(Ottawa) Anthony Rota célèbrera son premier anniversaire à titre de président de la Chambre des communes en… se faisant trancher la gorge, comme il le dit lui-même.

M. Rota subira la semaine prochaine une intervention chirurgicale pour enlever sa glande thyroïde endommagée par la radiothérapie qu’il a reçue il y a près de 35 ans lorsqu’il souffrait du premier de deux épisodes de lymphome hodgkinien.

Cela semble une conclusion perversement appropriée à une année tumultueuse au cours de laquelle M. Rota a présidé les débats malgré la pandémie de COVID-19.

Il a dû superviser une refonte sans précédent des opérations de la Chambre des communes pour permettre des séances hybrides, avec quelque 80 députés sur place et les quelque 250 autres en participant de façon virtuelle et en votant à distance.

« Ce n’est pas pour ça que je m'étais présenté, mais c’est ça qui est arrivé, confie M. Rota. C’est un intéressant voyage, je dois le reconnaître. C’est un défi intéressant. »

Si le rôle de président n’était pas de tout repos lorsque le parti au pouvoir est minoritaire, personne n’aurait pu imaginer les bouleversements que provoquerait une pandémie à la Chambre des communes.

Ces jours-ci, M. Rota ne doit pas seulement prêter attention aux députés assis éloignés les uns des autres à la Chambre des communes. Il doit aussi surveiller trois écrans d’ordinateur différents. Le premier lui dit le temps qui reste à l’orateur, le deuxième le prévient du prochain député à parler et le troisième lui montre le nom de ceux qui lui signalent vouloir prendre la parole.

Il doit rappeler aux élus qu’ils doivent désactiver ou réactiver le son, de parler plus fort, d’ajuster leurs caméras et leurs casques pour que les interprètes puissent les entendre correctement. Il a dû réprimander des députés pour avoir utilisé des toiles de fond partisanes, affiché des accessoires ou s’être mal vêtus.

M. Rota a même dû demander à des élus d’arrêter leur voiture avant de voter.

« Une des choses dont on doit se souvenir, c’est que nous sommes vraiment partis de zéro. Nous étions en territoire inconnu, nous ne savions pas vraiment comment les choses allaient se passer, témoigne-t-il. Nous nous ajustons constamment. »

Les techniciens de la Chambre mènent actuellement des tests avec une nouvelle application visant à rendre le vote électronique plus facile et plus rapide.

Heureusement, Rota a toujours été un passionné des outils technologiques. À l’école secondaire, il fabriquait des appareils électroniques et s’amusait avec les ordinateurs avant qu’ils ne soient « en vogue ».

« J’apprécie simplement le défi. Mon intérêt pour la technologie est quelque chose qui a rendu ce [Parlement] intéressant », dit-il.

M. Rota salue le travail de l’équipe d’informatique de la Chambre des communes qui a travaillé jour et juin pour assurer une transition remarquablement douce vers les séances hybrides.

Selon plusieurs collègues députés, la fascination de M. Rota pour les nouvelles technologies a fait de lui un président idéal en ces temps inédits.

Ils louent aussi son approche calme, sa bonne humeur, sa patiente et son attitude non partisane. M. Rota représente la circonscription de Nipissing-Timiskaming dans le nord de l’Ontario depuis 2004, à l’exception d’une interruption de quatre ans après avoir été vaincu aux élections de 2011.

Si le leader parlementaire conservateur à la Chambre, Gérard Deltell, a refusé de commenter la façon dont M. Rota a joué son rôle de président, ses collègues l’ont comblé de louanges.

« La création d’un Parlement virtuel est une tâche complexe, souligne le leader parlementaire du Bloc québécois à la Chambre, Alain Therrien. Les défis étaient nombreux et nous avons pu trouver en M. Rota un collaborateur soucieux de mettre en œuvre des solutions efficaces aux problèmes que nous avons rencontrés. »

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Le leader parlementaire du Bloc québécois, Alain Therrien

Le néo-démocrate Peter Julian dit qu’il faut normalement un ou deux ans pour un nouveau président pour s’acclimater de ses nouvelles fonctions. La tâche a été infiniment plus compliquée pour M. Rota, car il devait traiter simultanément avec un parlement minoritaire au milieu de la « pandémie du siècle ».

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Le leader parlementaire du NPD, Peter Julian

« Anthony a dû apprendre sur le tas. On pourrait penser que la colline serait impossible à gravir, mais il l’a fait admirablement », juge-t-il.

L’ancienne cheffe du Parti vert, Elizabeth May, dit que M. Rota a eu « une influence apaisante lorsque les choses sont hors de contrôle ». Il peut être ferme lorsque cela est nécessaire, mais il est doux lorsqu’il réprimande les députés pour leur mauvais comportement et perd rarement son sang-froid, remarque-t-elle.

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La leader parlementaire du Parti vert, Elizabeth May

Selon le leader du gouvernement à la Chambre, Pablo Rodriguez, M. Rota n’avait jamais adopté une posture particulièrement partisane depuis qu’il siège à la Chambre des communes.

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Le leader parlementaire libéral, Pablo Rodriguez

« C’est un gentleman. Il est sympathique. Il est difficile de ne pas l’aimer. Encore une fois, il n’est pas partisan. C’est pourquoi il a le respect de tout le monde des deux côtés de la Chambre », observe M. Rodriguez.