(Québec) Les partis d’opposition en ont ras le bol : ils demandent au président de l’Assemblée nationale, François Paradis, d’intervenir et de faire respecter le rôle des parlementaires.

Les députés étaient réunis exceptionnellement vendredi à l’Assemblée nationale pour étudier de manière accélérée le projet de loi 40 sur la gouvernance scolaire.

Ulcérées, les oppositions dénoncent l’utilisation d’un quatrième bâillon en huit mois par le gouvernement Legault pour forcer l’adoption de cette pièce législative qui abolit notamment les commissions scolaires.

En mêlée de presse vendredi, le chef intérimaire du Parti libéral du Québec (PLQ), Pierre Arcand, a dit souhaiter que le président Paradis — le représentant du pouvoir législatif et défenseur de tous les députés — mette son pied à terre.

« Je pense que M. Paradis doit exercer un leadership là-dessus », a-t-il déclaré.

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Pierre Arcand

« Il doit absolument être saisi de certains des propos du premier ministre. […] Son rôle, c’est de défendre l’Assemblée nationale. […] Je pense qu’un moment donné, ce ne serait pas mauvais qu’il s’exprime là-dessus », a-t-il ajouté.

Le premier ministre François Legault clame depuis des mois que ses ministres passent trop d’heures en commission parlementaire pour défendre leurs projets de loi. Jeudi, il a laissé échapper que les députés perdaient leur temps.

À l’inverse, les partis d’opposition dénoncent la « tendance lourde » de ce gouvernement d’adopter des projets de loi à toute vapeur, en coupant court aux débats qui servent souvent à les améliorer. Le travail des députés d’opposition s’en trouve ainsi dévalorisé, disent-ils.

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Gabriel Nadeau-Dubois

« On a un gouvernement qui considère que le Québec, c’est une business dont ils sont les PDG. Quand ils trouvent qu’une commission parlementaire dure trop longtemps, ils ferment la shop », a lancé le leader parlementaire de Québec solidaire (QS), Gabriel Nadeau-Dubois.

Il a rappelé que l’Assemblée nationale n’est pas une « monarchie élective » et que le premier ministre Legault n’a pas à être « dérangé » ou « indisposé » par le parlement. « Rendu là, on peut annuler la période des questions et fermer le parlement si ça le dérange tant que ça ! »

M. Nadeau-Dubois a demandé au président François Paradis d’encadrer à tout le moins la procédure d’exception qui est le bâillon en fixant des conditions pour y avoir recours.

« Des présidents avant vous ont fait des pas, ont affirmé des conventions quand c’était nécessaire. […] Vous devez commencer ce travail-là. […] C’est votre responsabilité. »

Le bureau de M. Paradis s’est refusé à tout commentaire.

« Les faits sont têtus, M. le Président, a poursuivi la co-porte-parole de QS, Manon Massé. Jean Charest a fait 2,5 bâillons par année. Philippe Couillard a fait deux bâillons par année. Mme Marois, un seul en 18 mois.

« Les faits, c’est quatre bâillons en neuf mois. Les faits, c’est que le premier ministre Legault bat des records d’autoritarisme. »

Le Parti québécois (PQ) s’attend également à des gestes de la part de François Paradis, dont une décision écrite sur le caractère d’exception du bâillon. Il rappelle en outre que M. Legault s’apprête à présenter une grande réforme du parlement.

Cette réforme doit être consensuelle, prévient le leader parlementaire du PQ, Martin Ouellet. « Il est qui pour savoir ce que nous voulons comme améliorations à l’Assemblée nationale ? » a-t-il demandé.

« Il est temps que le gouvernement comprenne que le parlement, ce n’est pas son jouet », s’est indignée la députée péquiste de Joliette, Véronique Hivon, qui a parlé vendredi d’un « grave effritement de la considération de la démocratie ».

« Le gouvernement nous avait promis de la politique autrement. On n’aurait jamais pensé que ce que ça voulait dire, c’est autrement plus de bâillons, autrement plus d’arrogance, autrement moins de transparence », a-t-elle renchéri.