La Gendarmerie royale du Canada (GRC) n’a pas l’intention de démanteler dans l’immédiat les installations qui ont été érigées près du chemin Roxham afin d’accueillir les milliers de demandeurs d’asile qui traversaient la frontière canado-américaine d’une manière irrégulière chaque mois, malgré la récente fermeture de ce passage par les autorités canadiennes et américaines.

L’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) et le ministère de l’Immigration comptent aussi maintenir une présence certaine dans les environs du chemin Roxham, devenu le symbole à l’échelle internationale d’un flux migratoire irrégulier entre le Canada et les États-Unis.

Les modifications apportées à l’Entente sur les tiers pays sûrs à la suite de la visite du président Joe Biden le mois dernier, qui permettent de refouler tout demandeur d’asile, peu importe le passage qu’il emprunte pour gagner le Canada, ne changent donc pas la donne pour la GRC et l’ASFC pour le moment.

« Toutes les installations près du chemin Roxham ont été mises en place par la Gestion immobilière de la GRC. Au cours des ans, certains sites ont subi des modifications dans le but de répondre à nos divers besoins opérationnels et pour optimiser nos installations. Par conséquent, nous allons observer les tendances et l’impact sur nos besoins afin d’adapter nos installations », a indiqué dans un courriel à La Presse la caporale Tasha Adams, du bureau des communications de la GRC.

Le ministère Services publics et Approvisionnement Canada – qui est responsable de la négociation et de la signature de contrats au nom des autres ministères du gouvernement fédéral – a offert un son de cloche similaire.

Résultat : les contrats sans appel d’offres qui ont été accordés aux entreprises de Pierre Guay, un homme d’affaires qui détient de nombreux terrains et locaux situés à proximité du poste frontalier de Saint-Bernard-de-Lacolle, resteront en vigueur jusqu’à nouvel ordre.

En tout, les entreprises de M. Guay, un important contributeur du Parti libéral du Canada (PLC) au fil des ans, ont décroché 28,1 millions de dollars en contrats depuis 2017.

« Services publics et Approvisionnement Canada continue d’appuyer l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) et Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC) dans leurs opérations, en répondant à leurs besoins en installations et en services. Pour le moment, ceux-ci ont indiqué maintenir leur besoin, et les baux avec les entreprises détenues par M. Guay suivent leur cours », a confirmé Stéfanie Hamel, porte-parole du ministère, dans un courriel à La Presse.

Afin de répondre à une hausse importante du nombre de demandeurs d’asile qui empruntaient le chemin Roxham, les autorités canadiennes ont jugé nécessaire de modifier les installations utilisées par la GRC, l’ASFC et le ministère de l’Immigration. L’automne dernier, un nouveau complexe modulaire a ainsi été érigé au coût d’un demi-million de dollars, selon Radio-Canada. Les nouvelles installations, qui sont situées à côté d’un bâtiment déjà existant, ont remplacé un chapiteau et une roulotte, qui étaient devenus trop exigus en raison de la hausse du nombre de demandeurs. La GRC a loué ces installations jusqu’en mars 2024, avec des options de renouvellement jusqu’en 2026.

PHOTO ROBERT SKINNER, ARCHIVES LA PRESSE

Le poste de contrôle de la GRC sur le chemin Roxham, du côté canadien, en 2021. Depuis, la roulotte a été remplacée par un bâtiment à l’automne 2022.

L’an dernier, la GRC a intercepté un nombre record de 39 540 demandeurs d’asile qui ont franchi la frontière canado-américaine d’une manière irrégulière en empruntant le chemin Roxham.

La semaine dernière, huit personnes – quatre originaires de l’Inde et quatre d’origine roumaine – sont mortes en tentant d’entrer illégalement aux États-Unis depuis le Canada, via le territoire mohawk d’Akwesasne, qui chevauche le Québec, l’Ontario et l’État de New York.

Cette tragédie est survenue quelques jours après l’entrée en vigueur des modifications à l’Entente sur les tiers pays sûrs.

Durant les cinq premiers jours de l’entrée en vigueur de ces changements, soit du 25 au 30 mars, 168 personnes ont présenté une demande d’asile après avoir traversé entre des points d’entrée désignés.

De ce nombre, 125 demandeurs d’asile ont été renvoyés aux États-Unis sur la base du Protocole additionnel de l’Entente sur les tiers pays sûrs et 42 ont été jugés admissibles à poursuivre leur demande de protection au Canada. Un individu a retiré sa demande et est retourné volontairement aux États-Unis.

« Lorsque des personnes traversant entre des points d’entrée sont interceptées par la GRC ou la police de la région, elles sont amenées à un point d’entrée désigné. Une fois au point d’entrée, l’Agence des services frontaliers du Canada détermine si la demande est recevable en vertu du Protocole additionnel de l’Entente sur les tiers pays sûrs. Si une personne ne répond pas à une exception à l’Entente, ou si elle est jugée inadmissible pour une autre raison, elle est renvoyée aux États-Unis », a indiqué Audrey Champoux, attachée de presse du ministre de la Sécurité publique, Marco Mendicino.

Elle a précisé que si la demande est recevable, le dossier de la personne est transmis à la Commission de l’immigration et du statut de réfugié aux fins d’examen, et la personne sera autorisée à entrer au Canada pour poursuivre une demande d’asile.

Elle a ajouté que l’ASFC travaille de concert avec le Service des douanes et de la protection des frontières des États-Unis afin « d’assurer le retour en toute sécurité des personnes renvoyées, y compris l’organisation du transport, le cas échéant ».