Pas question d'augmenter la taxe carbone. Elle sera plafonnée à 50 $ la tonne, et ce, même si le directeur parlementaire du budget (DPB) évalue que si le prix ne passe pas à 102 $ d'ici 2030, le Canada échouera à atteindre sa cible de réduction des gaz à effet de serre (GES).

« Le plan est de ne pas augmenter le prix au-delà de 2022 [année à laquelle le prix s'établira à 50 $ la tonne en vertu du plan fédéral] », a tranché hier en conférence de presse la ministre de l'Environnement et du Changement climatique, Catherine McKenna.

En fait, elle remet en question les conclusions du rapport publié par le DPB, Yves Giroux, car celui-ci ne tient pas compte de mesures annoncées récemment par le gouvernement « comme éliminer la pollution plastique, planter plus d'arbres, les investissements en transports en commun », a-t-elle argué.

La ministre McKenna a par ailleurs martelé que le plan libéral permettrait bel et bien de réduire de 30 % les émissions de GES d'ici 2030 par rapport aux niveaux de 2005, ce que le gouvernement Trudeau s'est engagé à faire en signant l'accord de Paris sur le climat en décembre 2015.

Les chances qu'Ottawa parvienne à atteindre ces cibles ont été remises en question par ses propres fonctionnaires. Voilà que le DPB ajoute son nom à la liste des sceptiques, estimant « qu'une tarification supplémentaire du carbone de 52 $ par tonne en 2030 serait nécessaire pour atteindre la cible du Canada en vertu de l'accord de Paris ».

L'agent indépendant du Parlement a calculé dans son rapport que si le prix n'est pas majoré à 102 $ la tonne en 2030, les émissions de GES seront supérieures de 79 mégatonnes à la cible de 513 mégatonnes.

Ce prix se traduirait par un coût de 0,23 $ le litre d'essence, note-t-il.

Des munitions pour les conservateurs

Ce chiffre sur le prix à la pompe viendra ajouter de l'eau au moulin des conservateurs, tant fédéraux que provinciaux, qui se battent bec et ongles contre la taxe sur le carbone. Le premier ministre de l'Ontario Doug Ford, par exemple, a mis de côté 30 millions pour lutter contre la taxe carbone, notamment grâce à une campagne publicitaire.

À Ottawa, le chef conservateur Andrew Scheer, qui présentera mercredi prochain son plan environnemental impatiemment attendu, a promis de faire passer cette taxe à la trappe s'il est porté au pouvoir. En Chambre, hier, ses troupes ont consacré une bonne partie de la période des questions à accuser les libéraux d'induire la population en erreur en prétendant que les cibles de Paris seraient atteintes.

Chez les néo-démocrates, le chef Jagmeet Singh a professé sa foi en la pertinence de la tarification sur le carbone, sans toutefois préciser si, conformément au rapport du DPB, son parti prône une augmentation du prix. Au Bloc québécois, la députée Monique Pauzé a plaidé que le prix actuel n'était « absolument pas assez élevé ».

À l'heure actuelle, la taxe fédérale sur le carbone de 20 $ la tonne, qui est entrée en vigueur le 1er avril, s'applique à quatre provinces, soit l'Ontario, la Saskatchewan, le Manitoba et le Nouveau-Brunswick.

La ministre McKenna a indiqué hier que l'Alberta serait aussi soumise à ce régime de tarification à compter du 1er janvier 2020, le nouveau gouvernement conservateur de Jason Kenney ayant aboli récemment la taxe sur le carbone qui avait été mise en oeuvre par l'ancien gouvernement néo-démocrate de Rachel Notley.

Le DPB estime qu'une telle hausse de la taxe sur le carbone aurait pour effet de réduire la croissance du produit intérieur brut du pays de 0,35 % d'ici 2030.

Dans son analyse, M. Giroux ne tient compte que de la taxe sur le carbone pour évaluer si le Canada sera en mesure d'atteindre ou pas les cibles découlant de l'accord de Paris. D'autres mesures telles que l'adoption de nouvelles réglementations ou le versement de subventions pour réduire l'empreinte environnementale de certains secteurs de l'économie pourraient aussi permettre de réduire les émissions de GES.