L'Assemblée nationale devrait cette semaine adopter une motion unanime pour dénoncer la décision d'Ottawa de contester la loi 99, qui établit à 50 % des voix plus une le niveau nécessaire pour décider de l'avenir constitutionnel du Québec.

Dans un point de presse inusité dimanche à l'Assemblée nationale, le ministre des Affaires intergouvernementales, Alexandre Cloutier, a indiqué que le gouvernement entendait discuter avec les partis d'opposition afin que l'Assemblée nationale parle d'une seule voix sur cette question.

«On vous convoque pour une situation exceptionnelle, en raison d'une attaque frontale et sournoise du gouvernement fédéral», a-t-il soutenu.

Le gouvernement Harper, après 12 ans de silence sur la cause, a décidé de contester «une des lois les plus importantes de l'histoire du Québec, la loi sur les droits fondamentaux, qui affirme de façon solennelle les principes juridiques et politiques qui constituent les assises de la société québécoise», de soutenir M. Cloutier.

Le principe d'un référendum remporté par le camp qui a une majorité simple des voix est acquis depuis longtemps au Québec, rappelle-t-il.

Il repousse du revers de la main toute interprétation voulant que le gouvernement souverainiste se serve de cette querelle pour mousser son option : «il faut se rappeler que  c'est une initiative du gouvernement fédéral. Le gouvernement du Québec voit sa propre loi contestée, le fédéral souhaite faire déclarer notre loi inconstitutionnelle. Nous, on se défend, on va se tenir debout, on va défendre le consensus exprimé par l'ensemble des partis politiques», promet-il.

Devant les réactions préliminaires du chef libéral Philippe Couillard et de son vis-à-vis de la Coalition avenir Québec, François Legault, le ministre Cloutier s'est dit confiant que l'Assemblée nationale se prononcera rapidement pour dénoncer l'intervention d'Ottawa.

«Même dans les précédents examinés par les Nations unies, rien ne vient cautionner la position fédérale», observe M. Cloutier, avocat-constitutionnaliste.

Plusieurs éléments sont en cause dans la position défendue par le gouvernement Harper en Cour supérieure, en appui à la contestation menée depuis douze ans de la loi 99 par l'ancien chef du parti égalité Keith Henderson. Le gouvernement fédéral plaide que 50 % des voix plus une ne suffit pas pour déclarer la souveraineté du Québec et que l'Assemblée nationale n'est pas seule habilitée à rédiger la question posée lors d'un éventuel référendum.

On veut aussi invalider la capacité du Québec de décider de mesures sans l'aval d'Ottawa.

«C'est une attaque hypocrite, sournoise. Au moment où l'attention était tournée vers la lecture du discours du Trône, où on disait aux Québécois "on vous reconnaît comme nation", le soir même on apprenait que le gouvernement d'Ottawa allait contester la validité de cette loi fondamentale pour le Québec».

Le geste d'Ottawa résulte d'une décision politique, observe M. Cloutier, qui repousse de la main les explications du ministre fédéral Denis Lebel, pour qui le fédéral ne pouvait rester muet dans ce dossier devant les tribunaux. La proximité d'un congrès national du Parti conservateur a probablement incité Stephen Harper à aller de l'avant, risque-t-il.

«Cela fait 12 ans que la cause est devant les tribunaux, c'est la première fois que le fédéral fait connaître ses arguments pour contester la loi» observe M. Cloutier. Le ministère de la Justice a déjà demandé à ses avocats de travailler à la position du gouvernement du Québec dans la cause de M. Henderson, Québec y était déjà une partie intéressée depuis le début, de rappeler le ministre. «Nos juristes sont déjà réunis, nous allons mettre toutes les ressources nécessaires» promet-il.

Cette «Loi sur l'exercice des droits fondamentaux et des prérogatives du peuple québécois et de l'État du Québec» avait été adoptée par le gouvernement Bouchard en 2000, une réplique à l'adoption de «loi sur la clarté» adoptée sous Jean Chrétien. «Elle réitérait les principes utilisés par le passé», observe M. Cloutier. Elle stipule notamment qu'une majorité de «50 % plus 1» est suffisante pour rendre valide un référendum sur la souveraineté et que «le peuple québécois a le droit inaliénable de choisir librement le régime politique et le statut juridique du Québec».

Le fédéral fait une relecture du jugement de la Cour suprême sur la sécession du Québec en soutenant que la souveraineté du Québec nécessiterait un amendement constitutionnel, or le plus haut tribunal ne s'est jamais prononcé là-dessus, observe le ministre.

Pour lui le gouvernement fédéral «devrait mettre cartes sur table» s'il compte faire une relecture du processus d'accession à la souveraineté du Québec, lance le ministre Cloutier.