(Drummondville) Le Parti libéral du Québec (PLQ) deviendrait-il une version édulcorée de la Coalition avenir Québec (CAQ) s’il décidait d’adopter le compromis proposé il y a 11 ans par la commission Bouchard-Taylor ? C’est la thèse des libéraux qui tiennent à ce que leur parti demeure le champion des libertés fondamentales, qui ne saurait tolérer une limite à la liberté de culte.

Cette position « est l’ADN » du Parti libéral, lance Antoine Dionne-Charest, fils de l’ex-premier ministre Jean Charest. Pierre Moreau a prévenu ses pairs : le PLQ risque de devenir « une pâle copie de la CAQ » s’il abandonne sa position traditionnelle.

Dimanche, l’ex-ministre Gaétan Barrette réinventait la science ; l’ADN, « c’est quelque chose d’évolutif ». Déclaration surprenante pour un médecin, mais un politologue lui donnerait raison. En 1988, Robert Bourassa avait opté pour le recours à la disposition de dérogation pour proscrire l’affichage commercial en anglais. Trois ministres ont démissionné sur cette question fondamentale : la liberté d’expression. Mais Claude Ryan, devenu le fiduciaire des valeurs libérales, était resté membre du gouvernement.

Le PLQ est-il pour autant devenu un clone du Parti québécois (PQ) ? Les manifestations pour la défense du français se multipliaient à Montréal, et la population était clairement favorable à l’unilinguisme français.

Cinq ans plus tard, quand la marmite s’est refroidie, Bourassa ne renouvela pas la disposition de dérogation. Ce fut l’heure de la « nette prédominance » qui mettait fin à la prohibition de l’anglais, une politique mise en œuvre par… Claude Ryan.

De la même manière, on pouvait dire que la souveraineté était « l’ADN » du Parti québécois, à plus forte raison quand Jacques Parizeau revint aux commandes. Et pourtant. Devenu chef, celui qui incarnait l’option souverainiste adapta aussi sa position à l’humeur des Québécois. Pendant quelques années, le PQ ne parla plus de référendum sur la souveraineté, mais de « référendums sectoriels », des consultations qui auraient permis de rapatrier des pouvoirs d’Ottawa.

Le PLQ, après l’échec de Meech, calqua la formule un peu plus tard, avec le rapport Allaire, une longue liste de revendications de compétences pour le Québec.

Fédéraliste et souverainiste, les deux partis jouaient sur la même partition : refléter le sentiment des électeurs francophones.

Bourassa attendait que la marmite se refroidisse ; Parizeau, qu’elle se mette à bouillir. L’échec de l’accord du lac Meech fut un catalyseur. Le PQ fut porté au pouvoir, et Parizeau put tenir son référendum sur la souveraineté.

Désolé pour les milléniaux, il n’y a guère d’exemples plus récents. Les libertés fondamentales, de parole ou de culte, et l’avenir constitutionnel du Québec, c’est ce qui constitue la double hélice de notre ADN. Des spécialistes en communications ont pu dire sans sourire que « les baisses d’impôts sont l’ADN de la Coalition avenir Québec », les mêmes politiciens ont présenté ce printemps un budget qui n’ajoutait pas aux baisses d’impôts et ne regardait pas à la dépense.

L’ADN des partis politiques fluctue souvent. Pour bien des militants libéraux, le statu quo est une position confortable, le prolongement de l’ère Couillard. Mais le compromis Bouchard-Taylor est une aubaine, plaident désormais bien des militants. Un impact infinitésimal sur la vie quotidienne, un geste d’ouverture à la majorité francophone – tout en permettant de dénoncer le projet de loi 21 qui s’étendra aux enseignantes.

Dominique Anglade, Sébastien Proulx, Gaétan Barrette et bien d’autres plus discrets ont vu la piste d’atterrissage dégagée devant le PLQ. Les gardiens de l’ADN la voient moins et croient plutôt aux mises en scène.

En fin de semaine, les libéraux tenaient à donner l’image d’un parti toujours en effervescence, même après la raclée du 1er octobre 2018. Les 600 délégués – la moitié venaient de Montréal – représentaient une participation record pour un conseil général. Pour pallier une députation exsangue, on faisait monter des ex-candidats et des présidents d’association pour garnir le parterre derrière le chef intérimaire Pierre Arcand.

Même dans les règles de la course à la direction du parti, la volonté de grossir les rangs est évidente. Les candidats auront besoin de 750 signatures pour valider leur bulletin – c’était 500 en 2013. Mais 250 d’entre elles devront venir de membres recrutés à compter d’aujourd’hui. On exigera que 12 régions au lieu de 10 soient représentées.

Le congrès aura lieu au printemps 2020, très probablement en mai, mais surtout, il se tiendra dans l’est du Québec – c’était la métropole en 2013. Deux des quatre débats se tiendront en dehors de Montréal.

Des gadgets de marketing. Aux dernières élections, le PLQ s’était fait fort d’opérer depuis Québec son quartier général, le « war room » toujours dirigé de Montréal auparavant. Le 1er octobre, les électeurs de Québec n’ont pas paru impressionnés.