(Ottawa) Le gouvernement fédéral admet ne pas savoir à quel moment le chantier naval Davie livrera à la Garde côtière canadienne une flotte très attendue de nouveaux brise-glaces pour remplacer les navires vieillissants.

Les responsables à Ottawa affirment que le calendrier dépendra de nouvelles négociations avec le chantier naval de Lévis.

Le premier ministre Justin Trudeau a annoncé la semaine dernière à Lévis que Davie était officiellement dans le coup pour construire sept brise-glaces de la Garde côtière canadienne dans les années à venir, pour un coût estimé à 8,5 milliards. Le chantier québécois a été officiellement ajouté à la Stratégie nationale de construction navale, avec Seaspan de Vancouver et Irving de la Nouvelle-Écosse..

Pourtant, malgré les inquiétudes lancinantes concernant l’âge des brise-glaces de la Garde côtière et les appels à la célérité pour s’assurer que les nouveaux navires arrivent à temps, l’annonce de mardi dernier était muette sur tout échéancier précis.

En réponse aux questions de La Presse Canadienne, la porte-parole au ministère de l’Approvisionnement, Michele LaRose, a indiqué lundi que de nouvelles négociations avaient été amorcées avec Davie afin de rédiger des contrats pour chacun des sept navires à construire. Parmi les questions en discussion : l’échéancier de livraison des brise-glaces.

« Les négociations ont commencé avec Chantier Davie sur des contrats pour soutenir la construction de six brise-glaces du programme et d’un brise-glaces polaire pour la Garde côtière canadienne », a déclaré Mme LaRose dans un courriel.

« En ce qui concerne les délais et les coûts, le calendrier et le coût exacts de la construction seront négociés et finalisés lors des négociations contractuelles individuelles. » Mme LaRose n’a pas précisé à quel moment le gouvernement espérait finaliser ces contrats.

L’annonce de la semaine dernière faisait suite à trois ans de négociations sur les investissements que Davie serait tenu de faire pour construire les brise-glaces. Les responsables avaient initialement espéré conclure ces négociations avec Davie avant la fin de 2020 et ils ont menacé à un moment donné d’abandonner les discussions et de rechercher d’autres options.

Une flotte quarantenaire

Cette absence d’échéancier précis ne plaît pas beaucoup au professeur Rob Huebert, de l’Université de Calgary. L’expert de l’Arctique et de la Garde côtière rappelle que la construction de nouveaux brise-glaces prend du temps – même sans la complication supplémentaire de ces négociations contractuelles.

« C’est complexe parce qu’il faut maîtriser l’ingénierie, a-t-il souligné. Vous naviguez délibérément dans la glace. Je veux dire : rappelez-vous ce qui est arrivé au Titanic quand il a accidentellement heurté de la glace… »

La vérificatrice générale, Karen Hogan, soulignait dans un rapport l’année dernière que la flotte de la Garde côtière, qui a déjà en moyenne plus de 40 ans, est de plus en plus sujette aux pannes et coûteuse à entretenir.

Mme Hogan a constaté qu’Ottawa dépensait des centaines de millions de dollars pour prolonger la durée de vie de cette flotte, y compris son vaisseau amiral de 54 ans, le Louis S. St-Laurent. Elle soulignait aussi que le gouvernement avait récemment acheté trois brise-glaces d’occasion à Davie, ce qui contribuerait à épauler la flotte actuelle.

Mais la vérificatrice générale a aussi conclu qu’il y avait peu de place pour des retards si Ottawa veut réellement maintenir ses capacités actuelles de déglaçage des cours d’eau, qui sont essentielles pour garder ouvertes au commerce les voies navigables du Canada et pour approvisionner les communautés nordiques.

Un rapport interne de la Garde côtière obtenu par La Presse Canadienne en 2019 indiquait que la flotte avait déjà des problèmes, dont 2 millions en bouées de navigation perdues, des services de traversier perturbés dans l’est du Canada et des navires commerciaux emprisonnés dans les glaces.

Le chantier naval Davie, qui appartient à une société établie à Monaco, a également un bilan mitigé en ce qui concerne l’exécution des contrats fédéraux qu’il a décrochés ces dernières années, y compris les trois brise-glaces d’occasion.

Commandé à l’origine en août 2018, le dernier des trois brise-glaces de construction norvégienne n’a été livré par Davie qu’à la fin de l’année dernière. À ce moment-là, le coût pour les contribuables canadiens était passé de 610 millions à près de 1 milliard de dollars.

Le chantier naval a également été sélectionné dans le cadre d’un contrat à fournisseur unique en 2019 pour construire deux traversiers pour Transports Canada afin de remplacer deux navires existants desservant l’est du Canada.

Les responsables ont déclaré à l’époque qu’ils s’attendaient à ce que le premier navire soit livré d’ici 2026, mais cet échéancier a depuis été repoussé à 2028, même si l’un des traversiers existants a été détruit par un incendie l’année dernière.