Alors que le Canada est aux prises avec une saison inédite d’incendies de forêt, les nombreux pompiers forestiers déployés dans l’ensemble du pays sont soumis à des conditions de travail difficiles, et ce, dans un environnement dangereux et imprévisible.

Cycles de travail de deux semaines avec des quarts de travail pouvant s’étirer sur 18 heures. Le repos, lui, s’effectue dans une tente ou dans un gymnase loin de la maison. Ces conditions exténuantes, jumelées à l’intensité du défi, sont à l’origine de plusieurs problèmes de santé mentale.

« Il ne fait aucun doute que nous assistons à un épuisement professionnel. Nous avons été engagés à fond depuis le début du mois de mai, sans aucun répit », relate Steve Lemon, responsable de la sécurité et du bien-être du BC Wildfire Service.

« La durée de la saison des incendies, l’intensité de ceux-ci, la sécheresse qui perdure, tout cela conduit à des incendies plus complexes, plus importants. Tout cela aura sans aucun doute un impact sur la santé mentale des gens », ajoute M. Lemon.

Les autorités ont qualifié cette saison des incendies de forêt de sans précédent, avec plus de 137 000 kilomètres carrés de terres brûlées à ce jour, en Colombie-Britannique seulement, soit plus de six fois la moyenne sur dix ans. Des dizaines de milliers de personnes ont dû fuir leur lieu de résidence en vertu d’ordres d’évacuation ; des maisons et des entreprises ont été détruites et quatre pompiers forestiers ont été tués au travail cette saison.

Initialement, le BC Wildfire Service intervenait dans le cas d’incendies de forêt saisonniers, mais il a lentement pris de l’essor pour devenir une agence travaillant toute l’année et se déployant lors d’autres catastrophes naturelles, comme les inondations et les glissements de terrain, explique son responsable.

Comme les intempéries et les désastres se succèdent sans répit cette année, le tout pèse lourd sur l’état de santé des quelque 700 employés à temps plein du service, qui profitent généralement de l’intersaison pour se reposer et récupérer, précise M. Lemon.

PHOTO ALEX ROY, FORCES CANADIENNES, FOURNIE PAR REUTERS

Comme les intempéries et les désastres se succèdent sans répit cette année, le tout pèse lourd sur l’état de santé des quelque 700 employés à temps plein du service.

Le BC Wildfire Service offre des services de soutien en santé mentale à ses employés. Ceux-ci ont été de plus en plus utilisés ces dernières années, souligne Alex Lane, pompier du service et étudiant à la maîtrise en psychologie.

Celui-ci étudie la santé mentale des pompiers forestiers et des premiers répondants en Colombie-Britannique. Depuis 2021, le service a également constaté « beaucoup » de blessures psychologiques et de travailleurs qui ont pris des congés en raison de problèmes de santé psychologique, précise M. Lane.

Une étude sur les troubles mentaux chez les pompiers déployés lors de l’incendie qui a ravagé Fort McMurray, en Alberta, en 2016, a révélé que 40 % présentaient des symptômes d’un trouble de stress post-traumatique, 30 % d’un trouble anxieux et 28,5 % d’un trouble dépressif. L’étude a porté sur tous les types de pompiers, pas seulement sur ceux qui s’occupent des incendies de forêt.

Pour de meilleures conditions de travail

Selon les services d’incendie, le début précoce de la saison des incendies signifie que certains pompiers à temps partiel sont envoyés d’urgence sur le terrain ou placés dans des rôles qui devraient nécessiter plus d’expérience et de formation.

Les pompiers forestiers chevronnés à temps plein sont payés « au niveau le plus bas du gouvernement » qui commence à 26 $ l’heure, relève Paul Finch, trésorier du Syndicat général des employés de la Colombie-Britannique, qui représente près de 2000 membres.

Avec un tel salaire, les pompiers « ne peuvent pas élever une famille et prendre leur retraite à un moment décent », croit-il, soulignant que l’enjeu ajoute à la charge mentale des pompiers forestiers, dont plusieurs finissent par quitter pour le secteur privé ou pour entamer une autre carrière, plus lucrative et moins exigeante.

David Greer, directeur de l’engagement stratégique au BC Wildfire Service, mentionne que l’effectif du service est en cours de réévaluation compte tenu de la nouvelle réalité des saisons des incendies. Plus de 100 membres d’équipage ont été convertis en employés à temps plein cette année.

« Nous aimerions certainement voir moins de roulement de personnel et c’est pourquoi nous avons mis l’accent sur la santé et le bien-être des employés, l’apprentissage et le développement, ainsi que sur davantage d’opportunités à temps plein avec un cheminement de carrière », indique-t-il.

Ken McMullen, président de l’Association canadienne des chefs de pompiers, a déclaré que les pompiers volontaires des services municipaux sont de plus en plus sollicités pendant la saison des incendies de forêt et que bon nombre d’entre eux sont des bénévoles.

« Ce n’est tout simplement pas un modèle durable que de compter sur des bénévoles pour trois mois d’activité [incendies de forêt] consécutifs », croit-il.

Son association fait pression sur le gouvernement fédéral pour obtenir une augmentation des incitatifs fiscaux pour les pompiers volontaires, ainsi qu’un financement plus important pour les soutiens en santé mentale et l’équipement spécialisé.