(Ottawa) Les principaux partis politiques fédéraux ont adopté des règles en matière de protection de la vie privée, comme l’exige une nouvelle loi, mais aucun n’a encore pris les mesures rigoureuses que le commissaire à la protection de la vie privée et le directeur général des élections estiment nécessaires pour protéger les renseignements personnels des électeurs.

Ainsi, aucune formation ne demande à ses membres de donner leur consentement éclairé à la collecte, à l’utilisation et à la divulgation de leurs renseignements personnels. Les parties ramassent ces données pour les aider à identifier et à cibler leurs partisans potentiels et les sujets qui les préoccupent.

Aucune formation ne permet aux individus de voir quels renseignements ont été collectés à leur sujet.

De même, aucun parti ne promet que les renseignements personnels recueillis, à la suite, par exemple, d’une pétition sur un problème spécifique, ne seront pas utilisés à d’autres fins, comme pendant une campagne de financement.

Les formations ont tout simplement respecté le strict minimum requis par la loi C-76 qui est entrée en vigueur le 1er avril.

La présidente du Conseil canadien de l’accès et vie privée, un groupe non partisan, Sharon Polsky, soutient que les politiciens manquent de sincérité lorsque vient le temps de protéger les électeurs.

« Le terme “paroles en l’air” me vient à l’esprit », dit-elle.

Selon la loi, les partis politiques ont « l’obligation d’adopter une politique sur la protection des renseignements personnels et de la publier sur leur site Internet ». Ils doivent notamment indiquer les types de renseignements personnels qu’ils recueillent et la façon dont ils les recueillent, les mesures qu’ils prennent pour protéger les renseignements personnels dont ils ont le contrôle. Ils doivent aussi indiquer la formation qui doit être donnée à tout employé qui pourrait avoir accès à des renseignements personnels. Les partis doivent aussi inscrire le nom et les coordonnées de la personne à qui toute question relative à la politique sur la protection des renseignements personnels du parti peut être posée.

Les partis doivent y inclure une déclaration sur les pratiques du parti relatives à la collecte et à l’utilisation de renseignements personnels créés sur la base d’activités en ligne, et à l’utilisation de témoins (cookies) par le parti.

Le commissaire à la protection de la vie privée, Daniel Therrien, a critiqué les nouvelles dispositions, notamment le fait que son bureau ou tout autre organisme indépendant ne soit pas obligé de superviser les enquêtes et de statuer sur les plaintes relatives aux atteintes à la vie privée.

« Il ne fait qu’indiquer que les partis doivent mettre en place des politiques sur un certain nombre de questions, laissant le soin aux partis de définir les normes qu’ils souhaitent appliquer. Sur le plan de la protection des renseignements personnels, le projet de loi C-76 n’ajoute rien de majeur », avait-il déploré lors d’une comparution devant un comité parlementaire, l’an dernier.

Le jour même de l’entrée en vigueur de la loi C-76, M. Therrien et le directeur général des élections Stéphane Perrault avaient conseillé aux partis de se conformer à la nouvelle loi. Dans un document d’orientation, ils avaient écrit que « bien que ces politiques doivent comprendre certains éléments prescrits, leur contenu n’a pas à se conformer aux normes internationales en matière de protection de la vie privée ».

Les deux hommes ont exhorté les partis à aller plus loin et « à respecter des principes que l’on trouve habituellement dans des lois sur la protection de la vie privée ».

Dans le désert

Il semble qu’ils ont prêché dans le désert.

Aucun des principaux partis, qui avaient jusqu’au 1er juillet pour soumettre leurs politiques à Élections Canada, n’a adopté ces mesures.

Les libéraux et les conservateurs se contentent de spécifier qu’ils recueillent des informations personnelles à partir de diverses sources, y compris de quiconque signant une pétition en ligne. Les libéraux et les verts disent également que les informations personnelles peuvent être fournies par des amis ou des bénévoles qui pensent que quelqu’un pourrait être intéressé de s’impliquer.

Le NPD est le seul à s’attaquer à ce qu’il ferait en cas de violation de la vie privée. Il dit s’engager « à documenter les circonstances ayant mené à cette violation ainsi que les données personnelles identificatoires ayant pu être compromises, et à informer immédiatement et de façon proactive les personnes touchées ». Le parti a désigné un « responsable de la confidentialité » dont le rôle est de s’assurer que vos renseignements personnels et la présente politique sont respectés.

Les libéraux, les néo-démocrates, les verts et le Bloc québécois déclarent tous qu’ils ne vendent aucune information personnelle en aucune circonstance. Le Parti populaire du Canada, quant à lui, déclare ne pas partager, vendre ou louer des informations personnelles à « quiconque à l’extérieur au Parti, sans votre permission ou sauf ordonnance contraire d’un tribunal ».

Les conservateurs ont aussi ajouté un paragraphe disant : « Nous ne vendons pas les renseignements personnels que vous choisissez de nous fournir ».

Mme Polsky souligne que les individus « ne “choisissent pas » de fournir une grande partie des renseignements personnels récoltés par les partis. Par exemple : un bénévole qui frappe à la porte d’un électeur peut déterminer lui-même une vaste gamme de renseignements sur la race, le sexe, l’âge, la langue, la religion, le tempérament, les opinions ou tout autre élément observable.

« Tout parti politique qui soutient véritablement le concept de la confidentialité, du droit à la vie privée, de l’accès à l’information aurait depuis longtemps, quand il était au pouvoir, modifié les lois pour assurer une véritable protection de la vie privée et un véritable accès à l’information », a-t-elle dit. Et s’il ne formait pas le gouvernement, il pourrait bien sûr se conformer volontairement aux lois sur la protection de la vie privée qui s’appliquent au secteur privé. »