(Halifax) Trois rangées soigneusement alignées de minuscules refuges, chacun doté d’une porte bleu vif verrouillable, sont installées et occupées dans une banlieue tranquille d’Halifax, alors que le gouvernement provincial déploie progressivement ce qu’il présente comme un élément important de sa solution à l’itinérance.

Debout près de l’entrée fermée de cette communauté, Jim Gunn, membre du conseil d’administration de Beacon House Shelter, décrit les abris préfabriqués cubiques de 70 pieds carrés (6,5 mètres carrés) – portant le nom de la société américaine qui les fabrique – comme une solution temporaire.

« Notre plus grande préoccupation est que ces logements ne deviennent jamais et ne soient jamais perçus comme permanents, mais il n’y a pas de logements abordables », a expliqué l’éducateur à la retraite lors d’une récente visite de la propriété à Lower Sackville, environ trois semaines après son ouverture. « Ces refuges resteront ici jusqu’à ce que nous trouvions un autre endroit où les gens pourront aller. »

La province suit l’exemple de Kelowna, en Colombie-Britannique, et de 124 autres sites en Amérique du Nord, en introduisant des unités assemblées à partir de panneaux isolés en fibre de verre. Ils sont fabriqués par Pallet Shelter Inc., une entreprise sociale à but lucratif basée à Everett, dans l’État de Washington, qui a maintenant déployé environ 5000 abris en Amérique du Nord et s’est développée au Canada.

L’installation de 630 000 $, qui comprend 19 unités de couchage, des toilettes séparées et une buanderie, fait partie de l’achat de 7,5 millions de dollars par la province de 200 abris préfabriqués. La Nouvelle-Écosse affirme qu’elle est le premier gouvernement provincial à effectuer un tel achat auprès d’un fabricant américain.

Dans les premières semaines qui ont suivi l’annonce du projet de Lower Sackville pour un terrain à côté du refuge existant de Beacon House, l’organisation à but non lucratif et son conseil d’administration croyant ont été confrontés à des réactions négatives. Des pétitions en ligne se sont opposées au site et environ 170 personnes ont assisté à une réunion publique au cours de laquelle certaines ont critiqué son emplacement à proximité d’une école et d’un centre de loisirs communautaire.

« Je suis vraiment inquiet, parce que nous voulons être de bons voisins », a déclaré M. Gunn, ajoutant que son groupe est déterminé à changer les perceptions du public.

Parmi ses messages clés : il existe un système de soutien pour les résidents de la nouvelle communauté, financé annuellement par 900 000 $ de la province. Cela comprend deux aides au logement dans le refuge voisin – dont un travailleur social – et un conseiller en santé mentale disponible trois fois par semaine. Une équipe de bénévoles issus de groupes religieux et communautaires prépare les repas pour les résidents.

Jim Gunn note également que les personnes sélectionnées pour emménager dans les unités doivent « être capables de vivre de manière responsable et respectueuse » et doivent signer un accord comprenant 38 règles et des avertissements de retrait potentiel si les normes de la communauté ne sont pas respectées.

Lorsque La Presse Canadienne a visité les lieux, Beacon House n’a autorisé aucune entrevue avec les résidents, et les efforts visant à joindre les résidents par l’intermédiaire de groupes de soutien indépendants ont échoué.

Susciter le changement des deux bords

Amy King, co-fondatrice de Pallet, a avancé lors d’un entretien téléphonique qu’elle s’attend à ce que l’opposition de la communauté se transforme en soutien à mesure qu’elle observe les résultats.

« En général, les gens ont peur de ce qu’ils ne connaissent pas. Mais nous disposons également de nombreuses données intéressantes provenant de sites montrant une réduction de la criminalité, jusqu’à 30 % », dans les quartiers où de tels abris sont installés, a-t-elle souligné.

Mme King a insisté sur le fait que les mesures de sécurité, y compris une clôture grillagée, sont conçues pour protéger les résidents et non pour les enfermer.

« C’est un mythe répandu, l’idée selon laquelle les personnes sans abri se livrent à des activités criminelles. […] La grande majorité est victime de comportements prédateurs-toxicomanie, prostitution, etc. – amenés à leur porte en raison de leur vulnérabilité », a-t-elle expliqué. Mme King dit que le nom de l’entreprise est basé sur la définition de « palett » comme un matelas de paille, qui, selon elle, évoque des personnes « sorties de leur situation actuelle et orientées vers quelque chose de mieux ».

Nikki Greer, présidente du groupe à but non lucratif qui soutenait les résidents d’un campement de tentes à Lower Sackville, a déclaré en entrevue que seuls deux de ses anciens résidents demeurent dans les maisons Pallet.

Elle estime que la proximité d’une ligne de bus et l’accès à la nourriture sont des aspects positifs, mais elle s’inquiète de savoir si le soutien existant est suffisant pour les personnes qui « dorment dans la rue » depuis des années. « Un soutien supplémentaire est nécessaire pour ces personnes… J’aimerais simplement que nous ayons plus de soutien pour lutter contre les causes profondes de l’itinérance », a-t-elle indiqué.

Suzanne Ley, directrice de l’aide au revenu au ministère provincial des Services communautaires, a déclaré lors d’un entretien téléphonique que les quartiers Pallet sont considérés par la province comme « des unités de transition permettant aux gens de se remettre sur pied ».

Lorsqu’on lui a demandé combien de temps les gens vivraient là-bas, Mme Ley a répondu que cela dépendrait de la disponibilité des logements. « Nous espérons que les gens pourront accéder rapidement à un logement, déménager et ouvrir l’espace à d’autres », a-t-elle déclaré.

Le prochain site d’abris préfabriqués de la province sera à Kentville, une ville de la vallée de l’Annapolis comptant une population d’environ 6000 habitants, où 20 des unités seront installées à côté d’un bâtiment provincial dans la ville. Cependant, Mme Ley n’a pas encore de réponse quant à savoir si les 200 logements seront tous en place dans la province avant l’hiver prochain, affirmant que son équipe est toujours à la recherche d’emplacements appropriés et d’autres partenaires comme Beacon House.

Jim Gunn dit que même si son groupe est heureux d’aider les itinérants, il espère que les structures – qui peuvent être facilement démontées et déplacées – ne seront pas sur la propriété durant des décennies. « Nous craignons que la période temporaire soit plus longue que nous le souhaitons », a-t-il raconté.