Alors que l’industrie légale peine toujours à faire des bénéfices, une entreprise d’ici compte bien tirer son épingle du jeu. Ayant racheté la plus grande serre intérieure de cannabis au Québec à une entreprise ontarienne au bord de la faillite, Cannara Biotech vise à devenir le premier producteur de la province. La société a ouvert ses portes à La Presse.

PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

Situé dans un secteur agricole de Salaberry-de-Valleyfield, en banlieue de Montréal, le gigantesque bâtiment de 1 030 000 pi⁠2 a été construit en 2020 au coût de 250 millions. L’ensemble, qui compte 24 chambres de culture indépendantes en plus d’une aire d’entreposage et d’expédition, était alors destiné à devenir la plus grande serre de cannabis biologique au monde.

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L’entreprise à l’origine du projet annonce la vente des installations en juin 2021. Son concurrent québécois, Cannara Biotech, saute sur l’occasion. Aidée par les lois québécoises dans le domaine de l’agriculture qui empêchent la vente à des intérêts étrangers, l’entreprise établie à Farnham, en Montérégie, réussit à obtenir l’immense complexe pour 27 millions, près du dixième de ce qu’il a coûté à bâtir.

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Encore aujourd’hui, le site reste sous-exploité. Seules 10 des salles de production sont utilisées, tandis qu’une autre série de serres initialement destinées à la culture de boutures sont vides. La situation résume bien l’état de l’industrie, victime d’une bulle spéculative à la suite de la légalisation qui a permis à certaines entreprises de lever des millions de dollars sans suivre la demande des consommateurs.

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Cannara Biotech souhaite devenir le premier producteur de cannabis au Québec et compte exploiter l’ensemble du site d’ici 2026, ce qui lui permettrait d’y produire 100 000 kg de cannabis par année, l’équivalent des ventes de la SQDC. « Ce n’est pas comme pour les fruits et les légumes où il te suffit d’une ou deux bonnes souches, et voilà, résume le chef de la direction financière, Nicholas Sosiak. [Pour le cannabis], si tu trouves un bon produit, il peut durer trois, quatre mois, peut-être un an. »

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La lumière, l’arrosage, la température, fixée à 23,5 °C dans les serres : tout est contrôlé avec précision afin d’optimiser la croissance des plantes grâce à un système informatique maison conçu par le chef de la direction technologique, Avi Krivorot. « Rien n’est laissé au hasard », explique-t-il en racontant avoir déjà perdu des lots de plantes de dizaines de milliers de dollars.

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Dans chaque salle, deux variétés de plantes reproduites à environ 5000 exemplaires. En touchant aux cocottes, une résine, les terpènes, tache les gants en plastique dont le port est obligatoire. À gauche, celles de la variété « Jigglers » sentent le lait fouetté aux fraises. À droite, la variété « Cuban Linx » dégage des effluves de détergent au citron. De plus en plus de consommateurs portent attention à ces caractéristiques, explique Nicholas Sosiak.

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Contrairement à l’entreprise qui a bâti l’usine, Cannara Biotech n’utilise pas le soleil en tout temps pour faire pousser ses plantes et privilégie l’éclairage artificiel. Elle a donc investi 1 million supplémentaire dans les installations. Tout y est automatisé, jusqu’aux supports sur lesquels sont posées les plantes. Cette efficience est essentielle tandis que le prix de la marchandise reste un argument de vente prioritaire auprès des clients, fait valoir Nicholas Sosiak.

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Louis-Philippe Marchand (à gauche) a été le premier employé embauché à l’usine de Salaberry-de-Valleyfield. Ancien camionneur passionné pour le cannabis, il s’est converti en spécialiste en automatisation et installait ce jour-là une nouvelle salle de culture. Cannara emploie jusqu’à une cinquantaine d’employés les jours de récolte.

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Dans le coin d’une salle vide, une dizaine d’employés arrachent les cocottes de plants de cannabis avant de les entreposer dans de gros conteneurs. Rapidement congelées, ces fleurs de cannabis prendront le chemin d’un laboratoire situé à même le site, où elles seront converties en concentré. Vendu à la SQDC sous forme de haschich et de résine, mais dans des teneurs en THC moins élevées qu’ailleurs au pays, ce concentré est surtout destiné aux autres provinces.

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Le procédé permettant d’obtenir du concentré consiste à injecter à basse température du butane sur le cannabis, ce qui permet d’en séparer la substance active de la plante. Le concentré ainsi obtenu est ensuite chauffé pour en faire évaporer le butane, puis converti en haschich ou en cartouche de vapoteuse (toutes expédiées à l’extérieur de la province, puisque non légale au Québec), le secteur qui connaît la meilleure croissance chez Cannara. Le spécialiste en extraction Sébastien Turk tient dans ses mains un plat de concentré qui passera plusieurs semaines dans un four afin de le convertir en cristaux de THC.