Le gouvernement Legault défend sa décision d’injecter près de 30 millions dans une compagnie française désirant développer des ballons dirigeables et qui compte parmi ses actionnaires une société chinoise visée par des soupçons d’espionnage industriel.

Interrogé jeudi à l’Assemblée nationale, le ministre de l’Économie et de l’Innovation, Pierre Fitzgibbon, dit être à l’aise avec l’investissement, reconnaissant au passage qu’il pouvait y avoir un «risque de réputation».

«Moi, je suis confortable à l’environnement d’investissement de risque, mais je ne peux pas être insensible à ce qu’on lit, c’est sûr», a-t-il expliqué, au cours d’une mêlée de presse.

Selon un décret gouvernemental, Investissement Québec (IQ) allongera environ 30 millions dans Flying Whales, qui souhaite mettre au point des dirigeables capables de transporter de lourdes charges, comme de la machinerie, à des endroits peu accessibles.

Une première tranche de 22 millions ira dans Flying Whales et une deuxième de 8 millions dans une nouvelle filiale québécoise, Les dirigeables Flying Whales Québec, qui effectuera de la recherche et du développement.

Toutefois, l’entreprise française compte parmi ses actionnaires Aviation Industry Corporation of China, une société chinoise, qui, d’après divers reportages aux États-Unis, inquiète par ses tentatives d’acquérir des participations minoritaires dans des compagnies aérospatiales au sud de la frontière, notamment.

PC

Pierre Fitzgibbon

S’il s’est montré préoccupé des allégations, M. Fitzgibbon a affirmé que les «Chinois n’auront pas d’implication ici au Québec», minimisant au passage les risques entourant, par exemple le vol de brevets.

«Les brevets ne sont pas la panacée en soit, a-t-il affirmé. L’avantage du procédé industriel est souvent plus important que les brevets comme tels. On accuse souvent les Chinois de copier nos affaires, mais c’est une réalité. Je pense qu’il faut apprendre à vivre avec cela.

«Toutefois, si des enjeux de sécurité nationale devaient émerger, “il y aurait des choses à faire», a dit M. Fitzgibbon, sans toutefois aller plus loin.

En dépit des tentatives du ministre visant à calmer le jeu, la porte-parole de l’opposition officielle en matière d’économie, Dominique Anglade, a estimé que dans le contexte actuel, la «moindre des choses» serait de dévoiler les vérifications effectuées avant de donner le feu vert au versement des sommes.

Selon la députée libérale, les Américains regardent de près ce que fait le Québec en matière d’investissements, notamment dans les secteurs du bois d’œuvre, de l’acier et de l’aérospatiale.

«Lorsque l’on voit qu’il y a un risque réputationnel, économique et politique, à ce moment-là, il faut se poser la question : est-ce que c’est le bon choix que l’on est en train de faire ? a-t-elle dit. Peut-être qu’on devrait se concentrer sur autre chose et ne pas investir des billes dans un investissement aussi risqué.»

C’est au Salon du Bourget, qui se tenait en France en juin dernier, qu’une entente de principe avait été conclue avec Flying Whales. À l’origine, l’annonce prévoyait la conclusion d’un partenariat au 30 septembre.

Selon le texte du décret ministériel visant à donner le feu vert à l’investissement, Flying Whales effectuerait des travaux de recherche et développement, mettrait sur pied une société exploitant ces ballons dirigeables en plus d’y implanter une usine visant à desservir le «territoire des Amériques».