(Ottawa) Faut-il resserrer la sécurité autour des chefs de parti et ministres fédéraux dont plusieurs déambulent librement dans les rues d’Ottawa ? Quelques jours après avoir été pourchassé par un adepte des théories du complot à sa sortie du parlement, le chef néo-démocrate Jagmeet Singh hésite. Quant au dirigeant bloquiste Yves-François Blanchet, il est d’avis qu’« évidemment, la réponse, c’est oui ».

Le dirigeant du NPD peine à trancher sur la question. Car la proximité entre les citoyens et les élus fait partie de la culture d’ouverture propre à la politique canadienne, contrairement à « beaucoup de pays à travers le monde » où « il y a une grande barrière entre la population et les élus », a-t-il avancé lundi.

« En même temps, il faut s’assurer que tous les élus puissent faire leur travail sans avoir peur. Il faut régler ça, mais quel est le chemin à suivre ? Je pense qu’il faut y réfléchir […] parce que je pense qu’il y a une augmentation des menaces contre les élus », a enchaîné Jagmeet Singh en conférence de presse.

Vendredi dernier, le dirigeant néo-démocrate a été suivi par un adepte de la théorie du complot à sa sortie du parlement, sur la rue Wellington. Il a gardé son calme et ignoré l'homme du mieux possible jusqu’à ce qu’il arrive au Château Laurier, à un jet de pierre des édifices parlementaires.

Si lui-même ne s’est pas « senti menacé », grâce aux années de pratique d’arts martiaux qu’il a derrière la cravate, il a une pensée pour « les femmes, les personnes [plus] âgées » ou d’autres pour qui une telle mésaventure aurait pu être source d’angoisse.

L’individu qui le suivait avait fait le même coup jeudi au journaliste Daniel Thibeault, de Radio-Canada, qu’il voulait mettre en état d’« arrestation citoyenne », en croyant toutefois qu’il s’agissait de l’élu bloquiste Mario Beaulieu.

Dans une entrevue à La Presse après les faits, l'homme, Brian Kidder, a prévenu qu'il avait tous les élus dans sa mire, peu importe leur affiliation politique. « Ça m'est égal qu'il soit libéral ou bloquiste », a dit celui qui a tenté de procéder à une « arrestation citoyenne » de Justin Trudeau dans le passé, dont en juillet dernier.

« Oui », il faut plus de sécurité, croit Blanchet

Le chef du Bloc québécois, Yves-François Blanchet, a pour sa part eu cette réponse catégorique lorsqu’on lui a demandé si les politiciens plus en vue comme les chefs de parti ou les ministres devraient pouvoir compter sur des agents de sécurité : « Évidemment, évidemment, la réponse, c’est oui ».

Il s’est souvenu de l’époque où il était ministre péquiste à l’Assemblée nationale, alors qu’il avait un garde du corps attitré, comme c’est le cas pour les ministres québécois. « J’aime beaucoup ma liberté, et j’avais tendance à me pousser un peu de mon ancien garde du corps », a-t-il relaté en conférence de presse, lundi.

PHOTO PATRICK DOYLE, LA PRESSE CANADIENNE

En conférence de presse, lundi matin, le chef bloquiste Yves-François Blanchet a plaidé qu’une réflexion s’imposait en ce qui a trait aux mesures de sécurité qui devraient être en vigueur afin de protéger les élus

« Je pense que c’est une réflexion qui doit être entreprise, même si parfois c’est un peu intrusif dans la vie des gens concernés, a-t-il argué. On ne peut pas faire comme si les risques et les menaces n’existaient pas. On les reçoit quotidiennement […] et on ne sait jamais lequel des hurluberlus va passer à l’acte. »

Les ministres à Ottawa ont un chauffeur, mais ne disposent pas de gardes du corps, sauf le premier ministre, qui en a plusieurs. La propension (pré-COVID) de Justin Trudeau à se livrer à des bains de foule a forcé les agents de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) à redoubler de vigilance.

Il y a des exceptions : la ministre Catherine McKenna, par exemple, a dû se résoudre à réclamer un dispositif de sécurité additionnel après qu’un homme lui eut balancé « F**k you, Barbie du climat » il y a quelques mois, alors qu’elle se rendait au cinéma avec ses enfants à Ottawa.

Au bureau du chef de l’opposition officielle, Erin O’Toole, n'a pas voulu se prononcer sur l’enjeu de la sécurité des parlementaires fédéraux. « C’est la GRC qui peut donner des détails sur la manière dont ils évaluent les risques et offrent de la protection », a soutenu un porte-parole, Axel Rioux, lundi.

Le dirigeant conservateur « bénéficie normalement de protection lorsque la GRC le juge nécessaire », a noté M. Rioux.