(Ottawa) La campagne électorale est peut-être terminée, mais pas pour Andrew Scheer.

Lors de sa réplique au discours du Trône, vendredi, le chef conservateur a averti qu’il utiliserait « tous les outils » à la disposition de son parti pour s’opposer aux éléments du gouvernement Trudeau « qui risquent de faire du tort aux Canadiens et aux Canadiennes ».

« Nous serons constamment aux aguets avec de meilleures politiques et un meilleur plan pour remplacer ce gouvernement quand il tombera », a-t-il dit.

Depuis plusieurs jours, le chef conservateur — dont le leadership est contesté — se bombe le torse et laisse entendre que le règne minoritaire des libéraux pourrait être très court pour le bien de l’unité nationale.

Selon M. Scheer, le premier ministre ne doit pas sous-estimer la « profonde aliénation » de l’Alberta et de la Saskatchewan, qui n’ont pas fait élire de députés libéraux le 21 octobre dernier.

S’exprimant en français, M. Scheer a également attaqué le Bloc québécois, qui n’aurait pas suffisamment porté les demandes du gouvernement Legault à son avis, avant d’annoncer qu’il appuierait le discours du Trône.

Le chef conservateur a rappelé la promesse de son parti de rendre la lutte contre les changements climatiques globale et a présenté un amendement au discours du Trône afin d’annuler la taxe sur le carbone au pays.

Puis, il a servi un ultimatum au gouvernement Trudeau et aux partis d’opposition : sont-ils du côté des activistes qui s’opposent à l’énergie canadienne ou du côté des travailleurs dans l’industrie du gaz et du pétrole ?

Le néo-démocrate Charlie Angus a eu une réponse cinglante au discours de M. Scheer, l’accusant de verser dans les « théories de la conspiration » alors que « la terre est en train de fondre sous ses pieds ». Il a aussi accusé M. Scheer d’accentuer les divisions régionales avec sa rhétorique.

Le chef du Bloc québécois, Yves-François Blanchet, est d’avis que M. Scheer tente de détourner l’attention des enjeux internes chez les conservateurs en laissant planer une autre élection imminente.

Trudeau réplique à Scheer

Le premier ministre Justin Trudeau a décidé de laisser tomber son discours écrit à l’avance pour répondre aux doléances du chef conservateur, point par point, et sans notes.

Il a rappelé que son gouvernement était d’accord avec la majorité des points soulevés par M. Scheer, à quelques exceptions près.

Sur les changements climatiques, le premier ministre a répété que son gouvernement compte être « ambitieux » parce que « c’est exactement ce que 60 % des Canadiens nous ont demandé ».

Il n’a pas l’intention de reculer sur la tarification du carbone, mais estime du même coup que les Canadiens les moins nantis, soumis au programme fédéral, recevront plus d’argent dans leurs poches au final.

« Une des choses les plus importantes, ça va être qu’on réduise un petit peu l’intensité du débat politique qui entoure ces questions-là », souligne M. Trudeau.

Le premier ministre a aussi mis de l’avant ses baisses d’impôt, qui s’inspirent d’une proposition conservatrice, ajoutant qu’il cherchera des « terrains d’entente » avec tous les partis d’opposition.

Cet appel à la collaboration a visiblement été entendu par au moins l’un des députés de M. Scheer.

Dans une déclaration, l’Ontarien Scott Aitchison dit qu’il est « temps que tout le monde travaille ensemble » après une campagne électorale qui a semé la division.

« Dans ce Parlement minoritaire, j’espère qu’on va baisser le ton sur la rhétorique, augmenter le positivisme et s’atteler à l’édification de la nation », a-t-il déclaré.

« Hypocrites ! »

Il n’a fallu qu’une heure ou deux avant que le ton monte à la Chambre des communes.

La députée conservatrice albertaine Michelle Rempel Garner a accusé les libéraux d’être des « hypocrites » qui « boivent des smoothies au chou frisé » et souhaitent la fin de l’industrie pétrolière, alors qu’ils se battent pour l’industrie automobile en Ontario ou l’aérospatiale au Québec — qui consomment du pétrole.

« Hypocrites ! Quiconque dit que les citoyens de ma circonscription ont des emplois sales et n’ont pas le droit de travailler est hypocrite. Parce que personne n’est prêt à (s’occuper des) changements climatiques de façon individuelle dans ce pays. On met l’entière responsabilité sur les gens dans ma circonscription », s’est-elle insurgée.

Mme Rempel Garner prévient que le sentiment séparatiste en Alberta n’est pas si marginal et pourrait prendre de l’ampleur si rien n’est fait. « Les gens ne sentent pas qu’ils ont leur place dans ce pays », se désole-t-elle.