(Québec) « Jolin-barretté », un drôle d’adjectif
Peut-on parler de consécration pour le ministre Simon Jolin-Barrette ? Un adjectif dérivé de son nom de famille figure maintenant aux « propos non parlementaires » ! Contexte : nous sommes le 12 février 2020, dans cette ère d’insouciance pré-pandémie. Le libéral Pierre Arcand accuse le premier ministre François Legault de « foncer tête baissée » avec ses réformes. L’un de ses ministres est passé maître dans cette façon de faire, laisse-t-il entendre. « À mi-mandat, ce qui ressort clairement, c’est que la CAQ, c’est un gouvernement de la chicane et des réformes jolin-barrettées ! » L’arbitre n’apprécie pas la verve de M. Arcand. « Je vous demande votre collaboration et de ne pas utiliser ce terme-là », affirme François Paradis. Directement visé, Simon Jolin-Barrette a ce trait d’esprit : « Monsieur le Président, je crois qu’il devrait le retirer… et j’en suis blessé ! » Pierre Arcand retire son propos à la demande du président, qui se permet un avertissement. « Vous le savez, et je le rappelle simplement, on n’a pas à utiliser les noms des députés ou des expressions qui utilisent les noms des députés. » C’est noté…
Un échange, deux ajouts
Fait rarissime, deux expressions se sont ajoutées à la liste des propos non parlementaires lors d’un seul échange ! Le 6 février, l’ambiance est maussade au Salon bleu : le gouvernement annonce l’imposition d’un bâillon pour adopter la réforme des commissions scolaires. Manon Massé, de Québec solidaire, déplore l’attitude du premier ministre. Elle soutient qu’un véritable leader est à l’écoute des autres et veut rallier, et non se présenter comme celui qui a toujours raison sur tout. « La différence entre les deux est énorme. C’est la différence entre un chef d’État et un boss des bécosses ! », lance-t-elle. Leader du gouvernement en Chambre, Simon Jolin-Barrette bondit : « On parle du premier ministre du Québec, monsieur le Président. Je pense qu’on se doit tous respect ici. On peut être en désaccord, mais on n’acceptera pas de s’injurier, c’est blessant. » Mme Massé retire donc ses paroles à la demande du président… et François Legault est forcé de faire de même presque aussitôt. Il déclare en effet que la population « n’en peut plus de voir la perte de temps, après 70 heures en commission parlementaire ». Pour Gabriel Nadeau-Dubois, c’est « blessant » de qualifier ainsi le travail de l’opposition lors de l’étude d’un projet de loi. « On ne doit jamais imputer des motifs indignes », rappelle François Paradis, exigeant que le premier ministre s’amende.
Quand le ministre des Forêts se plante
Le 13 février, Émilise Lessard-Therrien s’inquiète du sort du béluga du Saint-Laurent, une espèce en voie de disparition. La députée de Québec solidaire plaide que « l’augmentation du trafic maritime est en train d’empêcher son rétablissement ». « C’est quoi, le plan de match du ministre pour sauver l’espèce ? Et je lui donne un indice : les mettre dans un enclos ou dans un zoo, ça ne compte pas ! », lance-t-elle. On ne sait pas si le ministre des Forêts, de la Faune et des Parcs, Pierre Dufour, a voulu faire un lien avec la grossesse de la députée (elle a donné naissance à une fille quatre mois plus tard) ou son âge (29 ans), mais il réplique alors : « Je trouve ça triste un peu quand on fait de l’enfantillage un peu comme ça. » « Vous n’avez pas besoin de ça, monsieur le Ministre, pour faire en sorte qu’on puisse avoir des échanges qui sont fructueux et constructifs », réplique François Paradis, ordonnant à Pierre Dufour de retirer ses propos. C’est le même ministre qui, cet automne, a servi du « jeune dame » à la députée Lessard-Therrien, provoquant un tollé en Chambre.
Mauvaise lecture
Porte-parole de Québec solidaire en matière d’environnement, Ruba Ghazal détériore le climat à l’Assemblée nationale le 5 juin. Elle affirme que le ministre de l’Environnement, Benoit Charette, a le devoir d’être le « chien de garde du bien commun », mais que celui-ci « a malheureusement arrêté d’aboyer depuis longtemps parce que ce qu’il fait, c’est se soumettre aux promoteurs ». Les caquistes rouspètent, mais François Paradis passe l’éponge. « La députée n’a pas voulu blesser. Le terme est peut-être, à mon sens, mal choisi. Je comprends que ce n’était pas sa volonté. Madame la Députée, j’imagine que je fais la bonne lecture de votre intervention ? » La bonne lecture ? Pas sûr… Reprenant aussitôt la parole, Ruba Gazhal pousse le bouchon encore plus loin. « Ma question : est-ce que le ministre est fier d’être la bonniche des promoteurs ? » Benoit Charette, la bonne à tout faire des promoteurs ? « Là, je vais vous demander le retrait de ce mot, madame la Députée. Ce n’est pas approprié », réplique le président, qui sait maintenant à quoi s’en tenir avec Mme Ghazal.
Le « club-école » du PLQ ?
Marwah Rizqy sait comment faire sortir Jean-François Roberge de ses gonds. La libérale pique au vif le ministre de l’Éducation, le 2 octobre 2019, en l’accusant de « foncer dans le mur » avec sa réforme des commissions scolaires qui, selon elle, ne contribuera en rien à la réussite des élèves. Ses propos ne dépassent pas les bornes. On ne peut en dire autant dans le cas de M. Roberge, selon l’avis du président. « On aurait été surpris que le Parti libéral approuve l’élimination des postes de commissaire, quand on sait que, bien souvent, c’est leur club-école ! », réplique le ministre. François Paradis lui demande de retirer le terme « club-école », à la surprise des caquistes, qui ne voient rien de mal dans la sortie du ministre. « Je pense qu’il y a une question de contexte dans ce qui est dit. Je dis et je continue à dire que ce sont des propos blessants », explique M. Paradis.
Le coronavirus s’invite dans les débats
Le 8 octobre, le premier ministre François Legault déplore les réticences de Québec solidaire au sujet de l’application Alerte COVID. « On a fait toutes les vérifications, il n’y a aucun risque pour les données personnelles. Et Québec solidaire ose faire peur aux Québécois », soutient-il. Le leader parlementaire de QS, Gabriel Nadeau-Dubois, interpelle aussitôt le président, en revendiquant « le droit de signaler une infraction au règlement ». « L’expression ‟faire peur aux Québécois” est nommément dans le lexique des propos interdits en cette Chambre », soutient-il. Et François Paradis de répondre : « Monsieur le Premier Ministre, sur ces propos, effectivement, ils ne sont pas permis au lexique. Je vais vous demander de les retirer. » François Legault s’exécute. Le hic, c’est que cette expression ne figurait même pas dans la liste des propos non parlementaires ! Nous avons vérifié. Elle s’y trouve désormais en raison de la décision du président ce jour-là.
AUTRES MOTS ET EXPRESSIONS AJOUTÉS
Catimini
Guide de contournement des lois et règlements
Foutaise
Goon
Propos grossiers
Honneur (je pense que le député avait de l’)
Insulter
Manque de maturité
Mesures sanitaires (dire aux gens de ne pas tenir les)
Noble (ce n’est pas)
Tout croches (en parlant de députés)