Même si François Legault a promis d'être l'allié de Justin Trudeau sur la question climatique, son gouvernement n'appuiera pas Ottawa dans son combat judiciaire face à la Saskatchewan et à l'Ontario au sujet de la taxe sur le carbone.

Ces deux provinces tentent d'empêcher le gouvernement fédéral de leur imposer son programme de tarification de la pollution aux gaz à effet de serre (GES). Elles se sont adressées aux tribunaux pour bloquer la stratégie de lutte contre les changements climatiques, qui cible uniquement les provinces qui n'ont pas déjà fixé un prix sur le carbone.

Les gouvernements de la Saskatchewan et de l'Ontario arguent que le fédéral n'a pas le pouvoir constitutionnel d'imposer une taxe à certaines provinces, mais pas à d'autres.

Pour l'épauler dans son bras de fer, Ottawa a reçu l'appui de la Colombie-Britannique, qui a implanté sa propre taxe sur le carbone. Cette province a demandé le statut d'intervenant dans les deux causes. Son gouvernement fait valoir que ses citoyens et entreprises seront désavantagés si les provinces ne fixent pas toutes un prix sur le carbone.

Mais le gouvernement Legault, lui, restera sur les lignes de touche, a-t-on confirmé au bureau de la ministre de la Justice, Sonia LeBel.

« Le Québec n'entend pas intervenir, de quelque façon que ce soit, dans les renvois de la Saskatchewan et de l'Ontario visant à contester le pouvoir constitutionnel du gouvernement fédéral d'adopter la Loi fédérale sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre (GES) », a indiqué la porte-parole de la ministre, Nicky Cayer.

Québec souhaite ainsi ne pas « interférer dans les processus judiciaires » qui opposent le fédéral aux autres provinces, indique-t-on dans l'entourage de Mme LeBel, qui est aussi responsable des Relations canadiennes. En revanche, la ministre souhaite voir les provinces récalcitrantes à la tarification du carbone mettre de l'eau dans leur vin.

« Nous souhaitons que toutes les parties adoptent rapidement des mesures visant à réduire efficacement les émissions de GES partout au pays. »

- Nicky Cayer, porte-parole de la ministre de la Justice Sonia LeBel

Des écologistes déçus

Les deux causes seront entendues par les tribunaux d'appel de la Saskatchewan et de l'Ontario. Si l'affaire devait se retrouver devant la Cour suprême, ce à quoi plusieurs observateurs s'attendent, Québec pourrait réviser sa position et intervenir dans le litige.

L'abstention du gouvernement québécois déçoit le porte-parole de Greenpeace, Patrick Bonin.

« Nous aurions préféré que le gouvernement Legault intervienne et prouve à Doug Ford et aux autres premiers ministres irresponsables que l'urgence de la situation fait que la lutte climatique est une priorité absolue pour le Québec », a-t-il déploré.

Il espère que le gouvernement caquiste défendra la tarification du carbone si le différend entre Ottawa et les provinces récalcitrantes se rend jusqu'à la Cour suprême.

En campagne électorale, François Legault a appuyé la position de Justin Trudeau face à la Saskatchewan et à l'Ontario, promettant d'être son allié sur la tarification du carbone. « J'espère que Justin Trudeau va tenir son bout », a-t-il déclaré, sans toutefois s'engager à intervenir devant les tribunaux.

Depuis son élection, M. Legault a provoqué un tollé dans l'Ouest canadien en qualifiant sa production pétrolière d'« énergie sale » et en s'opposant à la relance du projet d'oléoduc Énergie Est.

Québec exempté

Le gouvernement Trudeau souhaite implanter dès l'an prochain une taxe sur le carbone dans toutes les provinces qui n'ont pas déjà un mécanisme de tarification des émissions de gaz à effet de serre. Cette taxe s'élèvera à 50 $ la tonne en 2022. Les recettes de la taxe seront retournées aux citoyens sous forme de chèques.

La mesure ne touchera pas les provinces qui, comme le Québec et la Colombie-Britannique, imposent déjà un prix sur le carbone avec une taxe ou avec un système de plafonnement et d'échange des émissions.

Québec s'est doté en 2014 d'un marché du carbone, qu'il a depuis lié à celui de la Californie. Contrairement au régime projeté par le fédéral, celui du Québec n'est pas à revenu neutre pour l'État. Ses recettes sont dirigées vers le Fonds vert, qui finance des initiatives de lutte et d'adaptation aux changements climatiques.

L'Ontario s'est brièvement joint au programme, mais s'en est retiré après l'élection du conservateur Doug Ford en juin. Celui-ci s'est immédiatement rangé derrière le gouvernement de la Saskatchewan, qui se bat depuis le début contre la taxation du carbone.

Fin novembre, le gouvernement Legault a obtenu la confirmation officielle du ministère fédéral de l'Environnement que son système satisfait aux exigences du programme fédéral.