Sur la liste 2018 des « 40 en bas de 40 » de la société Caldwell Partners, palmarès de jeunes talents canadiens particulièrement prometteurs âgés de moins de 40 ans que la société de recrutement de cadres publie chaque année, il y a une seule Noire. Et une seule Québécoise. C'est Fabienne Colas, notre personnalité de la semaine.

Ici, on la connaît comme la reine des festivals, puisqu'elle en a fondé sept, soit les festivals du film black de Montréal - qui se déroulera du 26 au 30 septembre prochain -, de Toronto et d'Halifax, les événements pluridisciplinaires Haïti en folie à Montréal et New York, sans oublier le Festival du film québécois en Haïti et Fondu au Noir, pour célébrer le Mois de l'histoire des Noirs.

Mais en Haïti, où elle est née et a grandi, où elle a étudié, elle était connue comme mannequin et comme actrice. Si connue, si remplie de confiance en elle, en l'avenir, en sa capacité de tout accomplir, qu'à 24 ans, en 2003, quand elle a quitté son île natale, elle était convaincue qu'une carrière à Hollywood l'attendait.

Ce sont des amis québécois, dont une copine correspondante épistolaire connue par l'entremise de son église, à Chicoutimi où elle s'est arrêtée en chemin, qui l'ont convaincue de mettre ses ambitions et ses projets à l'épreuve à Montréal d'abord.

Bonne idée, s'est dit la jeune femme, la tête encore remplie de l'assurance de celle dont le quotidien, dans son pays, consistait à être filmée, photographiée et à signer des autographes.

Imaginez-la plonger la tête la première quand elle se rend compte que le monde du cinéma et de la télé, à Montréal, ne l'attend pas exactement à bras ouverts. 

« On me disait : "Tu es Noire", "Tu as un accent". J'ai eu beaucoup de difficulté à trouver un agent. Je ne trouvais pas de travail. Que de très petits rôles. »

Celle dont la carrière a été lancée facilement dans son pays, après une rencontre avec un réalisateur à qui elle a proposé tout bonnement de l'embaucher, celle qui a du front tout le tour de la tête, celle dont le plus grand échec a été de ne pas gagner le concours Miss West Indies en tant que Miss Haïti 2000, doit ici affronter une réalité difficile.

Qu'à cela ne tienne, se dit la jeune femme, je vais leur montrer mon talent en faisant venir ici les films dont j'étais la vedette et pour lesquels j'ai gagné des prix.

Nouvel échec quand vient le temps de convaincre les festivals de projeter ces longs métrages. « À un festival où j'étais sûre que ça marcherait, on m'a même refusé des explications de ce refus. »

Ce rejet change sa vie. Entre la honte, l'humiliation, la confusion, la jeune femme trouve l'énergie de planifier son prochain coup : elle organise la Fondation Fabienne Colas, fondée en Haïti, à Montréal et décide de créer son propre festival. Un « week-end de cinéma haïtien » fait salle comble à sa première présentation en 2005 et deviendra le Festival du film black de Montréal, où viendront Spike Lee, le petit-fils de Martin Luther King, Danny Glover, Isaiah Washington et autres vedettes.

Fabienne Colas démontre alors non seulement que le cinéma haïtien existe, mais aussi qu'il a un vaste public à Montréal - puis à Toronto, à Halifax - qui en redemande.

Les artistes des minorités dites visibles, mais en réalité invisibles, ont finalement une plateforme. Et une productrice décidée à leur faire de la place.

« Dans la vie, dit-elle, je carbure à montrer que les choses peuvent marcher à tous les défaitistes qui me disent que c'est impossible. [...] Non, je ne suis pas les plans d'affaires habituels. »

Aujourd'hui, la mission qui anime Fabienne Colas, la fille d'une fonctionnaire et femme d'affaires et d'un photographe, c'est l'idée de donner des vitrines, des occasions, d'ouvrir des portes à tous ceux qui ne font pas partie de l'ordre établi, pour qu'ils aillent encore plus loin, même au-delà du cinéma et des arts. 

« Je vois mon avenir dans l'aide, dit-elle. Je veux amener la diversité là où elle ne se rend pas. »

***

Fabienne Colas en quelques choix : 

Un film

Malcolm X, de Spike Lee. « Tout le monde devrait voir ce film-là au moins une fois dans sa vie. C'est comme un cours universitaire intensif sur une partie de l'histoire de la lutte des droits civiques aux États-Unis. »

Un roman

L'odeur du café, de Dany Laferrière

Un classique

Comment se faire des amis, de Dale Carnegie

Un incontournable

Père riche, père pauvre, de Robert Kiyosaki

Un personnage historique

« Assurément Martin Luther King. J'aime beaucoup son message de paix et de non-violence. J'admire sa ténacité, son charisme et son pouvoir de rassembler qui ont grandement servi dans cette lutte contre la ségrégation aux États-Unis. »

Un personnage contemporain

« À part mon père et ma mère (mes plus grandes inspirations), qui m'ont appris qu'il ne faut jamais se décourager devant une porte fermée, Oprah Winfrey demeure une de mes inspirations. »

Une phrase

« Ce que mon père m'a dit la journée de mon départ vers le Canada : "Ne t'inquiète pas, le monde laissera toujours passer celui qui sait où il va ! Vas-y, fonce ! Tu es née pour gagner !" Ça, c'est le plus beau cadeau qu'il m'ait donné. »

Quelle cause vous ferait descendre dans la rue pour manifester, et qu'écririez-vous sur la pancarte ?

« Je suis une militante dans l'âme. Il y a bien des causes nobles qui me feraient descendre dans les rues. J'ai choisi la cause de l'inclusion et de la diversité, car c'est important pour la cohésion sociale de notre société. »