(Ottawa) La présidente du Conseil du Trésor, Mona Fortier, s’avoue « frustrée » de ce qu’elle décrit comme un piétinement dans les négociations avec les fonctionnaires fédéraux en grève, leur syndicat lui rétorquant qu’il a lui-même une frustration face à une inflexibilité de l’employeur sur son offre salariale.

« Je suis encore à la même place où on reçoit des offres qui sont inabordables et déraisonnables. Tant et aussi longtemps que ça ne bouge pas, ça va être difficile de se trouver une place où on va avoir une entente qui va être raisonnable pour les Canadiens et qui va aussi être juste pour les employés », a dit Mme Fortier mercredi, au huitième jour de débrayage.

Elle n’a pas directement répondu à des questions de journalistes à savoir si l’on se rapprochait de la possibilité qu’une loi de retour au travail soit invoquée.

« Nous allons continuer de travailler très fort. Nous sommes encore à la table, mais je peux vous dire que je suis frustrée ce matin parce que ça n’avance pas », a-t-elle laissé tomber avant de se rendre à la réunion matinale du caucus libéral.

En après-midi, la ministre a eu des propos nébuleux quand il lui a été demandé si l’augmentation salariale de 9 % sur trois ans proposée par le Conseil du Trésor est une offre finale.

D’une part, elle a affirmé qu’« on doit vraiment respecter » cette offre qui a été recommandée par la Commission de l’intérêt public. Elle s’est empressée d’ajouter que « non, ce n’est pas final ». « Parce qu’il y a d’autres enjeux qu’on discute et je ne peux pas vous dire ce qui se passe à la table présentement », a-t-elle évoqué.

L’Alliance de la fonction publique du Canada (AFPC), qui représente les quelque 155 000 fonctionnaires en débrayage, demande une hausse de 13,5 % des salaires sur trois ans puisqu’elle estime que cela est plus adapté au niveau de l’inflation. Le télétravail est aussi l’un des principaux points de litige.

Le vice-président exécutif régional de l’AFPC pour la Capitale-Nationale, Alex Silas, a affirmé que ce sont plutôt les fonctionnaires qui sont « frustrés ».

« Ça fait deux ans qu’on est à la table de négociation. […] On a donné plusieurs options à ce gouvernement pour qu’on trouve une entente et ça traîne de la patte. Il y a complètement un manque de volonté et l’inaction totale de la part de ce gouvernement », a-t-il lancé en point de presse.

Le président national de l’AFPC, Chris Aylward, a soutenu qu’Ottawa a signalé mardi soir qu’il maintenait sa même proposition de 9 % sans pour autant préciser s’il s’agissait d’une offre finale. « Ils nous disent que nous, nous devons bouger. Ce n’est pas comme ça que des négociations fonctionnent, Mme Fortier », a-t-il tonné, entouré de grévistes scandant leur appui au syndicat.

Le leader syndical a soutenu que l’AFPC avait proposé des compromis sur sa demande salariale, mais a refusé de donner des chiffres aux journalistes. « Je ne vais pas négocier devant les médias », a-t-il répondu lorsque pressé de questions.

M. Aylward en a profité pour réitérer que l’AFPC souhaite que le premier ministre Justin Trudeau s’implique personnellement pour dénouer l’impasse.

Ce dernier n’a pas voulu dire s’il accepterait de rencontrer les leaders syndicaux, contournant une question à ce sujet en mêlée de presse.

« Les négociateurs du gouvernement ont mis de l’avant une proposition qui était parfaitement alignée avec les recommandations d’un tiers parti […] qui va permettre de faire du progrès. On va continuer le travail à la table de négociation comme s’y attendent les gens », a dit M. Trudeau alors qu’il s’apprêtait à prendre part à la période des questions.

Plus tôt mercredi, le premier ministre avait paru nettement plus tempéré que Mme Fortier. « On est en train de continuer de faire des offres constructives. On a de l’espoir qu’on va continuer de voir des avancées, mais ça prendra le temps que ça prend », a-t-il soutenu.

Questionné au sujet de la patience des Canadiens qui pourrait s’effriter face aux impacts de la grève sur les services comme le renouvellement de passeport, M. Trudeau a répondu qu’« on est quand même juste (à) quelques jours depuis le début de cette action syndicale ».

« C’est sûr qu’au fur et à mesure que les Canadiens ont plus de difficulté à accéder à des services, à être préoccupés par leurs impôts, les frustrations vont monter, mais pour l’instant, les principes […] de (droit de) grève, de négocier des conventions collectives de bonne foi (sont respectés). On est en train de faire le travail nécessaire. »

La semaine dernière, au jour un de la grève, M. Trudeau avait affirmé que la population ne serait pas « énormément patient(e) » si le débrayage durait « trop longtemps ».