(Ottawa) Les députés libéraux réélus, nouvellement élus et défaits se réuniront jeudi sur la colline du Parlement pour la première fois depuis que les Canadiens ont taillé les ailes au gouvernement de Justin Trudeau lors des élections du 21 octobre.

La rencontre de deux heures ne constitue pas une réunion officielle du caucus, mais simplement une occasion de féliciter les gagnants et de compatir avec les perdants.

Néanmoins, cela donnera sans doute à Justin Trudeau un avant-goût de ce qui devrait être un caucus libéral plus affirmé, moins enclin à suivre docilement les initiatives d’un premier ministre qui ne dégage plus une aura d’invincibilité électorale.

La réputation de M. Trudeau de champion de la diversité et de la tolérance a été mise à rude épreuve au cours de la campagne de 40 jours lorsqu’il a été révélé qu’il s’était barbouillé le visage en blackface à plusieurs reprises dans sa jeunesse.

Son emprise sur le pouvoir a ultimement été affaiblie ; les libéraux ont remporté 157 sièges — soit 13 de moins que le seuil nécessaire pour détenir la majorité à la Chambre des communes — et ont été entièrement rayés de la carte en Alberta et en Saskatchewan.

Contrairement au chef conservateur Andrew Scheer, M. Trudeau ne fait pas face à une contestation de son leadership, mais les députés libéraux réélus s’attendent à ce qu’il apporte certains changements.

Parmi ceux-ci : accorder une plus grande attention aux opinions du caucus, introduire des voix plus variées dans sa garde rapprochée, laisser tomber les attaques personnelles qui ont dominé la campagne, renouer avec des messages plus positifs et, en particulier, mettre davantage l’accent sur la communication des réussites du gouvernement libéral sur le front économique.

« Je pense vraiment qu’il y a une occasion pour le caucus d’être davantage entendu », a déclaré le vétéran député Wayne Easter de l’Île-du-Prince-Édouard, en entrevue. « Nous étions au gouvernement pendant quatre ans et la voix forte du caucus et les moyens de faire en sorte que le caucus soit peut-être davantage entendu doivent être trouvés. »

La députée de Vancouver, Hedy Fry, a pour sa part déclaré que « les députés sont ceux qui prennent le pouls du pays ».

« En tant que médecin, je peux dire que si vous ne prenez pas les signes vitaux, vous faites des erreurs. Le centre ne comprend pas cela. »

La députée de Brossard-Saint-Lambert Alexandra Mendes espère que le gouvernement minoritaire, qui nécessitera davantage de collaboration avec les partis d’opposition, permettra à tous les parlementaires, et pas seulement aux ministres, de participer aux projets de loi lors des débats à la Chambre des communes et des études en comité.

« Beaucoup d’entre nous ont été élus sur la base du mérite, et pas seulement à cause du parti, et les gens s’attendent à ce que nous prouvions que nous méritons leur confiance », a-t-elle déclaré en entrevue.

L’exigence de consulter davantage les députés d’arrière-ban est étroitement liée au sentiment général voulant que Justin Trudeau ne puisse plus compter uniquement sur les conseils de son cercle restreint qui est composé de sa chef de cabinet Katie Telford et de l’ancien secrétaire principal, Gerald Butts.

Mme Telford conserve son poste de chef de cabinet. Cependant, M. Butts, qui a démissionné dans la foulée de l’affaire SNC-Lavalin, n’a pas l’intention de revenir au Cabinet du premier ministre, bien qu’il ait joué un rôle clé pendant la campagne. Cela laisse la porte ouverte à la nomination d’un nouveau secrétaire principal et certains députés libéraux y voient l’occasion d’y nommer un conseiller principal originaire de l’Ouest et peut-être aussi du Québec, où le retour en force du Bloc québécois, un parti souverainiste, est source de préoccupation.

« Je pense qu’il doit y avoir des voix plus variées autour du premier ministre, pour ne pas avoir uniquement une équipe très centrée sur l’Ontario », a estimé Mme Mendes.

Plusieurs députés libéraux ont déploré le ton désagréable de la campagne, notamment les attaques des libéraux contre les valeurs conservatrices de M. Scheer plutôt que de mener une campagne plus positive faisant la promotion du bilan économique des libéraux : une croissance robuste, un taux de chômage historiquement bas et 900 000 personnes sorties de la pauvreté grâce à l’allocation canadienne pour enfants.