Le libellé « réforme parlementaire » semble loin des préoccupations quotidiennes. Pourquoi s’intéresser à la façon dont nos élus organisent leurs travaux ? Parce que l’exercice du pouvoir – et les mécanismes pour exiger des comptes au gouvernement – a des répercussions directes sur la vie des citoyens. Et ceux-ci, dans le projet de réforme déposé jeudi par Québec, auraient une grande place à l’Assemblée nationale.

Une chambre des affaires citoyennes

Le Salon bleu est souvent présenté dans les médias comme le cœur des activités parlementaires. C’est certainement là que les caméras croquent le plus souvent la joute politique. Mais au-delà de la période de questions, le contrôle gouvernemental se fait aussi ailleurs, comme en commission parlementaire. Québec propose dans sa réforme de créer une nouvelle chambre, celle des « affaires citoyennes ». Le quorum pour y siéger serait considérablement réduit. Mais surtout, on permettrait aux députés qui ne sont pas membres de l’exécutif d’y présenter et de débattre de projets de loi, qui feraient ensuite l’objet d’un vote au Salon bleu.

L’échec de 1984

Selon Eric Montigny, directeur scientifique de la Chaire de recherche sur la démocratie et les institutions parlementaires, le projet de réforme du gouvernement de la Coalition avenir Québec (qui devra être bonifié par l’opposition afin d’être adopté à l’unanimité) est le constat de l’échec de la précédente grande réforme parlementaire du gouvernement de René Lévesque, en 1984. À l’époque, rappelle-t-il, « l’objectif central était de valoriser le travail des députés ». Une problématique toujours d’actualité.

Un peu de mémoire

PHOTO JACQUES BOISSINOT, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Simon Jolin-Barrette, ministre responsable de la Réforme parlementaire

Lorsqu’elle était dans l’opposition, en 2015, la Coalition avenir Québec avait adopté des résolutions pour réformer les institutions démocratiques. Certaines de ces propositions se retrouvent dans la réforme présentée jeudi par le ministre Simon Jolin-Barrette, mais pas toutes. La CAQ proposait par exemple d’abolir la fonction de lieutenant-gouverneur. Cela ne semble plus dans les cartons, quoique Québec propose d’éliminer le serment à la reine. Le parti de François Legault déplorait aussi l’utilisation du bâillon pour adopter des projets de loi urgents ou controversés. « En court-circuitant la procédure parlementaire normale, le gouvernement coupe court aux débats nécessaires pour améliorer un projet de loi », écrivait-on. Depuis son élection, la CAQ a utilisé cette procédure d’exception à quatre reprises.

Un directeur du budget

Pour le politologue Eric Montigny, la proposition gouvernementale de créer un directeur parlementaire du budget, comme il en existe déjà ailleurs au pays, dont au Parlement d’Ottawa, est une bonne idée. « Mais tous les gouvernements qui ont ouvert la porte à la création d’un agent du budget l’ont regretté », souligne-t-il. Car « quand vient le temps de contrôler l’exécutif [c’est-à-dire le Conseil des ministres], les parlementaires sont beaucoup mieux équipés pour [faire leur travail] ». Dans sa proposition, la CAQ prévoit que cette personne soit désignée par l’Assemblée nationale, et non pas par le gouvernement.

Une page d’histoire

Le parlementarisme a beaucoup évolué dans le temps au Québec. En 1874, par exemple, on a mis fin au double mandat, où un député pouvait siéger à la fois à Québec et à Ottawa. L’histoire récente a bien vu Martine Ouellet être députée indépendante à l’Assemblée nationale et chef du Bloc québécois, mais elle ne siégeait pas à la Chambre des communes. En 1973, le nombre d’articles du Règlement (ce qui encadre les travaux au Parlement) a fondu de 812 à 179. Un vent de fraîcheur. Puis, en 2009, lors de la plus récente réforme, les parlementaires ont tenté de mettre en place de nouveaux modes de consultation des citoyens. Pour Eric Montigny, cet aspect a été un échec que la réforme proposée par Simon Jolin-Barrette tente de corriger.

Le salaire des députés

Un sujet épineux pour les élus, l’ajustement de leur salaire, est discuté ces jours-ci au Bureau de l’Assemblée nationale (BAN), qui agit comme un conseil d’administration. Jeudi, le BAN a déposé au Salon bleu un rapport qui propose de créer lors de l’actuelle législature un comité indépendant pour analyser les conditions de travail des députés. Ce comité serait formé d’un ancien député ainsi que de personnes comme un juge à la retraite, une personne spécialisée en ressources humaines, du monde de la finance, des assurances ou des régimes de retraites, entre autres.