(Ottawa) La Gendarmerie royale du Canada (GRC) annonce que son équipe intégrée de la sécurité nationale a arrêté deux femmes à l’aéroport international Montréal-Trudeau et a demandé un engagement de ne pas troubler l’ordre public en vertu du Code criminel.

La GRC a indiqué jeudi dans un communiqué qu’Ammara Amjad et Dure Ahmed ont comparu devant la cour provinciale de l’Ontario par vidéoconférence pour une enquête sur le cautionnement relativement à une demande d’engagement de ne pas troubler l’ordre public en matière de terrorisme.

Selon la police fédérale, l’affaire a été ajournée et les femmes restent en détention jusqu’à leur prochaine comparution devant le tribunal, mardi.

« On peut attribuer la réussite de cette enquête à la solidité de nos partenariats avec les services policiers », a déclaré le surintendant principal, Matt Peggs, agent responsable des enquêtes criminelles pour la division de l’Ontario.

« La GRC s’oppose fermement à toute forme de soutien au terrorisme, notamment à des groupes comme l’État islamique et demeure déterminée à protéger la sécurité de toute la population canadienne », a-t-il ajouté.

Plus tôt jeudi, l’avocat des deux Canadiennes a indiqué qu’elles venaient d’être rapatriées de Syrie et qu’elles avaient été aussitôt arrêtées par la GRC. Il précisait qu’elles risquaient aussi de faire face à une enquête sur cautionnement à Brampton, en Ontario.

Me Lawrence Greenspon affirmait que la Couronne chercherait à obtenir des engagements de ne pas troubler l’ordre public, qui leur imposeraient des conditions strictes.

Les deux femmes sont au nombre des quatre Canadiennes et des 10 enfants qui sont arrivés jeudi au Canada après avoir été libérés des camps de prisonniers du nord-est de la Syrie.

Tous ces Canadiens font partie des nombreux ressortissants étrangers dans des camps syriens dirigés par les forces kurdes, qui ont repris la région des mains du groupe armé État islamique.

Dans le cadre d’un engagement de ne pas troubler l’ordre public en matière de terrorisme, un juge peut ordonner à la personne de conclure un accord de bonne conduite ou éventuellement d’être passible d’une peine de prison. On pourrait aussi imposer des conditions telles qu’un couvre-feu ou l’interdiction d’avoir des armes.

Kimberly Polman, une femme de la Colombie-Britannique rapatriée au Canada depuis la Syrie l’an dernier, a ainsi été libérée sous caution en attendant une audience d’engagement de ne pas troubler l’ordre public.

Mais on s’attendait à ce que ce vol tant attendu vers le Canada ramène plus de gens encore au pays, jeudi.

L’avocat Lawrence Greenspon avait en fait conclu en janvier dernier un accord avec Ottawa pour rapatrier six Canadiennes et 13 enfants qui avaient fait l’objet d’une contestation judiciaire.

Me Greenspon a précisé jeudi que deux mères et trois enfants n’étaient pas au point de rendez-vous convenu et ont raté le vol de rapatriement. « Ils n’ont pas pu les trouver », a-t-il dit jeudi.

L’avocat s’attend à ce qu’Affaires mondiales Canada essaie de localiser ces cinq personnes afin de les ramener également au Canada.

Une mère québécoise retenue

Une mère québécoise et ses six enfants, qui souhaitaient également venir au Canada, ne font pas non plus partie des rapatriés, a déclaré Me Greenspon. Alors que les six enfants ont été jugés admissibles au rapatriement de Syrie, leur mère a été informée qu’elle ne pouvait pas se joindre à eux, car son évaluation de sécurité n’était pas terminée.

C’est « inexcusable », étant donné qu’Affaires mondiales Canada a fait savoir par écrit fin novembre dernier que la femme et ses enfants avaient satisfait aux critères d’examen par le gouvernement fédéral de l’aide aux Canadiens détenus dans la région, a déclaré Me Greenspon jeudi. « C’est tout simplement ridicule de donner ça comme excuse. »

Interrogé jeudi sur cette famille, le premier ministre Justin Trudeau a déclaré que le Canada protégera toujours les Canadiens dans des situations difficiles à l’étranger, mais s’assurera également que « nous faisons tout le nécessaire pour assurer la sécurité des Canadiens ici, chez nous ».

Pour des raisons opérationnelles, je ne commenterai pas davantage

Justin Trudeau, premier ministre du Canada

Un juge fédéral a récemment ordonné à Ottawa d’obtenir également la libération de quatre Canadiens détenus dans le nord-est de la Syrie. Le gouvernement fédéral a fait appel de cette décision.

Dans un communiqué, Affaires mondiales Canada et Sécurité publique Canada indiquent que « compte tenu des renseignements faisant état d’une détérioration des conditions dans les camps du nord-est de la Syrie, nous sommes particulièrement préoccupés par la santé et le bien-être des enfants canadiens ».

« Tant que les conditions le permettront, nous continuerons ce travail », assure-t-on.

Les ministères canadiens remercient l’Administration autonome du Nord et de l’Est de la Syrie « pour sa participation à cette opération dans des conditions de sécurité difficiles ». Ils remercient aussi les États-Unis « pour l’aide qu’ils ont apportée dans le rapatriement ».

Circonstances méconnues

« Pour des raisons de confidentialité, nous ne pouvons divulguer aucun renseignement sur les personnes concernées et nous ne pouvons donner aucun détail sur le rapatriement pour des raisons opérationnelles », conclut le communiqué.

On sait en effet peu de choses sur les 14 rapatriés ou sur la façon dont ils se sont retrouvés en détention dans des camps en Syrie. Des agents de la Gendarmerie royale du Canada se sont récemment rendus en Syrie pour mener des entrevues dans les camps.

« Là où il existe preuve suffisante, les organismes d’application de la loi et de sécurité publique prendront indépendamment les mesures nécessaires pour assurer la sécurité dans nos collectivités », indiquent jeudi les deux ministères fédéraux.

« Nous réitérons que c’est une infraction criminelle grave pour quiconque de quitter le Canada pour appuyer consciemment une organisation terroriste et que ceux qui participent à ces activités seront soumis à la législation canadienne dans toute sa rigueur. »

Environ 10 000 personnes de plus de 60 pays autres que la Syrie et l’Irak sont toujours dans deux camps de personnes déplacées dans le nord-est de la Syrie, a déclaré jeudi Vedant Patel, principal porte-parole adjoint du département d’État américain.

« Le rapatriement est la seule solution durable pour cette population, dont la plupart sont des enfants vulnérables de moins de 12 ans. »

Par ailleurs, des milliers de combattants de l’État islamique sont détenus dans des centres de détention à travers la région, a indiqué M. Patel. « Cela constitue la plus grande concentration de combattants terroristes détenus au monde et reste une menace pour la sécurité régionale et internationale. »