Québec solidaire « est en train de redessiner un indépendantisme qui assume profondément son antiracisme », a soutenu la députée Catherine Dorion à l'ouverture du conseil national du parti, vendredi soir.

C'est à cette occasion que les délégués décideront si le parti change de position sur le port de signes religieux pour s'opposer à toute interdiction, une avenue qui paraît fort probable.

« Lâchez-nous avec l'islam et les chartes des valeurs ! », a lancé l'élue de Taschereau, dans une allusion au défunt projet du Parti québécois et au lendemain du dépôt du projet de loi du gouvernement Legault sur la laïcité de l'État.

Selon elle, « ce qui menace notre culture, ce n'est pas l'islam ». « Ce n'est pas les musulmans qui sont partout dans les couloirs à mettre du gros cash pour influencer nos gouvernements, c'est le capitalisme qui couche dans le lit de nos gouvernements ! » Ses propos ont été suivis d'applaudissements nourris.

Une nette majorité des associations de circonscription qui ont tenu une assemblée générale récemment se sont prononcées contre la position traditionnelle du parti sur le port de signes religieux, c'est-à-dire la recommandation du rapport Bouchard-Taylor. Elles réclament que QS s'oppose à toute interdiction, selon ce qu'ont indiqué des partisans de cette position vendredi soir. Ils tenaient un kiosque sur place pour faire valoir leur point de vue, « l'option B ».

Il n'y avait aucun kiosque pour « l'option A », en faveur de la recommandation du rapport Bouchard-Taylor. « On est moins volubiles, mais notre position est pragmatique », a affirmé l'un de ses partisans, de la circonscription de Repentigny.

Les délégués choisiront officiellement l'une ou l'autre des options aujourd'hui. Dans son discours, le chef sur papier de QS et responsable du secrétariat général, Gaétan Châteauneuf, a appelé les militants à tenir un débat « dans le respect » sur cet enjeu « émotif ». Il y a déjà eu des « dérapages » dans le passé lorsque le sujet est venu sur le tapis, a ajouté une représentante, lançant elle aussi un appel au calme. L'organisation était clairement soucieuse que les troupes restent unies à l'issue du débat, peu importe le résultat.

QS appuie depuis des années la recommandation du rapport Bouchard-Taylor, celle de proscrire les signes religieux pour les agents de l'État ayant un pouvoir de coercition (policiers, agents correctionnels, procureurs de la Couronne et juges). Françoise David avait déposé un projet de loi en ce sens, en 2013. Quatre ans plus tard, Amir Khadir et Manon Massé réitéraient formellement cette position en Chambre. Des pressions à l'interne avaient été exercées pour que cette position soit revue avant les élections de l'automne dernier, mais le comité de coordination national - le bureau de direction du parti - avait rejeté l'idée, comme le recommandait Amir Khadir.

Mais après le scrutin, des associations de circonscription ont demandé de rouvrir le débat. Le feu vert a été donné cette fois.

Les associations se prononcent

Dans les dernières semaines, la plupart des associations de circonscription de QS se sont réunies en assemblées générales pour prendre position et mandater les délégués en vue du conseil national.

Porte-parole de QS en matière de laïcité, le député Andrés Fontecilla a ainsi vu les militants de sa circonscription (Laurier-Dorion, à Montréal) rejeter sa position en faveur de la recommandation Bouchard-Taylor.

Ils ont voté pour que le parti change son fusil d'épaule et s'oppose à toute interdiction quant au port de signes religieux, comme le Parti libéral. Les militants de Mercier se sont prononcés dans le même sens. Or leur députée Ruba Ghazal préconise « l'option A ».

Cette tendance s'observe aussi en dehors de la métropole : par exemple, les associations de Bonaventure, en Gaspésie, de Rouyn-Noranda-Témiscamingue et de Sherbrooke ont rejeté la recommandation Bouchard-Taylor et voté contre toute interdiction. Dans Repentigny, le vote a été si serré en faveur de « l'option A » que la moitié des délégués a reçu le mandat de se prononcer aujourd'hui pour cette option et l'autre, pour « l'option B ».

La commission politique et celle des femmes de QS se sont prononcées contre la position traditionnelle du parti.

Un militant proche de l'aile parlementaire de QS, ex-employé du parti, a résumé la situation ainsi : « Il y a autant de chances que le parti change de position qu'il y en a que le Lightning fasse les séries. » L'équipe de Tampa Bay trône au sommet du classement de la Ligue nationale de hockey...

« Le débat va avoir lieu [aujourd'hui], mais il y a une tendance pour "l'option B" », a déclaré de son côté Eve Torres, qui fut la première femme voilée candidate à une élection au Québec lors du scrutin du 1er octobre. Selon elle, le projet de loi 21 « ne respecte pas les droits de la personne » et « va faire mal à notre climat social ».

Le texte législatif du gouvernement Legault proscrit le port de signes religieux chez les enseignants et des représentants de l'État en position d'autorité comme les policiers, les avocats et les agents correctionnels.