Elle a fait de la recherche sur le stress et la dépression son cheval de bataille. Caroline Ménard est notre personnalité de la semaine.

Quand elle était enfant, sa mère l'appelait « mon petit rat de bibliothèque ». Aujourd'hui, Caroline Ménard passe son temps avec des souris. Des souris de laboratoire qui l'aident à explorer l'univers du stress et de la dépression.

À Dolbeau, au Lac-Saint-Jean où elle a grandi, Caroline était l'enfant scientifique, celle qui lisait tout le temps, qui s'amusait des heures avec son microscope, reçu en cadeau à Noël.

« J'étais dans les Jeunes Débrouillards, je faisais des expériences... », raconte notre personnalité de la semaine en entrevue téléphonique, de son bureau de l'École de médecine du Mount Sinai, à New York, où elle fait de la recherche en neurosciences depuis trois ans. Ce sont les travaux qu'elle a faits là-bas, sur l'effet du stress sur la dépression - chez les souris -, qui ont été publiés en décembre dans la revue Nature Neuroscience et ont reçu une attention internationale.

Chef de file d'une équipe d'une vingtaine de chercheurs, dont deux autres Québécois, Benoit Labonté et Sylvain Bouchard, la scientifique a été capable de voir comment certaines manifestations physiologiques du stress dans le sang - sous forme de molécules liées à la réponse au stress - traversent la barrière dite hématoencéphalique, censée protéger le cerveau, et sont liées à la dépression.

Cette découverte pourrait mener à de nouveaux traitements contre la dépression, une maladie, note-t-elle, où de 30 à 50 % des personnes atteintes ne réagissent pas aux traitements médicamenteux actuels.

« Actuellement, on traite surtout le cerveau, mais il n'y a pas juste le cerveau qui est impliqué dans la dépression. »

- Caroline Ménard

Le pourcentage élevé de dépressifs chez les personnes obèses, souffrant de diabète, de maladies dégénératives et de maladies cardiaques l'incite à croire qu'il faut aller chercher des liens entre toutes ces maladies.

Et cela fera partie de ses recherches quand elle reviendra au pays, sous peu, comme professeure et chercheuse à l'Université Laval. Pourquoi aller à Québec et pas à Montréal ? « Parce que mon conjoint aime le vélo de montagne ! », répond-elle, enjouée. Et pour les recherches qu'elle pourra y faire, évidemment.

Caroline n'a jamais vécu à Québec. Après le Lac-Saint-Jean, le secondaire et les études collégiales à Saint-Félicien, elle est partie à Trois-Rivières, car l'UQTR offrait un programme de biophysique et de biologie cellulaire qui lui permettait de « toucher à tout » en sciences. « Je ne savais pas quoi choisir », raconte-t-elle.

Là, elle a commencé à s'intéresser au cerveau, travaux qui l'ont menée au doctorat, toujours à Trois-Rivières, puis elle est partie à Montréal, en postdoctorat à l'Université McGill, où elle s'est penchée sur la mémoire et le vieillissement au laboratoire du professeur Rémi Quirion. De là, elle est partie pour travailler dans le secteur privé, dans une entreprise de biotechnologie de Laval, New World Laboratories.

« Mais j'ai réalisé que j'étais mieux dans le milieu universitaire. »

- Caroline Ménard

En cherchant du travail comme chercheuse et comme professeure dans les universités, elle s'est rendu compte que l'expérience à l'étranger était un préalable. C'est ce qui l'a menée il y a trois ans à New York, où elle s'est installée avec son conjoint, qui est analyste informatique et s'est lui aussi aisément trouvé du boulot.

Ensemble, ils habitent un petit appartement de l'Upper East Side, qui fait l'affaire, mais dont Caroline ne s'ennuiera pas. « Mes amis vont me manquer, mais pas ça. »

Une fois revenue au Canada, Caroline entend travailler notamment sur les populations nordiques et le lien entre obésité, alimentation et dépression, trois problèmes qui touchent particulièrement les collectivités du Grand Nord canadien.

Et les souris dans tout cela ?

Ce sont elles qui montrent la voie, en étant stressées, dépressives, obèses... Pour le stress, on amène de grosses souris à terroriser des petites souris. Pour la dépression, on demande à des souris si elles ont envie de boire de l'eau sucrée, et quand elles sont déprimées, elles refusent, comme elles refusent de se laver, d'ailleurs...

Une des percées scientifiques importantes a été la mise au point de dispositifs d'imagerie capables de lire les cerveaux des rongeurs, explique la chercheuse.

Et à quoi tout cela sert-il ? À comprendre comment la dépression et le stress s'expriment sur le plan biologique. Pour le moment, on les diagnostique seulement au moyen de questionnaires.

À partir des nouveaux travaux de la chercheuse, on pourra peut-être un jour mesurer la dépression en faisant des prises de sang.