(Ottawa) Le gouvernement libéral ne donne aucun indice qu’il mettra fin à la grève de son plus important syndicat du secteur public en forçant le retour au travail des quelque 100 000 fonctionnaires fédéraux.

Les syndiqués de l’Alliance de la fonction publique du Canada ont quitté le travail il y a maintenant neuf jours, après que les négociations avec le gouvernement n’ont pas permis de trouver un terrain d’entente sur des questions telles que les augmentations de salaire et le télétravail.

Des fonctionnaires fédéraux en grève ont organisé jeudi matin une manifestation tout près du poste frontalier de Lacolle, en Montérégie. Quelques autobus transportant des dizaines de manifestants sont arrivés en matinée à ce poste frontalier séparant Lacolle et Champlain, dans l’État de New York, habituellement l’un des plus achalandés au pays.

Plusieurs policiers de la Sûreté du Québec étaient aussi sur les lieux, jeudi matin. Des images de télévision ont montré les policiers alignés afin de former une barrière humaine limitant les déplacements des manifestants.

Entre-temps, d’autres manifestants de l’Alliance de la fonction publique ont défilé dans des rues de Québec afin de montrer leur mécontentement.

Selon l’ancien greffier du Conseil privé Michael Wernick, le gouvernement fédéral ne peut pas vraiment évoquer le recours à une loi spéciale de retour au travail, parce que les négociations sont toujours en cours.

M. Wernick, qui a dirigé la fonction publique fédérale pendant trois ans, affirme qu’en déposant prématurément un projet de loi de retour au travail, le gouvernement pourrait être accusé de mauvaise foi aux tables de négociations.

Sans compter la question du soutien politique aux Communes, dont les libéraux minoritaires auraient besoin pour adopter une telle loi.

Le Nouveau Parti démocratique a déjà prévenu qu’il n’appuierait pas en Chambre une loi spéciale, tandis que les conservateurs ne se sont pas prononcés sur la question. Et les députés du Bloc québécois rappellent depuis plusieurs jours que ce parti n’a jamais soutenu par le passé le recours à une loi de retour au travail.

En 2018, lorsque le gouvernement libéral était majoritaire aux Communes, il a forcé par une loi spéciale le retour au travail des employés des Postes.

Mais malgré la rhétorique musclée du syndicat, M. Wernick croit qu’il y a eu du mouvement pendant les négociations et que les deux parties semblent motivées pour parvenir à une entente de principe. « Pour moi, ça ne ressemble pas à une impasse », a-t-il soutenu en entrevue.

Selon une lettre ouverte de la présidente du Conseil du Trésor, Mona Fortier, datée du 24 avril, quatre revendications clés sont toujours en cours de négociation, dont les salaires et le télétravail.

Des arriérés qui s’allongent

L’issue des négociations touchera 155 000 travailleurs, soit environ le tiers de l’ensemble de la fonction publique fédérale, et dont 35 000 travailleurs de l’Agence du revenu du Canada, qui négocient séparément leur convention collective.

Le gouvernement fédéral offre une augmentation de salaire de 9 % sur trois ans, avec effet rétroactif à 2021. Entre-temps, le syndicat affirme avoir ajusté sa demande initiale de 13,5 % sur trois ans, mais il ne révèle pas le nouveau chiffre.

Les deux autres points en litige portent sur les contrats en sous-traitance et les règles d’ancienneté en cas de licenciement.

La prestation des services fédéraux continue d’être affectée par la grève, car les arriérés croissants de demandes d’immigration et de passeport ne sont pas traités.

Le ministre de l’Immigration, Sean Fraser, a déclaré que la semaine dernière, environ 70 000 dossiers d’immigration qui auraient dû être traités ont plutôt été mis en attente. « C’est un niveau très sérieux de réduction de service, a-t-il déclaré lors d’une entrevue jeudi à Halifax. L’impact a déjà été sérieux. »

Le ministre a déclaré que son ministère avait prévu d’annoncer la semaine dernière qu’il était revenu à certaines normes de service atteintes avant que la pandémie de COVID-19 ne s’installe en 2020, mais les normes ont chuté au début de la grève.

Et les ralentissements massifs de l’Agence du revenu du Canada (ARC) restent au plus fort de la saison des impôts, alors qu’approche la date limite de dépôt des déclarations, lundi. L’ARC a déclaré qu’elle ne prévoyait pas de prolonger le délai.