(Québec) L’absence du premier ministre François Legault aux funérailles de l’ex-président français Jacques Chirac, lundi, à Paris, n’est pas passée inaperçue, compte tenu des relations étroites et privilégiées entretenues depuis des décennies entre la France et le Québec.

Dans les rangs de l’opposition, le choix du premier ministre a étonné, voire choqué, alors que les chefs de gouvernements de quelque 80 pays ont convergé vers Paris pour rendre un dernier hommage à M. Chirac, réputé être un grand ami du Québec.

Sur le plan diplomatique, ce n’était peut-être pas la meilleure idée de s’abstenir d’assister à cette cérémonie officielle, selon le chef de l’opposition officielle, Pierre Arcand.

«Si on veut maintenir des bonnes relations avec la France, il faut toujours être présent, être vraiment près du gouvernement français. Encore une fois, M. Legault a choisi de ne pas le faire. Ce n’est pas un péché mortel, mais ce n’est pas la meilleure façon d’agir» avec la France, a-t-il fait remarquer, en mêlée de presse, mardi.

Personne du gouvernement du Québec n’était présent aux funérailles, ni le premier ministre, ni la ministre des Relations internationales, Nadine Girault.

La chef du deuxième groupe d’opposition, la députée solidaire Manon Massé, a dit qu’elle aurait cru de son côté qu’un premier ministre «nationaliste» comme M. Legault aurait été tenté d’être là, compte tenu que M. Chirac était «très confortable avec l’indépendance du Québec».

«Moi, comme indépendantiste, j’aurais pu souhaiter que mon premier ministre soit là», a-t-elle commenté, sans vouloir s’aventurer à imaginer l’impact possible de cette décision sur les relations France-Québec.

«Je laisse ça aux analystes», a ajouté Mme Massé, estimant que M. Legault «sera jugé sur ses choix».

Le chef de la troisième opposition, le péquiste Pascal Bérubé, était surtout choqué par le prétexte invoqué par M. Legault pour ne pas se rendre à Paris.

M. Legault invoquait «des engagements importants» pour rester au Québec, a relaté M. Bérubé en mêlée de presse, alors qu’en fait il voulait accorder des entrevues, pour annoncer qu’il souhaitait obtenir «un deuxième mandat» de la population, après seulement un an du premier mandat.

En agissant ainsi, le premier ministre a fait preuve «d’outrecuidance», selon M. Bérubé.

Dimanche, le premier ministre avait rendu public un communiqué dans lequel il affirmait qu’il lui était «impossible» de se rendre aux funérailles officielles, en raison «d’importants engagements au Québec».

À son agenda, lundi, il y avait trois entrevues, accordées à l’occasion du premier anniversaire de son élection.

Pour représenter le Québec, M. Legault a demandé aux ex-premiers ministres Lucien Bouchard et Jean Charest de se rendre à Paris.

Dans son communiqué, M. Legault a tenu à souligner que Jacques Chirac avait été pour lui une source d’inspiration, tout en rappelant que c’était «en bonne partie» au disparu qu’on devait «les liens d’amitié et de collaboration solides qui unissent le Québec et la France».

Le drapeau du Québec qui flotte sur la tour du parlement a été mis en berne lundi.

Mardi, au Salon bleu, les parlementaires des différents groupes politiques ont rendu hommage au disparu et observé une minute de silence à sa mémoire.

Dans toutes ses fonctions, Jacques Chirac «a toujours marché aux côtés du Québec. Il ne manquait jamais une occasion de venir nous visiter ou nous recevoir. Il a été aussi une grande figure de la Francophonie», a soutenu M. Legault, qui a qualifié l’ancien président de la République française d’«allié indéfectible du Québec».

Il a rappelé la position de «non ingérence, non indifférence» prise par M. Chirac lors du référendum d’octobre 1995 sur la souveraineté, une position qui avait rassuré les indépendantistes québécois à la recherche d’appuis internationaux en cas de victoire du Oui.

«Ce que le président Chirac nous a dit à ce moment-là, c’est qu’il reconnaissait le droit des Québécois de choisir eux-mêmes leur destin. Il nous a dit que le Québec est une nation distincte capable de s’assumer. Peu importe le résultat du référendum, on savait que la France serait derrière nous, et c’est ce qui s’est passé.»