Nous comprenons que des discussions ont cours entre Québec et Ottawa et que le gouvernement provincial aurait démontré une ouverture à revenir à la table de négociations. Or, comme les discussions reprennent à peine, nous demeurons prudents et réserverons nos commentaires pour le moment », a indiqué Anne-Sophie Hamel, directrice des affaires corporatives et des relations médias chez ADM.