Le chef Andrew Scheer n’a pas l’intention de céder les commandes du Parti conservateur même si des voix s’élèvent pour réclamer sa démission dans la foulée de la défaite du 21 octobre dernier.

Le leadership d’Andrew Scheer est contesté en raison des résultats peu convaincants de lundi dernier, avec l’élection de 121 députés au pays. Dans la Belle Province, où la machine conservatrice s’activait depuis plus d’une année et demie, le Parti conservateur a perdu deux sièges, passant de 12 à 10.

L’avenir du leader risque fort d’occuper les discussions lors du premier caucus national des élus de la formation, mercredi prochain à Ottawa. Déjà, le sujet pourrait bien être abordé aujourd’hui par les députés du Québec, qui se réunissent pour la première fois depuis le jour J, à Saint-Nicolas, dans la grande région de Québec.

« Je peux dire qu’à l’interne, chez les députés de Québec, il n’y a personne qui monte une cabale contre M. Scheer », a lancé sans détour le député de Charlesbourg–Haute-Saint-Charles, Pierre Paul-Hus.

On se calme. On n’est vraiment pas en mode de parler de ça. On va commencer par faire une rétrospection et voir ce qui en est.

Pierre Paul-Hus

Le député de Lévis–Lotbinière, Jacques Gourde, abonde dans le même sens. « Ceux qui ont perdu sont bien déçus et ils parlent souvent bien fort. Le temps va calmer les choses », a-t-il précisé, soulignant que le Parti conservateur du Canada (PCC) « n’est pas mal pris » avec 121 députés, dont 54 nouveaux élus. « Ça va être assez positif », assure-t-il.

Le député Joël Godin est pour sa part d’avis que sa formation doit « faire un exercice responsable » en analysant les fins détails de la campagne passée, sans exclure « l’avenir du chef » dans « l’intérêt du parti », a-t-il indiqué à La Presse. « C’est facile d’accuser l’un et l’autre, mais la réponse n’est pas simple. Il faut voir quelle est la meilleure solution », dit-il.

Le député de Portneuf–Jacques-Cartier estime cependant que M. Scheer devrait céder sa place d’ici décembre si les membres du caucus national le désavouent. « S’il reste, bien on continue. Sinon, bien il faut que ça se décide là », a-t-il ajouté, rappelant le contexte incertain d’un gouvernement minoritaire.

Congrès à Toronto

Aucun mécanisme ne permet cependant au caucus de chasser son leader. C’est plutôt en congrès que le sort d’Andrew Scheer sera scellé.

En vertu de la constitution du PCC, un chef qui échoue à former un gouvernement et qui choisit de rester en selle doit se soumettre à un vote de confiance au premier congrès suivant les élections.

Une course à la direction sera déclenchée si plus de 50 % des délégués qui se réuniront en congrès à Toronto du 16 au 18 avril prochain en décident ainsi, par l’entremise d’un vote secret.

M. Scheer espère obtenir un mandat clair pour mener le parti dans la prochaine élection.

Virginie Bonneau, porte-parole d’Andrew Scheer

Cette dernière n’a cependant pas précisé ce que l’on entend exactement par « mandat clair ».

Un membre de la garde rapprochée d’Andrew Scheer assuré hier qu’une démission n’était aucunement dans les cartons. Et ce collaborateur cherche à minimiser l’ampleur de la grogne : « On n’est pas dans un scénario de Hollywood. Il n’y a pas de putsch ! », a-t-il déclaré à La Presse.

« Il y en a qui se sont levés avec des rêves, et ils en parlent, mais il faut respecter la constitution du parti. C’est blindé », a ajouté M. Gourde. « Si M. Scheer ne veut pas partir, il va aller au vote de confiance […] Ceux qui crient fort, fort, habituellement, ils ne veulent pas payer pour être délégués [au congrès] en avril », a-t-il décoché.

Au PCC, on est toujours « derrière le chef, évidemment », a insisté hier le directeur des communications du parti, Cory Hann. « Nous tirerons des leçons de cette campagne et nous en ressortirons plus forts que jamais », a-t-il écrit dans un courriel.

Démission réclamée

Selon un conservateur, Andrew Scheer doit tirer sa révérence. « Il est brûlé. Les gens ne croiront pas en sa sincérité sur la droite morale. En deux ans, les Québécois et les gens progressistes n’oublieront pas [ses positions] », a-t-il dit à La Presse.

Cette source, qui a requis l’anonymat afin de s’exprimer plus librement, reproche aux stratèges de la campagne de s’être « éloignés des provinces du Centre et de l’Est » afin de miser plutôt sur celles de l’Ouest, alors « qu’on n’en avait pas besoin ».

« Que l’on gagne à 65 % ou que l’on gagne à 75 % [dans l’Ouest], ça ne change rien », a tranché cet acteur influent au sein du parti, qui verrait un Peter MacKay, un Bernard Lord ou une Caroline Mulroney prendre la place du Saskatchewanais.

Parmi les autres noms qui circulent figure aussi celui du premier ministre de l’Alberta Jason Kenney, ancien ministre fédéral qui a prêté main-forte en Ontario et dans sa province pour tenter de battre les troupes de Justin Trudeau.

Il n’est pas tenté par l’aventure, a insisté hier son attachée de presse. « Il est concentré sur son travail et sur le mandat historique qu’on lui a confié », a tranché Christine Myatt dans un courriel transmis à La Presse, hier.

Un inconnu du grand public, Aron Seal, ancien collaborateur du défunt ministre des Finances Jim Flaherty, est pour sa part prêt à sauter dans l’arène.

Andrew Scheer doit partir le plus tôt possible. Il est d’une incompétence totale.

Aron Seal

Car comparativement à « Stephen Harper qui avait l’intellect, Brian Mulroney qui avait le charisme et Jason Kenney qui est infatigable », lui « n’apporte rien à la table », et « si on lui donne une autre chance, il va perdre une deuxième fois », a-t-il martelé en entrevue.

Une initiative visant à déloger le leader au congrès de Toronto s’est par ailleurs mise en branle. L’objectif de « Scheer doit partir » est de faire élire des délégués qui voteront pour le chasser et d’amasser des fonds pour financer leur déplacement dans la métropole.

Son instigateur, Anthony Koch, espère faire débarquer en masse dans la Ville Reine des membres du Québec.

On veut s’assurer qu’il y aura le plus grand nombre de Québécois possible pour dire à M. Scheer qu’on n’était pas contents de sa campagne.

Anthony Koch

Il a été impossible d’obtenir une entrevue avec le chef, qui a seulement accordé des entrevues à des médias anglophones depuis lundi.

Le lieutenant politique du Québec, Alain Rayes, n’était pas disponible pour une entrevue hier. L’équipe des officiers parlementaires du parti s’était donné rendez-vous à Ottawa hier pour revenir sur les élections.